Les paysans disent non aux Ape
Les Ape dans le contexte actuel de son évolution soumettront la région à des défis qui n’ont été acceptés nulle part dans le monde. En effet, 12 pays, parmi les moins avancés (Pma) du monde, seront obligés, pour la première fois, d’ouvrir largement leurs marchés dans un délai beaucoup trop court.
Dans le cadre de la 1ère édition de l’Université paysanne du Roppa, les représentants des plateformes nationales paysannes des 13 pays membres de la Cedeao, les membres du Ca et des représentants des Osc ont tenu une session d’échanges et d’évaluation des négociations sur le Tec Cedeao et celles concernant les Ape entre l’Union européenne et l’Afrique de l’Ouest.
Concernant le Tec, les participants réitèrent leurs sincères remerciements aux chefs d’Etats et de gouvernement de la Cedeao pour l’adoption d’une 5e bande. Toutefois les conclusions des négociations pour la recatégorisation des lignes tarifaires restent largement en deçà des attentes des millions d’exploitants familiaux qui contribuent majoritairement dans la production et la création de richesse de la région et ce malgré la mobilisation et les interpellations continuelles des réseaux d’Op et d’Osc durant plus de dix ans des négociations.
Le Roppa et ses plateformes nationales membres sont convaincus que le Tec adopté par les chefs d’Etats et de gouvernement en octobre 2013 au Sénégal ne permettra pas de réaliser efficacement le processus d’intégration régionale et les objectifs assignés aux politiques agricoles régionales (Ecowap, Pau), notamment le développement d’un marché commun régional des produits agricoles et agroalimentaires, la création d’emplois et de revenus agricoles stables.
Pour ce qui concerne les négociations sur les Ape, le Roppa et ses plateformes paysannes nationales considèrent que les compromis adoptés entre les négociateurs de l’Ue et de l’Afrique de l’Ouest est simplement une trahison des espoirs et des attentes des populations suscités par l’adoption du traité de la Cedeao dans le cadre de l’intégration régionale par les chefs d’Etats et de gouvernement. L’Afrique de l’Ouest n’est pas prête pour signer des Ape avec l’Ue comme l’attestent de nombreuses analyses/études réalisées sur les aspects économiques, politiques et sociaux.
Les Ape dans le contexte actuel de son évolution soumettront la région à des défis qui n’ont été acceptés nulle part dans le monde. En effet, 12 pays, parmi les moins avancés (Pma) du monde, seront obligés, pour la première fois, d’ouvrir largement leurs marchés dans un délai beaucoup trop court – 95% des produits seront libéralisés dans les 15 premières années – renonçant ainsi à d’importantes recettes fiscales et soumettant leurs industries naissantes à des risques alors que leurs engagements internationaux à l’Organisation mondiale du commerce (Omc) ne les y obligent pas.
De plus, suite à l’augmentation de l’offre d’accès au marché de l’Afrique de l’Ouest de 70 à 75%, ces Pma, comme les autres pays de la région, soumettront à la libéralisation des produits et des filières qui normalement devraient en être exclus.
Au regard des enjeux et défis des Ape, le Roppa et les plateformes nationales adressent les recommandations et suggestions suivantes aux chefs d’Etats et aux organes de gouvernance de la Cedeao :
- Nous demandons aux chefs d’Etat d’exiger des ressources additionnelles pour le Paped. En s’engageant à fournir à l’Afrique de l’Ouest seulement 6.5 milliards d’euros sur 5 ans pour 16 pays, l’Union européenne ne va pas contribuer à la mise à niveau de l’industrie naissante de l’Afrique de l’Ouest. Nous exhortons les chefs d’État à exiger des ressources additionnelles stables et prévisibles qui couvrent les besoins exprimés par l’Afrique de l’Ouest, avec des mécanismes de décaissement souples. De plus, nous demandons que la mise en œuvre des engagements de l’Afrique de l’Ouest dans la libéralisation soit liée à la fourniture adéquate des ressources financières du Paped.
- L’engagement de l’Ue à renoncer aux subventions à l’exportation ne peut pas être considéré comme une concession importante puisqu’il existe un compromis multilatéral sur cette question depuis la conférence de l’Omc à Hong Kong en 2005. Les soutiens internes qui créent des distorsions importantes sur les marchés de l’Afrique de l’Ouest ne font pas l’objet d’engagements de suppression. Le Roppa exige des mesures efficaces pouvant préserver l’agriculture ouest africaine de toutes les formes de dumping et d’autres mesures perturbant les échanges de produits agricoles.
- Le retrait de clause de la Nation la plus favorisée (Npf). Avec l’inclusion de la clause Npf, l’Afrique de l’Ouest s’est engagée à fournir à l’Union uropéenne tout avantage commercial plus favorable accordé dans le futur à des pays dont la plupart sont des pays en développement : Chine, Arabie- Saoudite, Mexique, Inde, Brésil, Thaïlande, Malaisie, ainsi qu’à l’Association des États d’Asie du Sud-Est (Anase), au Marché commun du Sud (Mercosur) et au Conseil de coopération du Golfe (Ccg) agissant en tant que groupe. Compte tenu de l’importance de ces enjeux et du fait que la Clause Npf n’est pas une exigence pour la validité juridique de l’Ape, nous exhortons les chef d’Etat de l’Afrique de l’Ouest à exiger son retrait de l’Ape.
- L’annulation du rendez vous prévu avec l’Ue pour entamer des négociations sur les services, la propriété intellectuelle et l’innovation, y compris les savoirs traditionnels et les ressources génétiques, les paiements courants et les mouvements de capitaux, la protection des données à caractère personnel, l’investissement, la concurrence, la protection des consommateurs, le développement durable et les marchés publics, six mois après la conclusion de l’Ape.
- Nous exigeons des chefs d’Etats l’engagement d’un processus transparent et démocratique pour la finalisation des négociations des Ape en mettant en place un mécanisme d’information et de formation des différents groupes d’acteurs concernés, notamment les parlementaires, les membres du Conseil économique et social, le secteur privé, les syndicats et la presse, entre autres, sur le contenu, les enjeux et défis liés aux négociations.
- Le Roppa et ses plateformes nationales membres réaffirment leur attachement indéfectible à la construction de l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. Nous saluons l’adoption du Tarif extérieur commun (Tec) et encourageons les chefs d’État à poursuivre les efforts pour la construction d’un espace économique intégré et prospère, en protégeant les ressources de l‘Afrique de l’Ouest et en fournissant des opportunités d’une vie meilleure à l’ensemble des citoyens de notre région, en particulier les plus pauvres et les plus vulnérables.
- Pour ce faire, nous exhortons demandons aux chefs d’État de prendre toutes les mesures appropriées pour faciliter l’application effective et le respect des textes communautaires visant la libre circulation des biens et des personnes en Afrique de l’Ouest pour assurer une préférence communautaire nécessaire pour le développement d’un marché régional unique, le développement industriel d’industrialisation et de transformation économique.
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