Wangari Muta Maathai : L’humilité d’une femme exceptionnelle

A 71 ans, c’est un cancer qui a emporté Wangari Maathai. Ainsi s’est terminée une vie de lutte pour une Afrique meilleure et un monde meilleur. Odhiambo Orlale y ajoute, après avoir déroulé son fabuleux parcours : « En dépit de sa réputation internationale et de son influence, elle a continué à être humble, accessible et à demeurer la championne inconditionnelle des laisser pour compte.»

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F Onyango

Le 26 septembre le monde s’est réveillé avec la nouvelle du décès de la lauréate du prix Nobel de la Paix, le professeur Wangari Muta Maathai, une militante politique kényane pour l’environnement et les questions de genre. Agée de 71 ans, Maathai a succombé à un cancer ovarien, la sixième principale forme de cancer chez les femmes. Alors que je cherchais des citations de Maathai sur Internet, j’en ai trouvée une qui disait :"Les femmes africaines en général doivent savoir qu’elles sont bien comme elles sont, que leur façon d’être est une force et qu’elles doivent se libérer de la peur et du silence". Pour moi, cette citation est ce qui résume le mieux la vie de Maathai. Elle qui a défié les valeurs patriarcale de notre village global.

En 2004, Maathai a été la première femme africaine a recevoir le convoité prix Nobel de la Paix "pour sa contribution au développement durable, à la démocratie et à la paix". Dans son discours d’acceptation à Oslo, elle a déclaré :"Comme première femme africaine à recevoir ce prix, je l’accepte au nom du peuple kényan et de l’Afrique et même du monde entier. J’ai particulièrement à l’esprit les femmes et les petites filles. J’espère que le prix les encouragera à faire entendre leur voix et à prendre plus de place dans le leadership. Je sais aussi que l’honneur qui m’est fait remplit d’une grande fierté nos hommes, jeunes et vieux. Comme mère, j’apprécie la stimulation que le prix donnera aux jeunes et je leur demande instamment de l’utiliser pour poursuivre leur rêve". Elle est devenue un modèle et une icône pour beaucoup de femmes et d’hommes sur le continent africain et au-delà.

Maathai a reçu plusieurs autres prix internationaux. En avril 2009, le Japon lui a attribué sa suprême reconnaissance, le Grand Cordon de l’Ordre du Soleil Levant. La campagne que Maathai a mené pour "diminuer (la consommation), réutiliser, recycler et réparer" afin de protéger l’environnement l’a rendue populaire au Japon. En 2010, elle a reçu, avec deux autres femmes, l’actrice Eva Longoria et la pionnière des droits civiques Dorothy Cotton, l’International Freedom Award du National Civil Rights Museum à Memphis, Tennessee.

En dépit de sa réputation internationale et de son influence, elle a continué à être humble, accessible et à être la championne inconditionnelle des laisser pour compte. Les Kényans se souviendront toujours de son assaut de la forêt de Karura en 1999, lorsqu’elle a conduit des écologistes et des militants des Droits de l’Homme afin de mettre un terme à l’accaparement et à la destruction de la forêt. L’ancien professeur de l’Université de Nairobi a essuyé des gaz lacrymogènes de la part de la police anti-émeute qui l’a attaquée et lui a arraché les cheveux au vu des médias.

Dans un autre incident, elle a traduit en justice le président du Kenya d’alors, Daniel Arap Moi, en raison de son projet visant à amputer le Uhuru Park à Nairobi d’un bout de terrain afin d’y construire un bâtiment de trente étages qui devait loger le quartier général de son parti.

Une des principales empreintes qu’elle laisse reste le Green Belt Movement, une organisation de femmes de la société civile établie en 1971 et qui, entre autres, défend les Droits de l’Homme, soutient la bonne gouvernance et les changements démocratiques pacifiques par le biais de la protection de l’environnement. Ce programme a planté plus de 40 millions d’arbres en Afrique et reste un véhicule de valorisation des femmes. Face au défi du changement climatique, le programme reconnaît le rôle que les femmes peuvent jouer pour éviter les effets du réchauffement global. Il les encourage à participer aux décisions concernant l’environnement et à jouer un rôle dans sa protection.

Sa conviction selon laquelle les questions environnementales font partie intrinsèque de la bonne gouvernance a conduit Maathai à s’impliquer dans la démocratie et le processus politique. En 1997, elle était candidate aux élections parlementaires et à la présidence sous l’étendard du Parti Libéral, mais a perdu les élections. Elle s’est présentée une nouvelle fois en 2002 sous la National Rainbow Coalition pour se faire élire et voir le président Kwai Kibaki la nommer vice-ministre pour l’environnement et les ressources naturelles.

Comme militante des questions de genre, Maathai a été la présidente du National Council of Women entre 1981 et 1987. Elle s’est adressée aux Nations Unies à plusieurs reprises et se prononçait au nom des femmes lors de session spéciale en marge de l’Assemblée Générale. Maathai a fait partie du conseil de plusieurs organisations, y compris le Conseil pour le Désarmement du Secrétaire Général des Nations Unies.

Maathai a été diplômée en biologie au Mount St Scholastica College à Atchinson, dans le Kansas. Par la suite elle obtenu un Master en Sciences de l’université de Pittsburgh (1966), faisant d’elle la première femme africaine à obtenir un Master en biologie. En 1971, elle a obtenu son doctorat à l’université de Nairobi, devenant ainsi la première femme africaine à obtenir un doctorat dans ce domaine. Elle a enseigné l’anatomie vétérinaire dans cette université.

Maathai a emporté le drapeau vert dans sa tombe, ayant demandé à ne pas être enterrée dans un cercueil en bois. Son oeuvre lui survit dans le Green Belt Movement dont le mandat est de répondre aux besoins identifiés par les femmes des zones rurales, comme le manque de bois de feu, d’eau potable, d’un régime alimentaire équilibré, de logement et de revenus.

Alors que nous combattons le changement climatique, souvenons-nous de cette femme remarquable qui voyait dans le désastre écologique qui nous menace, une occasion pour valoriser les femmes et l’opportunité de promouvoir la paix dans la monde. Nous célébrons Maathai pour avoir défendu une Afrique meilleure et un monde meilleur.

* Odhiambo Orlale est consultant en matière de média au Kenya. Cette nécrologie est tirée de Gender Links Opinion and Commentary service –Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger

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