Mali : Le « piège » des élections du 7 juillet 2013
Les Maliens devraient donc comprendre que la reprise du processus électoral, dans un pays où l’Etat n’exerce pas son autorité sur toute l’étendue du territoire, est un piège infernal qui va plonger immanquablement le pays dans l’instabilité et le peuple dans l’insécurité et la violence. Les exemples ne manquent pas.
Le monde politique malien, à l’image de ses homologues dans d’autres pays d’Afrique, est piégé par l’« électoralisme », que les grandes puissances occidentales, comme un virus, les ont inoculés, pour susciter en eux une soif inextensible d’accès au pouvoir. Ils sont convertis à l’idée que le pouvoir s’acquiert par les urnes. Donc, chacun se dit, pourquoi pas moi ?
Cette obsession d’accéder au pouvoir, qui caractérise les couches moyennes africaines, a fait des « échéances électorales » un dogme dont le respect devrait primer en tout temps, et en toutes circonstances. C’est ce dogme qui a fait privilégier la poursuite du processus électoral au Mali, au moment même où ce pays vit une rébellion armée doublée d’une agression extérieure qui a amputé une partie importante de son territoire. Même dans un Etat fort, doté d’une puissante armée nationale, aucun patriote lucide n’aurait privilégié la tenue de compétition électorale, à la place de la restauration de l’intégrité territoriale de son pays, et de la rétablissement de la sécurité des populations.
C’est pour cette raison, que l’on devrait s’interroger gravement sur la décision des Autorités de la transition de reprendre le processus électoral au Mali pour aller à l’élection présidentielle le 7 juillet 2013, au moment où le Nord du pays est encore sous occupation d’« indépendantistes », et que la France décide de retirer progressivement ses troupes pour céder la place aux « forces de maintien de la paix » des Nations Unies.
Ce scénario, qui est en fait celui des Etats Unis s’est donc finalement imposé au peuple malien.
Comment en est on arrivé là ?
C’est d’abord par une puissante campagne de « diabolisation » du capitaine Sanogo, chef de la junte qui a renversé le président, Amadou Toumany Touré (ATT), accompagnée par de vastes manœuvres de « crédibilisation » de la rébellion touareg, en faisant passer le Mouvement national de Libération de l’Azawad pour des laïcs républicains, et Ansar Dine pour des « islamistes modérés » qui, tous les deux, luttent pour l’autodétermination de leur peuple d’un « joug Bambara » qui gouvernerait le pays à partir du Sud, de Bamako la capitale.
Ensuite, c’est une puissante campagne pour isoler, dans l’opinion publique, l’intervention française au Mali, taxée par une « gauche anti guerre » d’impérialiste et de néocoloniale et par une Droite de guerre coûteuse pour les finances publiques en grave déficit, et présentée surtout comme « une aventure solitaire » qui va s’enliser et aggraver la situation sécuritaire dans le Sahel.
LA « DIABOLISATION » DU CAPITAINE SANOGO ET LA « CREDIBILISATION » DE LA REBELLION
Le retour à « l’ordre constitutionnel » a été, depuis le coup d’Etat du 21 mars, l’arme par laquelle, la France sous Sarkozy et les Etats Unis ont cherché à utiliser la Cedeao et les forces « anti putschistes » du Mali, pour faire partir ce capitaine impénitent en entravant toutes ses tentatives de reprise en main de l’armée nationale pour aller à l’assaut des rebelles et libérer le Nord du pays, et en décidant d’étrangler économiquement ce peuple par l’embargo de la Cedeao et la suspension de l’aide publique au développement .
Pour ce faire, il a été dépeint sous les couleurs de « Laurent Gbagbo » par la presse française puissamment relayée par la presse des autres pays occidentaux et de la Cedeao. Il était donc présenté comme l’obstacle à abattre pour permettre aux civils de prendre le pouvoir à l’issue d’élections qu’il fallait organiser sous prétexte de nécessité de restituer au pays des institutions légitimes, seules habilitées à parler et à agir en son nom. La question de la libération du Nord du pays était associée à sa personne, alors que la France et les Etats Unis voulaient des négociations avec les rebelles « non terroristes » !
L’obsession d’accès au pouvoir par les urnes le plus tôt possible a pris le dessus, au point d’occulter aux yeux des « anti- putschistes », que l’enjeu de ce scénario, est la partition de leur pays en deux entités distinctes : le Nord, et le Sud ! C’est cet aveuglement qui a détruit l’Etat malien sous le règne du président Amadou T. Touré. Ils ne se sont même pas rendus compte que des élections présidentielles par l’expression du suffrage du peuple est impossible quand une partie du peuple en est exclue. Car ceux qui sont exclus, pourront toujours refuser légitiment de reconnaître l’autorité de ce président élu sans leur suffrage. D’où le risque de légitimation électorale de la partition de fait du pays par la rébellion. Cependant, pour faire avaler cette pilule amère à l’opinion publique internationale, il a fallu recourir aussi à la « crédibilisation » de la rébellion.
LA « CREDIBILISATION » DE LA REBELLION
C’est à cet effet que le ministre des Affaires étrangères du Canada, John Baird, qualifiait, à l’Onu, la rébellion au Mali, comme « une insurrection qui est en train de se produire sur le terrain ». Et il ajoutait : « J’aurais des inquiétudes à fournir une formation à des militaires qui ont mené un coup d’Etat et renversé un gouvernement démocratiquement élu » En écho à cette campagne, Laurent Joffrin, dans son éditorial du « Nouvel Obs », intitulé : « Droit d’ingérence », soutenait qu’il « faudra faciliter l’installation d’un Etat malien digne de ce nom, et rallier à cette tâche les populations touaregs qu’un antagonisme ancestral oppose aux habitants du Sud » !
En évoquant ainsi, un « antagonisme ancestral » qui opposerait le Nord et le Sud, l’on évacue subtilement la « crise ''raciale'' » au Nord, ou plus exactement phénotypique, entre Touaregs blancs, Arabes et Noirs, sur le modèle du Soudan, avec son contenu esclavagiste. Le caractère raciste et esclavagiste de la rébellion au Nord, est occulté, pour la présenter comme un « mouvement de libération d’un peuple opprimé », malgré les exactions et autres traitements dégradants exercés exclusivement sur les Noirs, sous couvert de la Charia !
LA CAMPAGNE CONTRE L’INTERVENTION FRANÇAISE AU MALI
Quand Sarkozy et les Etats Unis faisaient tout pour organiser une intervention militaire de la Cedeao contre les putschistes pour rétablir l’ « ordre constitutionnel » au Mali en chassant la junte, des voix maliennes, d’Afrique et du monde, s’étaient élevées contre cette guerre qui allait définitivement disloquer le pays, et légitimer de facto sa partition en deux.
Mais cette guerre, véritablement néocoloniale, était souhaitée chez les puissances occidentales, chez les « anti putschistes » maliens et chez les victimes africains de l’ « électoralisme ».
Cependant, lorsque le successeur de Sarkozy, après une courte période de continuité, a décidé de mettre la libération du Nord Mali en priorité par rapport au retour à l’ « ordre constitutionnel », les Etats Unis et les autres puissances occidentales ont manœuvré pour s’y opposer, et la « gauche anti guerre » a enfourché son cheval de combat contre le néocolonialisme français, tandis que les « pro atlantistes » au sein du Parti socialiste français et de la Droite française, y ont vu un divorce avec la stratégie des Etats Unis qu’ils ont essayé de contrer, en avertissant contre l’ « isolement » de la France et le risque d’un « enlisement » d’une guerre qui serait coûteuse pour les finances publiques en pleine crise.
En France, l’on a semblé ignorer que l’intervention française n’a pas été décidée pour défendre des intérêts français au Mali, mais essentiellement pour éviter qu’une guerre de la Cedeao contre l’armée malienne ne risque de mettre en cause ses intérêts au Niger, si le Nord du Mali est laissé entre les mains d’Ansar Dine sur qui tablent les Américains et qui est en position de force pour y avoir expulsé le Mnla que la France a toujours considéré comme un allié.
L’on ne mentionne pas que la France a profité de cette intervention pour déployer ses « forces spéciales » au Niger, afin de protéger les sites d’uranium exploités par Areva. L’intervention française pour libérer le Nord Mali, c’est de l’impérialisme, du néocolonialisme, mais son occupation militaire d’une partie du territoire nigérien pour y défendre ses intérêts c’est le mutisme le mieux partagé en France, où l’on exige son départ du Mali mais pas du Niger !
Cette campagne contre l’intervention française est d’autant plus dissuasive que, comme rapporté par Laurent Joffrin dans son éditorial cité plus haut, « les Etats Unis, selon le Quai d’Orsay, ne considèrent pas les groupes terroristes (au Mali) comme une menace sur leurs intérêts ». La position américaine sur la crise au Mali a été récemment réaffirmée par le nouveau secrétaire d’Etat, John Kerry, en ces termes : « Nous exhortons le gouvernement à poursuivre le processus de transition jusqu’à la tenue des élections, et à accélérer les négociations avec des groupes non extrémistes du Nord ».
CONSEQUENCES DE CETTE ANTI INTERVENTION
La conjonction de ces pressions a amené la France au compromis avec les Etats Unis, ayant permis l’adoption d’une troisième résolution de l’Onu, le 20 décembre 2013, autorisant une intervention militaire africaine pour libérer le Nord Mali, tout en demandant la tenue des élections en mars –avril au plus tard, sans pour autant fixer de calendrier pour le démarrage de cette intervention.
C’est la nature bancale de ce compromis, qui a fait dire au représentant de la France aux Nations Unies, Bernard Arnaud, au sortir de la réunion du Conseil de sécurité, d’un ton désabusé, qu’ « il est prématuré d’indiquer quand l’opération militaire aura lieu. En fait, la question est de savoir si cette intervention aura lieu ».
En fait, de cette résolution, il résultait que la guerre contre les « islamistes » pour libérer le Nord Mali, était remisée aux calendres grecques, puisque de graves incertitudes planaient encore sur son « opportunité » et sa « faisabilité », même au « printemps » 2013.
Cette résolution des Nations Unies a été perçue par Ansar Dine et ses alliés islamistes, comme un encouragement à reprendre les hostilités, avec la conviction que le Sud du Mali allait plonger dans la division politique et dans la paralysie des institutions de la République, comme ce fut le cas sous ATT à cause des rivalités politiques qu’occasionne la reprise du processus électoral. D’où leur décision de prendre la localité de Bonna, pour s’ouvrir les portes de Mopti, qui est une étape stratégique pour la conquête du Sud du Mali, mais aussi un atout majeur dans d’éventuelles négociations de paix.
La réaction des autorités de la transition et de l’armée malienne, face à cette reprise des hostilités, en affrontant les troupes islamistes à Bonna, a pris de court les stratèges américains qui n’avaient de cesse de ridiculiser l’armée malienne qu’ils jugent incapables, paralysée et démoralisée. Mais, le sous équipement de l’armée malienne face aux islamistes, malgré sa bravoure, sa combativité et sa détermination, l’a obligé à se retirer et à leur laisser Bonna. Il était donc devenu clair aux yeux du monde entier que l’armée malienne, laissée seule dans son état, ne pourra empêcher les islamistes de prendre Mopti. D’où la réaction rapide et surprenante de la France à l’appel du président de la transition, pour venir en urgence épauler son armée.
En effet, le 9 janvier 2013, le président de la transition au Mali écrivait au président français une lettre pour lui demander une aide militaire en ces termes : « Suite aux développements récents constatés sur le terrain et la menace qui se précise contre nos premières lignes de défense, une intervention aérienne immédiate s’impose. Celle-ci consiste à fournir un appui renseignement et un appui feu au profit de nos troupes. »
Le président français décida alors de lancer le 11 janvier une opération aéroportée dénommée « Opération Serval », durant laquelle, la France perdit un pilote d’hélicoptère au combat. Cet évènement malheureux, dès le premier jour de cette intervention, a pu convaincre le président français, que l’appui aérien seul est très risqué et qu’il faillait l’accompagner d’un engagement terrestre de combattants. Ce qu’il fit dès le lendemain.
Cette réaction de la France a pris le contrepied de la résolution de l’Onu laborieusement élaborée, sur l’intervention militaire au Mali, mais elle s’est inscrite parfaitement dans les dispositions de l’article 5 du Chapitre II de la Charte des Nations Unies qui, en la matière, régit les rapports bilatéraux entre les Etats.
LE REVIREMENT DE FRANÇOIS HOLLANDE
Les critiques et autres réserves des pays occidentaux, de la droite et des socialistes « pro atlantistes » français, combinées à celles d’une partie de la gauche, ont obligé le président Hollande à revoir l’objectif de son intervention qui s’inscrit désormais dans le cadre d’envoi de « troupes de maintien de la paix » de l’Onu, pour prendre le relais de ses troupes, qui vont se désengager progressivement à partir de mars 2013 sans avoir, au paravent, parachevé la libération totale du Nord Mali qui était l’objectif initial déclaré de l’ « Opération Serval ».
Cependant, les premiers signes de ce retournement sont apparus avec le refus de la France, à la demande de la rébellion, de permettre à l’armée malienne de participer à la libération de Kidal et à la prise de Tessalit, qui est un aéroport hautement stratégique vers la frontière algérienne, sous prétexte d’éviter d’éventuelles représailles contre les Touaregs ! Cette attitude de la France l’a réconciliée avec le scénario des Américains, au point de sceller solennellement les retrouvailles lors d’une visite officielle, à Paris, du vice-président Joe Byden.
Désormais, le rêve du peuple malien, suscité par l’intervention française, de voir leur Etat exercer son autorité sur toute l’étendue du territoire, est lourdement handicapé par ce revirement du président français, qui est passé outre, l’objectif pour lequel le président de la transition au Mali avait sollicité son intervention militaire. Tout se passe comme si, une fois assurée la sécurisation des sites d’uranium d’Areva au Niger par le déploiement de forces spéciales françaises, le président Hollande n’a plus besoin d’exposer davantage ses forces armées dans la crise au Mali. Ainsi, ceux de la gauche qui ont réclamé, à corps et à cri, l’arrêt de l’intervention militaire française, taxée d’impérialiste et de néocoloniale, n’auront plus d’arguments devant cette forfaiture.
C’est dans ces conditions, que les pressions conjuguées de la France, des Etats Unis et de la Cedeao ont amené le président de la transition à décider de la tenue de l’élection présidentielle le 7 juillet 2013, avant la libération totale du Nord Mali, mais avec l’espoir que la présence des « forces de maintien de la paix » de l’Onu la sécurité des citoyens serait assurée. Cependant, selon le site du « Monde.fr » du 13 février 2013, les « autorités maliennes se sont montrées réticentes jusqu’à présent, de crainte qu’un tel déploiement n’entérine la partition de fait du Mali, à l’image du Soudan ».
C’est dans ce contexte que la France et les Etats Unis manœuvrent pour dissiper ces appréhensions, et pour amener le Conseil de sécurité des Nations Unies à adopter une nouvelle résolution autorisant ce déploiement. C’est ce que vient de confirmer le secrétaire général adjoint des Nations Unies, Hervé Ladsons, le 12 février, en disant que « le Conseil de sécurité devrait parvenir dans un délai de deux à trois semaines, à un accord sur le déploiement des casques bleus au Mali. Cela devrait se faire avant le 31 juillet ».
Le sort du Mali, sous occupation de forces étrangères, va ainsi être décidé!
C’est cette perspective qui donne toute la signification à la prise de fonction officielle du Capitaine Sanogo longtemps retardée. Il est installé à la tête du Comité de réforme des formes Armées pour que le Mali puisse se doter d’une armée en mesure de défendre l’intégrité de son territoire et la souveraineté se son peuple. Les Maliens devraient donc comprendre que la reprise du processus électoral, dans un pays où l’Etat n’exerce pas son autorité sur toute l’étendue du territoire, où même une partie de son territoire est occupée par des forces étrangères « dites de maintien de la paix », est un piège infernal qui va plonger immanquablement, dans la durée, le pays dans l’instabilité, et le peuple dans l’insécurité et la violence.
C’est ce piège infernal de « l’électoralisme », comme l’expérience récente en Afrique, en la matière, l’illustre amplement, qui est, avec ce scénario des USA, tendu au peuple malien.
L’EXPERIENCE RECENTE DE L’AFRIQUE
L’obstination des grandes puissances occidentales à imposer la tenue d’élections, même là où les conditions institutionnelles et politiques ne sont pas réunies, échappe à toute rationalité. Elles imposent des calendriers électoraux artificiels dans des situations où la crise politique est consécutive à l’effondrement de l’Etat et/ ou à l’absence d’autorité de l’Etat sur une partie du territoire, souvent occupée par une rébellion.
Dans le premier cas, ce sont les « révolutions arabes » où l’effondrement de l’Etat continue de plonger ces pays dans l’instabilité et leurs citoyens dans l’insécurité, après la tenue d’élections qui ont fait émerger un pouvoir civil légitime, que ce soit en Tunisie, en Egypte ou en Lybie.
D’ailleurs, pour la Lybie, l’instabilité et l’insécurité sont telles, que les Etats Unis, l’Onu, la Ligue arabe, l’Union européenne et l’Union africaine ont adopté « un plan de développement de la sécurité nationale » et un « plan de développement de la justice et de l’Etat de Droit », à la place des autorités libyennes démocratiquement élues qui sont sensées incarner la souveraineté de leur peuple ! Cette mise sous tutelle de la Lybie vide de tout sens, les élections imposées à ce peuple pour se doter de représentants élus !
Dans le second cas, où une partie du territoire national est hors de l’autorité de l’Etat, deux situations se sont présentées. A savoir la Côte d’Ivoire, et la République démocratique du Congo.
En Côte d’Ivoire, sous Gbagbo, la tenue d’élection dans le cadre d’une absence totale de l’autorité de l’Etat sur le Nord occupé par la rébellion, en présence de « forces de maintien de la paix » des Nations Unies, a abouti à une intervention militaire française pour installer au pouvoir le « président élu », mais vivement contesté par les autorités qui ont organisé ces élections ! En Rdc, la tenue d’élection dans ces mêmes conditions a abouti à aggraver la crise, que l’on faisait pourtant croire pouvoir surmonter par les urnes, avec une rébellion encore plus puissante sous le nom du M23, malgré la forte présence des « forces de maintien de la paix » de l’Onu. Le danger de partition de la Rdc qui en est résulté, vient d’être dénoncé, dans un célèbre ouvrage de professeurs Congolais, Justin Kankwenda et François Mukoka, intitulé « Le complot de balkanisation du pays ».
L’attitude des grandes puissances occidentales et de leur marionnette, la Cedeao, dans cette crise malienne, est d’autant plus sujette à caution, quand on compare celle-ci avec la leur face à la crise en Guinée Bissau. En effet, l’organisation des élections dans le cadre de cet Etat failli a été militairement interrompue entre le premier et le second tour de l’élection présidentielle, sans aucun calendrier pour leur reprise. Mais face à cette forfaiture, ni la Cedeao, encore moins l’Union africaine n’a sollicité les Nations Unies pour l’envoi de « forces de maintien de la paix ». Pourtant, cette situation en Guinée Bissau, est une menace réelle pour la sécurité et la stabilité du Sénégal et de la République de Guinée ! Mais, comme au Mali, la crise en Guinée Bissau ne menace pas les intérêts américains, sur lesquels veille scrupuleusement Africom, dans le Golfe de Guinée où elle occupe une position stratégique de premier ordre.
C’est donc avec raison que les autorités du Mali craignent pour l’intégrité territoriale de leur pays, la sécurité de leur population et la stabilité de leurs institutions, avec la tenue d’élections dans des conditions qui rappellent si gravement celles qui étaient en vigueur en Côte d’Ivoire, et en Rdc.
COMMENT SORTIR LE MALI DE CE PIEGE DE L’ « ELECTORALISME » ?
Il est d’abord impératif d’exiger de la France qu’elle se conforme à l’esprit et à la lettre de la requête du président Dioncounda Traoré du 9 décembre, qui devrait l’obliger à appuyer l’armée malienne à recouvrer l’intégralité du territoire du pays avant de lui céder la place. Dans cet objectif, il faudrait dénoncer et combattre l’interdiction faite à l’armée malienne, par la France, de participer à la libération de Kidal et de Tessalit, de même que le projet de substitution de l’armée française par une « force de maintien de la paix », que ce soit sous les couleurs de la Cedeao ou des Nations Unies.
Ensuite, il faudrait « dégonfler l’électoralisme » dont sont victimes les anti-putschistes qui restent encore à la remorque des stratégies des grandes puissances occidentales dans leur projet de partition de leur pays. Cette campagne devrait être appuyée par une exigence de soutien aux autorités de la transition qui ont lancé un mandat d’arrêt contre les principaux dirigeants de la rébellion ayant porté atteinte à l’intégrité territoriale de leur pays, exercé sur les citoyens des traitements inhumains et dégradants, créé les conditions d’agression de leur pays par des Djihadistes étrangers et l’occupation de leur territoire national. Et en faire autant pour leur exigence de désarmement de tous ceux qui veulent négocier ou dialoguer pour le retour de la paix, et leur refus de se contenter de déclarations de « rejet du terrorisme », ou de « respect de l’intégrité du territoire malien », comme le veulent la France et les Etats Unis.
Enfin, le retrait anticipé de la France avant la libération complète du Nord Mali et le transfert de son contrôle effectif par l’armée malienne devraient être considérés comme un échec militaire et politique de l’«Opération Serval », et une capitulation de la France face aux pressions des Etats Unis et de ses alliés.
De même, il faudrait en appeler à l’Union africaine, pour qu’elle entreprenne, sans délai, des négociations avec les autorités maliennes, algériennes, sénégalaises, mauritaniennes, nigériennes et du Burkina, en vue de constituer une véritable armée africaine de la sous région, dans le but, au Nord Mali, de la substituer à la Misma et autres forces de l’Onu de « maintien de la paix » et, au Niger, aux « forces spéciales » françaises.
Le Mali et notre continent sont à la croisée des chemins. Et les patriotes panafricains, singulièrement de gauche, sont obligés de se rassembler et de se mobiliser pour sortir le Mali de ce « piège de l’électoralisme », ou d’assister en complices, puisqu’informés, de la partition de ce pays, comme c’est le cas du Soudan et /ou, de son maintien dans l’insécurité et l’instabilité de longue durée, comme c’est aujourd’hui le cas en Rdc.
Dans ces circonstances tragiques, nous sommes tous des Maliens !
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** Ibrahima Sène est membre du Parti de l’indépendance et du travail/ Sénégal
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