Libye : Une année plus tard, la guerre est loin d’être terminée

La mort de l’ambassadeur américain en Lybie éclaire les faces cachées de l’après-guerre en Libye. Les «installations» où Christopher Stevens et trois autres personnes ont perdu la vie à Benghazi, n’étaient pas des installations diplomatiques. Cet épisode rèvèle le rôle de ce dernier et éclaire l’hypocrisie de la "guerre contre le terrorisme". En outre, il apporte les preuves d’une collusion entre les services de renseignements américains et les milices lybiennes.

Le 23 octobre, il y a une année depuis que le président du Conseil National de Transition a déclaré que la libération de la Libye était chose faite. Quelques jours plus tard, le secrétaire général de l’OTAN, le général Anders Fogh Rasmussen déclarait que la mission de l’OTAN en Libye était terminée, ajoutant que "c’était une des plus réussies dans la longue histoire des réussites de l’OTAN". Malgré ces déclarations, des rapports quotidiens font état de combats dans toute la Libye, avec un niveau sans précédent d’insécurité dans un pays où plus de 1700 milices sont en maraude.

Après l’exécution du colonel Kadhafi le 20 octobre 2011, les agences de désinformation de l’Empire ont travaillé durement pour mettre le couvercle sur les informations concernant les milices et l’insécurité. Toutefois, la compétition entre les différentes compagnies pétrolières a piégé de nombreuses forces. Ainsi la guerre a-t-elle continué avec des milices liées à des firmes pétrolières occidentales, au travers de contractants militaires privés et d’autres agences occidentales.

Les citoyens américains ont découvert le degré d’insécurité de la population libyenne le 11 septembre, lorsque l’ambassadeur des Etats-Unis en Libye a été tué à Benghazi, ville qui était à la base de la rébellion contre Kadhafi. La mort de l’ambassadeur Stevens a mis en lumière les activités de la diplomatie et du renseignement américains, ainsi que leurs relations avec les milices. Les différents comptes-rendus de cette mort se sont invités dans la campagne présidentielle lorsque le Congrès, contrôlé par les Républicains, a demandé une enquête pour connaître la "vérité". Avant ces enquêtes, des rapports ont filtré par bribes, concernant la présence du renseignement américain à Benghazi. Lorsque le personnel de sécurité américain a été évacué après ces évènements fatidiques du 11 septembre 2012, le vice-premier ministre libyen, Mustafa Abushagour, a déclaré au Wall Street Journal : "Nous avons été surpris par le nombre d’Américains qui étaient à l’aéroport. Nous n’avons aucune difficulté à partager ou à rechercher le renseignement, mais notre souveraineté est essentielle". Les Libyens ont découvert le degré de collusion entre un grand nombre de personnel appartenant aux renseignements américains et les milices en compétition à Benghazi.

Les témoignages des officiels du Bureau of Diplomatic Security du Département d’Etat, devant le Congrès américain, n’ont fait que générer davantage d’incertitudes quant aux objectifs des Etats-Unis en Libye. Ces auditions n’ont pas réussi à mettre en évidence le rôle important de la communauté du renseignement en Libye en coordination avec l’actuelle guerre en Syrie.

La guerre en Libye n’est pas encore terminée et les Nations Unies, ainsi que les pays dits BRICS devront être plus francs en proposant un nouveau plan pour la restauration de la paix et des moyens d’existence décents aux peuples de Libye. Au bout du compte, les déclencheurs de guerre, sortis de l’intervention de l’OTAN en Libye, ont des effets tragiques pour tous les peuples du Moyen Orient et d’Afrique du Nord. L’Union africaine devra une fois de plus intervenir en Libye, alors que les pays de l’OTAN descendent de plus en plus profondément dans la dépression économique et la répression politique au-dedans et au-dehors de leurs frontières.

FAIRE AVALER LADITE TRANSITION

Après l’exécution de Kadhafi le 20 octobre 2011 et la capture de Saïf al Islam en novembre, les médias occidentaux se sont surpassés pour présenter l’idée qu’une nouvelle ère de paix et de reconstruction était arrivée en Libye. Par des informations provenant de la Libye et soigneusement gérées, les citoyens occidentaux ont été assurés que la Libye se trouve dans une phase de "transition".

La première étape dans la planification des maîtres à penser de l’intervention a été la déclaration de la victoire après la destruction de Syrte et le déplacement de centaines de milliers de personnes. La deuxième étape consistera en la formation d’un gouvernement de transition ; ce qui était supposé être accompli à la fin octobre 2011 avec Abdulrahim El Keib qui remplace Mahmoud Jibril. Cette phase était prévue pour être guidée jusqu’en février 2012, avec la nomination d’une commission électorale et l’adoption d’une législation électorale. La nature de farce de cette transition est bientôt apparue lorsqu’en mars 2012 les officiels du gouvernement de transition dans l’Est, centrés sur Benghazi, ont lancé une campagne qui visait à rétablir l’autonomie de la région, aggravant ainsi les tensions avec le gouvernement central de Tripoli. Cette poussée pour l’autonomie dans la riche région pétrolifère a permis une foison d’activités, au moment où les patrons des compagnies pétrolières et leurs contractants privés étaient arrivés à Benghazi afin de s’assurer que leur compagnie serait solidement représentée à l’heure de la redistribution des contrats pétroliers.

C’était au milieu des dangereuses querelles entre patrons des compagnies pétrolières, avec leurs contractants et milices, qu’il y a eu des annonces répétées de plans d’élection en Libye en juin 2012. Les consultations pour le General National Congress ont eu lieu le 7 juillet 2012. Les média internationaux se sont surpassés pour souligner le succès des élections et le "fait" que les islamistes et les jihadistes ne les ont pas remportées. Le gouvernement transitoire a ainsi passé le pouvoir au General National Congress. Lequel a ensuite élu à la présidence Mohammed Magarief du National Front Party, le faisant ainsi chef de l’Etat ad interim.

Ces versions bien élaborées de la "transition" ont escamoté la guerre qui se poursuivait dans toute la Libye. Il y avait approximativement 1700 groupes de miliciens qui régnaient sur le pays, avec chaque quartier dominé par une faction qui menait ses affaires à la pointe du fusil pour obtenir l’accès à des ressources. Suite au décès de l’ambassadeur Christopher Stevens, le citoyen américain a soudainement découvert ce que le département d’Etat désignait sous le terme " d’incidents de sécurité". Mais les 230 "incidents de sécurité" au cours de l’année dernière n’étaient que le sommet de l’iceberg qui reflétait la déstabilisation massive et les tueries à grande échelle qui ont eu lieu.

Les Libyens à la peau noire de Tawergha ont été expulsés de leurs communautés et plus de 30 000 ont été déplacés. Même les porte-paroles des missions impériales occidentales ont dû prendre position, et Human Rights Watch a ajouté sa voix à la condamnation du règne des milices. Dans un rapport intitulé "Report of the rule of law or rule of militias" (Rapport sur le règne de l’autorité de la loi ou le règne des milices), l’Ong éclaire ainsi certaines questions restées dans l’ombre, concernant le rôle de ces maraudeurs armés qui déferlent sur toute la Libye. En juin, une brigade de ces milices a brièvement occupé l’aéroport international de Tripoli.

PETROLE ET MILICES

En dépit des 230 incidents de sécurité en Libye, les compagnies pétrolières internationales étaient de retour aux affaires à la fin septembre 2012 et la Libye continuait d’assurer 90% de sa production d’avant l’intervention de l’OTAN. En fait, on pompait plus de pétrole qu’au cours des mois qui ont immédiatement précédé l’intervention de l’OTAN. Les compagnies étrangères se sont rendues en masse en Libye en mai, avec BP, pour former le cortège. Même sans les centaines de milliers de travailleurs étrangers, la stabilisation de l’exportation du pétrole a contraint les compagnies pétrolières à se concentrer sur la question de savoir qui va contrôler Benghazi, particulièrement après la déclaration d’autonomie fracassante des milices/dirigeants politiques en février.

Les compagnies pétrolières américaines ne voulant pas être exclues de cette lutte insensée, les efforts diplomatiques américains se sont dirigés vers Benghazi. Christopher Stevens a été nommé ambassadeur des Etats-Unis en Libye en janvier 2012, il est arrivé à Tripoli en mai. Lorsque le soulèvement a commencé en février 2011 et que le philosophe français, Bernard-Henri Lévy se rendait à Benghazi afin de mobiliser des soutiens en faveur des intérêts français, Chris Stevens a été l’un des premiers diplomates sur le terrain à Benghazi. Il a été le "représentant spécial" auprès du Libyan Transitional National Council, de mars 2011 à novembre 2011, c'est-à-dire durant l’intervention de l’OTAN. Avant cela, il a servi comme adjoint du chef de mission en Libye entre 2007 et 2009. A cette époque, Stevens décrivait Kadhafi comme étant "un interlocuteur charmant et agréable" ainsi qu"un partenaire substantiel dans la guerre contre le terrorisme"

Chris Stevens appartenait à cette section du département d’Etat américain qui connaissait très bien les mouvements des membres des milices entre Benghazi et l’actuelle guerre contre le régime Assad en Syrie. Des islamistes libyens de la région orientale représentent le plus fort contingent des "combattants étrangers" qui jouent un rôle de plus en plus important dans la guerre qui se déroule en Syrie et qui a pour objectif de renverser le gouvernement du président Assad. Selon certaines estimations, ils sont entre 1200 et 1500, pour un total d’environs 3500 combattants qui ont été infiltrés en Syrie à partir d’endroits aussi éloignés que le Pakistan ou la Tchétchénie.

LA MORT D’UN AMBASSADEUR

Les répercussions de la guerre de l’OTAN sont perceptibles dans toute l’Afrique du Nord et la population libyenne a subi les plus grands dommages du fait de la loi de la jungle qui s’est installée. Ce chaos convenait très bien, sur le court terme, aux forces du capital à Wall Street, aux patrons des compagnies pétrolières et aux Emirats. La prolifération d’armes de guerre provenant de dépôts d’armements libyens non contrôlés - y compris des armes légères, des explosifs et des missiles anti-aériens portables (MANPAD) - a permis la disponibilité d’armes dans les régions frontalières qui en ont le plus souffert. L’actuelle destruction au Mali est la conséquence directe de ces formes de pillages au profit des intérêts occidentaux.

Les puissances de l’OTAN et les puissances occidentales restent satisfaites de cette instabilité provisoire qui remet à plus tard la question de l’intégration africaine. Toutefois, certains milieux africains se sont suffisamment indignés pour oeuvrer à la destitution du président de la Commission de l’Union africaine, Jean Ping.

L’ Oversight and Government Reform Committee, dans une de ses réunions, a tenté de diagnostiquer les défauts de sécurité qui ont permis le meurtre de l’ambassadeur américain et de trois autres personnes à Benghazi. Cette audience a confirmé ce que beaucoup savaient déjà : à savoir qu’il n’y avait pas de véritables "consulats" à Benghazi mais un vaste réseau de contractants et d’espions travaillant pour la CIA et les compagnies pétrolières. C’est le témoignage de Charlene Lamb, adjointe de l’assistant au secrétaire d’Etat pour le Bureau de la sécurité diplomatique, devant le Congrès, qui a révélé que "les installations" où Christopher Stevens et trois autres personnes ont perdu la vie à Benghazi, n’étaient pas des installations diplomatiques.

Les évènements qui entourent la mort de l’ambassadeur Stevens exposent les Etats-Unis en Libye à plus d’un égard. D’abord, le rôle de ce dernier éclaire l’hypocrisie de la "guerre contre le terrorisme". Deuxièmement, les preuves démontrent une collusion entre les services de renseignements américains et les milices. Dans son témoignage devant le Congrès, Charlene Lamb a expliqué aux législateurs que les locaux des services de renseignement dépendaient des milices de la Brigade du 17 Février. Lamb a déclaré le 10 octobre au Congrès qu’en ce qui concerne le personnel de sécurité armé, il n’y avait que cinq agents de sécurité diplomatique dans l’installation le 11 septembre. "Il y avait aussi trois membres libyens de la Brigade du 17 Février", faisant référence aux Libyens engagés pour garder le complexe américain. Le troisième aspect concerne la compétition entre les compagnies pétrolières françaises, britanniques, italiennes et américaines pour la domination politique de Benghazi. Traditionnellement, les Italiens ont été la puissance dominante sur le terrain, mais pendant les opérations françaises et britanniques, ils ont été repoussés comme des partenaires mineurs dans l’opération impérialiste.

Ces éléments n’ont pas émergé au cours des audiences, mais les querelles entre le département d’Etat et la CIA sont apparues. Les militaires américains ont été discrets pendant que ces disputes avaient cours.

Déjà avant les audiences, Eric Nordstrom a engagé une bataille médiatique afin de laisser sa marque sur les évènements qui ont conduit à la mort de l’ambassadeur. Dans son témoignage, l’officier de sécurité régional, qui a servi en Libye pendant environ 10 mois, a déclaré qu’il a cherché à obtenir davantage d’agents et d’étendre la durée de la mission des équipes de sécurité sur les sites en Libye.

Il y avait en effet des besoins de sécurité, mais comme le montre son agenda, l’ambassadeur Stevens était opposé à la présence de fonctionnaires du département d’Etat en raison de l’intégration des contractants privés, des agents de renseignements et des milices. Plus tôt, au mois de juin, il y a eu une attaque sur les installations du renseignement qui était désigné sous le nom de "consulat". Puis une attaque le 6 juin sur le consulat de Benghazi et une attaque à la roquette le 11 juin contre un convoi dans lequel avait pris place l’ambassadeur britannique auprès de la Libye. En plus, le 27 août, le département d’Etat avait mis en garde les voyageurs contre la menace d’attaques à la bombe contre des véhicules et d’assassinat à Tripoli et à Benghazi. Malgré ces attaques, l’ambassadeur Stevens s’est opposé au Bureau de la sécurité diplomatique du département d’Etat, disant que la sécurité ne devrait pas être confiée aux Marines qui habituellement gardaient les installations diplomatiques américaines. Selon le Wall Street Journal, il a pris cette décision pour "témoigner sa confiance aux nouveaux dirigeants libyens". Le journal écrit à ce propos : "Des officiels disent que M. Stevens a personnellement refusé que des Marines soient postés à l’ambassade à Tripoli, apparemment pour éviter une présence américaine militarisée".

REPERCUSSIONS SUR LE PUBLIC AMERICAIN

Pendant que les médias faisaient l’apologie de l’ambassadeur Stevens comme étant un héros, la première indication sur la nature de l’intrigue est venue de la lutte entre CNN et le département d’Etat concernant le contenu de l’agenda de l’ambassadeur Stevens. Son agenda et son calendrier de rendez-vous ont été ramassés par des journalistes et une partie exposait ses multiples rôles que le réseau américain de CNN a rendu publics. Cette même chaine a été complice de désinformation durant la guerre, mais dans l’actuelle guerre d’audience CNN n’a pas attendu de permissions avant que d’exposer les activités de Stevens tel que celui-ci les a lui-même documentées. Ces révélations ont déplu au département d’Etat.

Pendant que Stevens a eu droit à des funérailles officielles avec les hommages du président Obama et de Mme Clinton, les trois autres Américains tombés ce même jour ont été discrètement enterrés afin que les médias de leurs villes respectives ne posent pas de question quant à leurs activités à Benghazi.

LA CIA CONTRE LE DEPARTEMENT D’ETAT

Lorsque Stevens a été tué, la représentante américaine auprès des Nations Unies, Susan Rice, déclarait que la tuerie a eu lieu dans le contexte des manifestions internationales qui ont suivi l’odieuse vidéo concernant le prophète Mohammed. Peu après, il est devenu clair que l’attaque à Benghazi n’avait aucun lien avec les manifestations internationales, mais tout à voir avec la guerre entre les milices à Benghazi. Le candidat républicain à la présidence s’est ainsi saisi de l’occasion pour embarrasser le président Obama en soulignant les disparités entre les faits, puis le Congrès, dominé par les Républicains, a demandé une enquête.

A peine les audiences commencées devant les législateurs républicains que ceux-ci découvraient un panier de crabes qui prouve l’envergure de l’implication de la CIA en Libye. Dès le début des audiences, le républicain Jason Chaffetz (représentant de l’Utah) a été le premier a démasquer le rôle de la CIA. Il a aussitôt déposé une motion alors que l’officiel de la sécurité du département d’Etat, assis devant une photo aérienne des installations américaines de Benghazi, décrivait ce qui s’était passé cette nuit de l’attaque : "Nous sommes impliqués dans des questions confidentielles qui dévoilent des sources et des méthodes qu’il est inapproprié de divulguer dans un forum comme celui-ci", a-t-il lancé.

Le représentant du département d’Etat a alors rétorqué que les informations présentées sont disponibles sur des sites commerciaux et faciles à trouver par le biais des Google Earth Map. Et le département d’Etat de confirmer que le matériel n’est pas confidentiel et qu’il informe le public américain des différends entre la CIA et le département d’Etat. "J’objecte totalement à ce que cette photo soit utilisée" a cependant continué Chaffetz, ajoutant : "Pendant que j’étais en Libye, on m’a dit spécifiquement que je ne devais jamais parler de ce que vous nous montrez ici aujourd’hui". Après que ce dernier a réussi à attirer l’attention de tout le monde sur le fait qu’il y avait quelque chose d’intéressant dans cette photo, le président, Darrell Issa, représentant de la Californie, a tenté de contenir la situation. Mais il arrivait comme grêle après vendange. Le mal était fait. "J’ordonne que cette carte soit enlevée. Dans ces murs nous ne soulignerons pas les détails de ce qui peut, en effet, encore être une installation du gouvernement américains ou d’autres installations", a-t-il lancé bien qu’elle ait déjà paru sur C-SPAN.

SI VOUS NOURRISSEZ UN SERPENT DANS VOTRE SEIN, IL VOUS MORDRA !

Robert Fisk, journaliste à The Independant, a établi le lien qu’il y a entre l’intervention de l’OTAN en Libye et l’escalade guerrière en Syrie, mettant en garde l’Occident contre les dangers de la duplicité au Moyen Orient et en Afrique du Nord. Dans article publié après la mort de l’ambassadeur Stevens, Fisk écrivait :

"Les Etats-Unis ont soutenu l’opposition au colonel Kadhafi en Libye, ont aidé l’Arabie saoudite et le Qatar à déverser argent et armements dans les mains des milices, et a maintenant récolté la tempête. "L’ami" libyen des Américains s’est retourné contre eux, a assassiné l’ambassadeur américain Stevens et ses collègues à Benghazi et a mis en route un mouvement de protestation anti-américain mené par Al Qaeda qui consume le monde musulman. Les Etats-Unis ont alimenté le serpent d’Al Qaeda et il les a mordus. Maintenant Washington soutient l’opposition contre le président Bashar al Assad, aide l’Arabie saoudite et le Qatar a déverser argent et armements dans les mains des milices (y compris les Salafistes et Al Qaeda) ; il serait inévitablement mordu par le même "serpent" si Assad devait tomber".

Fisk cite l’un de ses amis en Syrie qui mettait en garde contre l’escalade de la guerre : "Vous savez, nous sommes tous désolés à propos de Christopher Stevens, ce genre d’affaire est effroyable et il était un bon ami de la Syrie. Il comprenait les Arabes". Je l’ai laissé même dire que je savais ce qui allait suivre. Nous avons une expression en Syrie : "si vous nourrissez un serpent dans votre sein, il vous mordra".

Cette morsure est maintenant ressentie jusque dans le hall du Congrès américain, où les audiences se sont retournées contre les Républicains qui avaient espéré faire des évènements à Benghazi un capital politique. Parce que ce qui émerge des rapports des médias est que l’agence de la CIA ne se contentait pas d’espionner les islamistes basés dans la Libye orientale, mais leur fournissait de l’aide directe et coordonnait leurs opérations pour la guerre en cours en Syrie.

LA GUERRE EN LIBYE EST LOIN D’ETRE TERMINEE

La Libye défraye de nouveau la chronique pendant que le gouvernement américain est forcé de jongler avec les mensonges et la désinformation. Il y a au moins sept nouveaux livres qui détaillent le marécage résultant de l’intervention de l’OTAN. Le mois prochain, ma contribution sera publiée par l’African Institute of South Africa. Le titre de mon livre est : "Global NATO and the catastrophic failure in Libya : lessons for Africa in the forging of African Unity " Ce livre rejoindra la vague de déclaration provenant du monde entier pour demander des mesures correctives en faveur de l’Afrique face à ce nouveau pillage. L’OTAN est maintenant discréditée au moment estoù elle sollicitée pour mener des guerres en Syrie, en Iran et au-delà.

Après la mort de Stevens, la marine américaine a envoyé deux destroyers dans les eaux libyennes. A l’intérieur de la Libye, il y a eu des appels pour le démantèlement des milices. Des manifestants demandent au gouvernement libyen de désarmer les forces du terrorisme en Libye. Toutefois, le gouvernement central libyen est déchiré entre les intérêts en compétition de la France, de la Grande Bretagne, de l’Italie, des Etats-Unis, des Emirats, de l’Arabie saoudite et de la Turquie. La guerre qui se poursuit dans ce pays montre qu’il est nécessaire d’intensifier les appels au Conseil de Sécurité des Nations Unies afin de retirer les contractants privés et le personnel militaire étranger de la Libye.

Le 12 mars 2012, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a prolongé le mandat de l’UN Support Mission in Libya (UNSMIL) d’une année, afin d’assister le gouvernement transitoire à affronter les défis administratifs et de sécurité. Cette prolongation est en fait une assistance apportée aux compagnies pétrolières extérieures. Les pays du BRICS en étaient furieux devant la manipulation de la résolution de la "Responsabilité de protéger". Mais cette colère du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine doit être canalisée dans un soutien pour les peuples d’Afrique et de Libye, en mettant la pression sur les Etats-Unis et l’OTAN afin d’expulser les contractants privés et de mettre un terme aux opérations d’espionnage qui utilisent la Libye comme base arrière pour la guerre en Syrie.

Partout les peuples africains se souviennent comment, en 1935, l’invasion italienne de l’Ethiopie a été annonciatrice du début de la Deuxième Guerre mondiale. L’intensification des lentes guerres dans toute l’Afrique du Nord et au Moyen Orient représente une grande menace pour les humains où qu’ils soient. La vigilance est requise et ainsi que des programmes politiques claires qui fassent barrage aux dictateurs africains tout en renforçant le Conseil pour la Paix et la sécurité de l’Union africaine.

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** Horace Campbell est professeur d’études afro-américaine et de sciences politiques à l’université de Syracuse. Il est aussi professeur spécialement invité à l’université de Tsinghua à Pékin. Il est l’auteur du livre à paraître : "Global NATO and the catastrophic failure in Libya" – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger

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