Madagascar : Entre la lâcheté des institutions internationales et les souffrances d’un peuple

Madagascar sort d’un processus électoral qui semble tourner une page, mais tous les ingrédients sont présents pour que la crise politique continue : un président sous contrôle de son mentor Rajoelina, mais surtout des multinationales pétrolières, une population qui vit à 92% en dessous du seuil de pauvreté, des paysans chassés de leurs terres ancestrales et des menaces réelles sur la souveraineté alimentaire du pays, etc.

La Commission électorale malgache a annoncé le 3 janvier 2014 la victoire du candidat du pouvoir, Hery Rajaonarimampianina (53,50 % des voix), à l’élection présidentielle, face à Jean Louis Robinson, soutenu par l’ex-chef de l’Etat, Marc Ravalomanana. Ce résultat qui devra être confirmé sous quinzaine (Ndlr : déjà effectif) après prise en compte des contestations de votes, inverse le résultat du premier tour : 21,1% pour Jean Louis Robinson et 15,8% pour Hery Rajaonarimampianina, ce qui signifie que les deux tiers des suffrages exprimés ne se sont pas portés au premier tour sur ces deux finalistes.

Le taux de participation de 50% est très en dessous de celui du premier tour
(62%). Une vingtaine de candidats sur les 33 présents au premier tour n’avaient pas pris position pour le second tour, tant il est vrai que la plupart ne se présentent que pour faire prospérer leurs affaires personnelles sans souci du bien commun.

Trois faits entachent un scrutin qui s’est par ailleurs déroulé dans le calme : la Mission d’observation électorale de l’Union européenne a constaté de fortes disparités entre les candidats : aucun plafond n’ayant été établi, le candidat du pouvoir n’a pas lésiné sur les moyens pour faire sa campagne avec un budget atteignant presque le double de celui de F. Hollande en 2012 ; un ancien Premier ministre candidat malheureux au premier tour a été interdit de sortir du territoire par le pouvoir de Transition en place ; des décrets pris début août autorisant les autorités politiques, dont les chefs d’institutions et en particulier Rajoelina, à prendre part à la campagne électorale, ont été abrogés à la fin du scrutin : « oui, ce texte a violé la Feuille de route (de sortie de crise signée en
septembre 2010), mais elle n’a pas perturbé le vote », a déclaré benoîtement la chef de la Mission de l’Ue.

Cette légèreté s’inscrit dans le prolongement de l’empressement de la plupart des observateurs internationaux à déclarer que le scrutin du premier tour s’était déroulé sans problèmes et à couvrir le fait que 10% des électeurs n’ont pas pu voter dans un pays où seuls 7,8 millions d’individus sont inscrits sur les listes électorales pour une population de 22 millions d’habitants !

On peut certes se féliciter de l’invalidation de huit candidatures dont, sous pression internationale, celles des anciens présidents Ratsikara et Ravalomana et du président de la Transition Rajoelina. Mais tous les ingrédients sont présents pour que la crise politique continue : un président sous contrôle de son mentor Rajoelina, mais surtout des multinationales pétrolières, une population malgache qui vit à 92% en dessous du seuil de pauvreté, des terres fertiles louées pour de faibles redevances aux accapareurs de terre étrangers, un sous-sol livré aux industries extractives sans aucune transparence contractuelle, avec pour conséquence des paysans chassés de leurs terres ancestrales et des menaces réelles sur la souveraineté alimentaire du pays.

Aucune des fractions dirigeantes ne l’emporte sur les autres, sachant qu’elles ont toutes le même programme à savoir améliorer le climat des affaires à commencer par les leurs et faciliter les investissements étrangers. Pour les intérêts néo-coloniaux à l’œuvre à Madagascar, il n’est pas besoin de guerre pour que le chaos s’installe puisqu’il existe depuis des années et que la bourgeoisie compradore locale s’emploie à l’entretenir !

Le Parti de gauche est aux côtés du peuple malgache dans sa volonté de sortir de ce système qui le brime et le méprise et favorisera un regroupement des forces progressistes et républicaines de ce grand pays.

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** Pierre Boutry, responsable de la Commission Afrique du Parti de Gauche

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