Le président Wade à Benghazi : Une farce grotesque !
Le président Abdoulaye Wade, aidé en cela par sa machine de propagande et ses thuriféraires de tout poil, se sera donné un autre « titre » peu glorieux, celui de « premier président » à avoir visité le fief des rebelles libyens. Ce faisant, il a couvert le Sénégal de ridicule et sapé sa propre crédibilité auprès de ses pairs africains et d’autres pays.
DE COURTISAN ZELE DE LA COUR DE KADHAFI AU CAMP DE L’ENNEMI
Le revirement spectaculaire du président Wade à l’égard de son « frère » et « ami » Kadhafi a sans doute étonné plus d’un observateur. Car il était connu comme étant l’un des plus fidèles courtisans de la cour du « Roi d’Afrique » Kadhafi. Les Sénégalais se souviennent de la participation de ce dernier à la fête de « l’indépendance » du Sénégal, comme invité d’honneur. Sans compter le soutien affiché de Wade au projet des Etats-Unis d’Afrique, cher à Kadhafi. Et les innombrables voyages du président sénégalais en Libye.
Certains se demandent ce qui a pu expliquer un tel revirement en un si court laps de temps et surtout cette décision grotesque d’aller plastronner aux côtés d’une rébellion devenue un instrument aux mains des pays occidentaux qui veulent en finir avec le régime de Kadhafi.
Ce dernier a dû méditer sur le comportement d’un de ses anciens partisans les plus fanatiques. Kadhafi est en train d’apprendre à ses dépens la nature superficielle de la « fraternité » et de « l’amitié » de cet ancien courtisan, autrefois prêt à tout pour ferrailler avec ses adversaires au sein de l’Union Africaine pour défendre sa vision, notamment le projet des Etats-Unis d’Afrique!
Wade et ses parrains, Sarkozy et Obama, disent soutenir la rébellion parce que Kadhafi a perdu toute « légitimité ». Qui leur donne le droit de désigner qui est légitime pour la Libye? Quelle différence y a-t-il entre le Kadhafi que Wade et d’autres chefs d’Etat africains ont léché pendant des années et celui d’aujourd’hui? Aucune ! Quelle différence entre ce Kadhafi et celui qui avait planté ses tentes en plein cœur de Paris pendant plusieurs jours et à qui Sarkozy avait déroulé le tapis rouge, au grand dam de son ex-secrétaire eux Droits de l’Homme, Rama Yade ? Aucune assurément!
C’est pure hypocrisie et mauvaise foi que de faire croire que le Kadhafi d’aujourd’hui est différent de celui d’hier et que les Sarkozy, Obama et Wade « volent au secours » du peuple libyen. Cela veut-il dire que ceux qui sont avec Kadhafi ne font pas partie du peuple libyen ?
LA MAIN DE LA FRANCE
Mais Kadhafi a sans doute compris que ce revirement du président Wade ne procède pas d’une décision souveraine. Les Sénégalais non plus ne sont pas dupes. Le soutien de Wade à la rébellion en Libye n’est pas un acte souverain résultant d’une analyse objective et en rapport avec les intérêts supérieurs du Sénégal et de l’Afrique. Il y a fort à parier que ce soutien est le résultat de pressions venues de Paris, dont la croisade anti-Kadhafi n’avait jusque-là trouvé aucun écho favorable en Afrique. En dépit du vote de trois pays africains en faveur de la Résolution 1973, qui a servi de couverture légale au plan de destruction concocté par le système impérialiste, l’Union africaine avait fait bloc et exigé la fin des bombardements et l’ouverture de dialogue pour aboutir à une solution pacifique du conflit. A part la délégation officielle de l’UA qui avait fait le voyage à Tripoli et Benghazi pour présenter la feuille de route de l’Afrique, à notre connaissance aucun pays africain n’avait eu la moindre velléité de reconnaissance de la rébellion. Sarkozy n’avait pu obtenir jusque-là aucun soutien explicite pour le Conseil National de Transition (CNT) de Libye de la part de ses pions de la Françafrique.
Le soutien de Wade va peut-être inciter d’autres parmi eux à accéder au désir de Sarkozy. Mais la décision de Wade est sans doute le résultat d’un marchandage, la contrepartie exigée par Sarkozy pour la poignée de main entre le fils de Wade et Barack Obama à Deauville (Ndlr : lors du sommet du G8). En tout état de cause, il ne fait aucun doute que le voyage du président sénégalais et de son fils à Benghazi a été préparé et encadré par la France de bout en bout. Ce n’est pas un hasard si ce sont deux avions de combat français qui ont escorté les Wade et leur délégation!
On pourrait même dire que Wade a été envoyé par Sarkozy pour délivrer un message aux rebelles! Quoi qu’il en soit, le président Wade s’est mis au service de Sarkozy et de l’OTAN dans leur agression contre un pays africain en foulant au pied la souveraineté et la dignité du Sénégal.
A CONTRE-COURANT DE LA POSITION DE L’UNION AFRICAINE
En reconnaissant le CNT et en faisant le voyage de Benghazi pour soutenir la campagne de destructions et d’assassinat menée par l’OTAN en Libye, le président Wade porte un coup terrible à l’image du Sénégal en Afrique et dans les pays du Sud. Cela va à l’encontre des intérêts fondamentaux du Sénégal et de l’Afrique. Les seuls gagnants éventuels de cette décision sont Sarkozy et les rebelles qui espèrent que Wade fera des émules chez d’autres obligés de la Françafrique, comme le Gabon, le Burkina, le Tchad, la Côte d’Ivoire, entre autres.
Mais la décision du président Wade est surtout un précédent extrêmement grave pour l’Afrique. En effet, en soutenant la rébellion, il s’ingère dans les affaires intérieures d’un autre pays africain. En outre, en se faisant complice de la guerre de l’OTAN contre la Libye, le président sénégalais apporte sa caution à une agression militaire extérieure dirigée contre un pays africain souverain!
Cette position va à l’encontre de toutes les décisions de l’Union africaine sur la crise libyenne. La décision de Wade illustre le profond décalage entre les proclamations creuses sur « l’unité africaine », le « panafricanisme » ou les « Etats-Unis d’Afrique » et les réalités d’une inféodation au système impérialiste, notamment à la France.
L’OTAN : UNE MACHINE AU SERVICE DE L’OPPRESSION IMPERIALISTE
Est-il encore besoin de le rappeler : l’intervention de la France, des Etats-Unis et de leurs alliés en Libye n’a rien à voir avec la « protection » du peuple libyen. Certains Africains assez naïfs ou crédules ont été abusés par la propagande des médias occidentaux, passés maîtres dans l’art de fabriquer le mensonge et de manipuler l’opinion. Mais l’OTAN est une machine de guerre au service de l’oppression impérialiste. C’est le bras armé d’un système despotique, totalitaire et tyrannique. L’OTAN est au service du despotisme du capital et pour l’oppression des peuples. Elle est un obstacle à la liberté et à la souveraineté de ceux-ci.
On le voit en Afghanistan où les massacres quasi quotidiens de populations civiles a fait dire à Amir Karzaï que l’OTAN était devenue une « force d’occupation » dans son pays. On ne compte plus les « bavures » et les victimes « collatérales » fauchées par les avions et soldats de l’OTAN. En Libye, on assiste au même scénario. Chaque bombardement est accompagné de nombreuses victimes civiles. L’assassinat d’un des fils de Kadhafi et de ses trois petits-fils montre bien que l’OTAN n’est pas en Libye pour « protéger » les civils. Tout récemment, un haut responsable de cette organisation a déclaré que cibler Kadhafi était « légitime ». C'est-à-dire l’assassinat de Kadhafi est devenu un des objectifs majeurs de la campagne de l’OTAN!
La réalité se fait chaque jour plus crue que la prétendue « protection » des populations civiles s’est transformée en une véritable campagne de terreur et de destruction systématique des infrastructures de la Libye. Cette campagne de terreur est une entreprise de recolonisation pure et simple de ce pays par les pays occidentaux pour mettre la main sur ses ressources. En réalité, la « protection » des civils est un prétexte commode pour couvrir les vrais desseins de l’agression impérialiste contre la Libye, à savoir contrôler ses ressources en hydrocarbures pour le compte des multinationales occidentales. Car la guerre pour le contrôle des ressources est l’une des stratégies concoctées par les « think tanks » occidentaux pour assurer la survie du système capitaliste.
En vérité, c’est le contrôle et le pillage du pétrole et du gaz libyens qui motivent l’agression des pays de l’OTAN et non la « protection » du peuple libyen!
* Demba Moussa Dembélé - Economiste, Dakar
* Veuillez envoyer vos commentaires à [email protected] ou commentez en ligne sur Pambazuka News