Lettre ouverte aux dirigeants du Forum social sénégalais

Cependant, la plus part des parties prenantes à la tenue du Fsm à Dakar, singulièrement la « composante gauche politique », ont été mises à l’écart des travaux, contrairement à la tradition qui prévaut dans tous les pays membres.

Le Forum social sénégalais (Fss) vient de tenir dans la plus grande confidentialité médiatique, des travaux préparatoires à la tenue du Forum social mondial (Fsm), qui va se tenir en Tunisie du 25 au 30 mars 2013. Cette démarche non inclusive n’aurait pas dérangé outre mesure, si les recommandations issues de ces travaux qui sont censés répondre aux attentes du mouvement social de la sous région, étaient à la hauteur des enjeux et des défis auxquels nos peuples font face.

En effet, beaucoup d’organisations de la gauche politique du Sénégal, s’étonnent de l’absence d’une réflexion profonde et d’une prise de position sans équivoque, sur la crise au Mali, et sur les responsabilités de la Cedeao et de L’Union africaine (Ua). Et cela, dans un silence total sur l’évolution récente de l’ « Opération Serval » de la France, qui a décidé de retirer progressivement son armée en fin mars–début avril, pour laisser la place à une « force » onusienne de maintient de la paix.

Le Fss ne peut pas ignorer que cette évolution va consacrer une « partition de fait » du Mali, avec un Nord occupé par une rébellion armée qui a favorisé l’agression d’Al Quaïda contre ce pays, à cause de l’exclusion, par la France, de l’Armée nationale du Mali, de cette partie de son territoire.

De ce fait, la France, sous Hollande, viole l’esprit et la lettre de la demande officielle du président de la Transition, qui a sollicité son appui à l’armée malienne en termes de moyens et de renseignements, pour rétablir la souveraineté de son peuple sur l’intégrité de son territoire.

La France s’incline aussi devant la stratégie des Usa et de Sarkozy, visant à imposer aux autorités maliennes de la Transition des négociations avec les détachements laïcs et religieux « non intégristes » de la rébellion armée, que sont le Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla), et une dissidence d’Ansar Dine, qui s’est dénommée « Mouvement Islamique de l’Azawad» (Mia), pour entériner politiquement la « partition militaire de fait » du Mali.

C’est sur cette évolution que Sarkozy a décidé d’influer politiquement, en reprochant à Hollande d’être intervenu dans « un pays sans institutions légitimes », pour conforter le pouvoir de « faiseurs de coups d’état ».

Ainsi, les institutions de la Transition au Mali, à la naissance desquelles la France sous Sarkozy et les Etats Unis ont pesé lourdement pour amener la Cedeao à les imposer à la junte qui a renversé le Président Amadou Toumany Touré (ATT), sont aujourd’hui considérées, par Sarkozy et les Etats Unis, comme « illégitimes », pour avoir refusé de cautionner politiquement la « partition militaire de fait » de leur pays.

Les autorités de la Transition tiennent à ce que l’Onu fasse respecter ses engagements d’aider ses forces militaires et de sécurité, pour rétablir la souveraineté de leur peuple sur l’étendue de leur territoire national, que la France, sous Hollande, leur refuse à Kidal et à Tessalit au Nord du pays, pour préserver les capacités du Mnla et du Mia à imposer une « partition de fait » du Mali à travers des négociations avec le pouvoir à Bamako.

Hollande ayant rejoint les positions des Etats Unis, a reçu leur soutien logistique pour mieux traquer Al Quaïda, en même temps qu’Obama refuse d’appliquer la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui demande d’aider les autorités de la Transition à reconstruire leurs forces armées et de sécurité pour libérer le Nord de leur pays, occupé par les insurgés et les terroristes islamistes.

La Cedeao vient, dans ses dernières résolutions, refléter cette situation ambigüe en soutenant, d’une part, le nécessaire déploiement des forces armées et de sécurité du Mali sur toute l’étendue de son territoire, et d’autre part, la transformation de la « Mission internationale de soutien au Mali » (Misma), de « forces armées africaines combattantes pour libérer le Nord Mali », en « Forces non combattantes de maintient de la paix » des Nations unies, pour se substituer à l’armée française qui entame son retrait des début avril, alors que le Nord du Mali reste hors du contrôle de l’armée malienne et des Autorités de la Transition.

C’est pour lever toute équivoque sur le statut de cette force onusienne qu’Edmond Mulet, qui dirige une mission au Mali pour « préparer un rapport spécial que le secrétaire général devra présenter au Conseil de sécurité avant la fin du mois », a précisé « qu’il ne s'agit pas de créer une force tampon entre le Nord et le Sud", et que « les membres du Conseil de sécurité et les Etats membres sont très clairs pour que le Mali étende son autorité sur tout le territoire du Mali »n et que, « la souveraineté du Mali est l'objectif principal de cet appui international ».

La France et les Etats Unis sont en porte à faux avec l’objectif de l’Onu qui est conforme à la requête que le président de la Transition avait adressée à Hollande pour déclencher l’ « Opération Serval ».

C’est donc pour résoudre cette équation politique qui gêne Washington et Paris, qu’ils exercent une forte pression sur la Cedeao pour en finir le plus tôt possible avec les autorités de la Transition, par la tenue de l’élection présidentielle en juillet au Mali, dans l’espoir d’avoir des interlocuteurs politiques plus sensibles à leurs préoccupations géostratégiques.

Ainsi l’enjeu politique véritable de cette élection est la place à accorder à la rébellion du Nord, et non le rétablissement de la souveraineté du peuple malien sur l’ensemble de son territoire national à travers l’expression libre et sans entrave de son suffrage.

Donc, tous les patriotes et panafricanistes maliens, qui sont, d’une part, pour l’exécution du mandat d’arrêt international émis par les autorités de la Transition contre les responsables de la rébellion pour les crimes d’atteinte à l’intégrité territoriale du Mali, à la sécurité de son peuple, pour les graves violations de droits humains, et d’autre part pour le désarmement total des groupes armés avant leur participation au « Dialogue national », devraient se rassembler autour d’un même candidat pour contrer le ou les candidats de la « légitimation politique de la partition militaire de fait du territoire malien ».

Comment le Fss peut il aller au Fsm à Tunis en occultant ces enjeux, essentiels pour l’Afrique, que porte la crise au Mali ? Pourquoi avoir ignoré les mutations encours dans notre sous région qui voit l’entrée de la Mauritanie dans la Misma et le Tchad promus à un haut rang de son commandement militaire ? Pourquoi faire l’impasse sur le maintien des « Forces spéciales françaises » au Niger pour protéger les sites d’uranium exploités par Areva, au moment où la France se désengage du Nord Mali sous prétexte d’y avoir neutralisé les terroristes ? s

Pourquoi ne pas avoir analysé la nature et les objectifs des manœuvres maritimes, baptisées « Sahelian Express », sous l’égide d’Africom, qui se sont déroulées du 7 au 14 mars aux larges des côtes sénégalaises, mauritaniennes, et cap verdiennes, impliquant notre Marine nationale et notre pays qui abrite la « phase active » de ces manœuvres, selon un communiqué officiel de l’ambassade américaine à Dakar. Surtout que la France et l’Espagne y participent en qualité «d’observateurs » !

Quelle lecture devrait on faire, devant la cour assidue dont les nouvelles autorités du Sénégal sont l’objet depuis leur décision courageuse de renouer les relations diplomatiques avec l’Iran, après leur refus d’envoyer des forces combattantes au Mali pour lutter, non pas contre la rébellion, mais contre la junte qui s’était révoltée pour renverser le régime de ATT, coupable de laxisme devant la rébellion et la déroute de l’armée malienne au Nord du pays ?

Dans cette optique, ne faudrait il pas intégrer dans l’analyse, les propositions de coopération alléchantes de la Turquie, qui est le bras armé de l’Otan au Moyen Orient, et celles du président libanais, dont le pays est le bastion des intérêts français dans cette sous région, suivies de la visite au Sénégal du Roi du Maroc, qui protège, à la fois, les intérêts français et américains en Méditerranée et dans le Sahel ?

Dans ces conditions, la visite du président de la Transition au Mali et celle attendue du ministre des Affaires étrangères de l’Afrique du Sud, devraient nous faire comprendre la place stratégique de notre pays dans les stratégies de la France et des Etats Unis pour le Moyen orient et le Sahel, et pour le Golfe de Guinée.

Le Fsm de Tunis interpelle donc les alter mondialistes et pan africanistes de gauche dans notre pays, pour éclairer l’opinion sur les défis du monde qui se trament dans notre sous région, et pour lesquels nos Autorités sont fortement sollicitées. Mais le Fss, dans sa démarche non inclusive, n’a pas permis aux forces progressistes de notre pays de relever ce défi africain et mondial.

S’il était possible de rectifier le tir avant d’aller à Tunis, notre pays en serait d’ autant grandi.

CE TEXTE VOUS A ETE PROPOSE PAR PAMBAZUKA NEWS



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** Ibrahima Sène est membre du Parti pour l’indépendance et le travail/ Sénégal

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