Madagascar : Les ministres changent, la politique de la France reste la même
A Madagascar, on espérait que les erreurs politiques de la France, pour n’avoir pas su anticiper les mouvements populaires dans les pays nord-africains ni accompagner les peuples dans leurs aspirations démocratiques, serviraient de leçon. Pour Maurice Beranto, Paris s’aligne aujourd’hui sur «une position qu’il sait contraire à l’aspiration d’une grande majorité de la population malgache».
Le ministre français de la Coopération est venu à Madagascar et a répété les mêmes arguments que son prédécesseur Joyandet, de sinistre souvenir, et l’ambassadeur en poste actuellement à Antananarivo. Joyandet avait défendu, en son temps, Andry Rajoelina qui avait refusé de se rendre à Maputo III.
Tout le monde sait, Joyandet le premier, que Maputo III était une rencontre organisée par le GIC, dont la France est membre. Mais il a préféré jouer à l’apprenti sorcier, ceci devenant une habitude, s’alignant effrontément sur la ligne de Andry Rajoelina pour nous amener à la situation actuelle. A cette époque, déjà, il aurait fallu manifester notre désapprobation. Je me souviens, qu’au moment de Maputo III, des quotidiens ont refusé un article que j’avais écrit critiquant vertement cette prise de position française. Ils m’avaient trouvé trop dur ; les réalités actuelles me donnent, je crois, raison.
Rappelons-nous du beau discours de l’ambassadeur, le 14 juillet dernier. Il avait réclamé le démantèlement, entre autres, de la police politique qu’est le FIS. Cela est venu après la décision de l’UE d’appliquer des sanctions envers le pouvoir en place. Non seulement le FIS est encore là, mais en plus, le « pays des droits de l’homme » n’a jamais suivi les décisions de l’UE qui pourtant devraient primer sur les choix françafricains de la France.
Je ne veux pas revenir sur les positions françaises tellement controversées sur la Tunisie ou l’Egypte ; les faits, par la suite, ont été pour elle un cuisant camouflet. Mais cela ne semble pas lui servir de leçon ; elle continue sous nos cieux et de plus belle. Après la mission COI – OIF, nous avons donc eu droit à de Raincourt qui a tenu les mêmes discours.
La « real politik » a pris le pas sur les principes qui ont fait de la France le pays que tout le monde enviait. Je le sais, tout le monde défend ses intérêts, partout dans le monde ; la France autant que les autres. Mais, il y a des principes sur lesquels la France dit ne jamais vouloir transiger. Pourtant elle le fait allègrement, à Madagascar.
J. L. Châtaignier a présenté ses lettres de créances, d’une manière et à un moment qui auraient fait rougir Ubu. Il défend aujourd’hui une position qu’il sait contraire à l’aspiration d’une grande majorité de la population malgache. Qu’il le veuille ou non, tous les Dinika santatra, Teny ifampierana et autres conférences nationales ont pris des résolutions qui n’ont été respectées - et c’est un euphémisme - par aucune décision de la HAT ni, surtout, par le référendum et le texte de la Constitution proposé en novembre dernier. Il nous avance comme argument majeur la nécessité d’organiser des élections, prétendant que nous en avons peur. Combien de fois faudrait-il expliquer que les élections ne sont pas la panacée, encore moins un remède miracle. Ce pays, avec les élections catastrophiques, a déjà donné et plus souvent qu’à son tour. Et l’exemple malheureux de la Côte d’Ivoire est là pour nous l’affirmer. Mais la France persiste et signe. Nous n’en pouvions plus avec cet ambassadeur qui n’en fait qu’à sa tête ; maintenant, la France nous envoie son ministre qui veut enfoncer, encore plus, le clou.
Que la France se ressaisisse si elle ne veut pas s’aliéner définitivement ce peuple qui n’en peut plus. Que la France voie plus loin que les intérêts de la Françafrique et qu’elle tienne compte des « vraies » réalités, mais pas de celles que nous assènent à longueur de journée ces médias à la botte de la HAT. Nous ne voudrions pas que cet activisme français contraire aux intérêts de tous, de ceux de la France compris, ne ternisse à jamais les liens séculaires qui nous unissent encore aujourd’hui.
* Maurice Beranto, Président de la Fédération des démocrates de Madagascar
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