La stratégie africaine confédérale : Obama face au projet transatlantique
Il n’est pas interdit, dans le contexte du Sommet Afrique-Etats-Unis, de revisiter, non seulement comme facilité commerciale, l’Agoa, mais surtout d’aller au-delà du Millenium Challenge comme fonds politique d’assistance. Les relations que l’Afrique continentale, mais également subsaharienne et méditerranéenne, peuvent comme domaines cohérents et porteurs, établir avec les Etats-Unis de Barack Obama, peuvent revêtir de toutes autres ambitions.
Le rendez-vous qu'Obama a fixé aux Africains en août à Washington constitue l’Acte III ou la troisième séquence de ses relations avec un continent d’origine qu’il approche avec prudence. Candidat président puis président candidat, il s’est voulu discret dans l’Acte I et l’Acte II en ce qui concerne les contentieux historiques et les ambiguïtés, voire les liens incestueux, entre l’Afrique et les Amériques, même s’il s’est posé en donneur de leçon.
Il a célébré non pas à Gorée comme ses prédécesseurs, mais à Accra, les promesses africaines des démocraties nouvelles. Prenons les devants, pour cette séquence finale III, en dialoguant tout simplement, avec le président actuel de la principale puissance mondiale, partenaire privilégiée possible, voire obligée, avec laquelle on a l’Atlantique et l’histoire en partage.
L’avenir de la planète qui se joue déjà en direction et au cœur de ce premier demi-siècle du millénaire en cours concerne le continent africain qu’il a déjà investi. Il se profile dans l’immédiat, derrière les rivalités et les complicités entre les Etats-Unis, porteurs de la complexité et de la seule capacité à intervenir partout, et une Chine à la fois subtile et ravageuse à l’occasion.
Il en est ainsi, au moment où il faut compter à terme sur les autres sous-continents que sont, à des degrés divers, la vieille Europe industrielle et le Japon qui s’interrogent, la Russie à l’immense potentiel mais qui doute, les économies émergentes plus ou moins dotées en ressources humaines et matérielles que sont l’Inde, le Brésil ou l’Afrique du Sud incertaine. On ne peut, pour leur capacité éventuelle à nuire ou à concourir, oublier les Dragons, les Emirats et autres outsiders d’une compétition encore ouverte.
Des propositions d’alliance ou de relations privilégiées, ont fait jour au cours de ces décennies. Elles se sont manifestées à travers les Acp/Ue, reconduisant des complicités post-coloniales avec l’Europe des anciens empires. Le vieux continent se structure lui-même comme Méga économie émergée, à côté des Etats-Unis de l’Agoa et du Millenium Challenge, du Japon initiateur du Ticad, mais aussi avec les Brics qui regroupent les Méga économies émergentes que sont le Brésil, l’Inde, la Chine voire l’Afrique du Sud.
L’Ua a inventé, face à ces stratégies, le Nepad, à l’issue d’un débat continué. Il n’est pas interdit, dans le contexte du Sommet Afrique- Etats-Unis prévu en août, de revisiter, non seulement comme facilité commerciale, l’Agoa, mais surtout d’aller au-delà du Millenium Challenge comme fonds politique d’assistance. Les relations, que l’Afrique continentale mais également subsaharienne et méditerranéenne, peuvent comme domaines cohérents et porteurs, établir avec les Etats-Unis de Barack Obama, peuvent revêtir de toutes autres ambitions.
Il suffit de prendre prétexte, en connaissance de cause, de l’appartenance à un même espace stratégique, économique, géopolitique, voire sécuritaire transatlantique. Il y a une stratégie à construire à partir de ce constat. Espérons que les chefs d’Etat africains triés et conviés à Washington, auront à l’esprit le poids des responsabilités qui sont les leurs, sur ce plan, face à un interlocuteur qui tient à affirmer et à juste titre, qu’il est le gardien vigilant des intérêts nord-américains et subsidiairement ceux des alliés et amis.
La mondialisation-globalisation en cours impose des stratégies d’espaces d’intérêts partagés et de décisions régionalisées pour le moins, voire, dans le contexte et les réalités actuelles, la prise en compte et en charge de zones privilégiées de solidarité d’intermédiation, de négociation et de concertation internationale.
C’est ce constat qui légitime la problématique transatlantique qui inspire cette réflexion à l’occasion de la rencontre Afrique-Usa des chefs d’Etat. Celle-ci est censée définir des relations stratégiques d’intérêts et de visions partagés, entre d’une part l’Afrique subsaharienne et méditerranéenne, comme continent pluriel avec ses régions géoéconomiques et stratégiques de développement et de sécurité et d’autre part, les Etats-Unis comme partenaires transatlantiques institutionnels privilégiés potentiels.
Cette problématique s’inscrit dans la vision d’une géostratégie du politique, de l’économique et de la stabilité sécuritaire, dont les Africains vont et doivent cesser d’être des porteurs d’eau pour devenir des acteurs et non des agents subalternes.
Le Japon puis l’Inde et la Chine, comme puissances économiques dominantes de l’espace asien, ont proposé leur partenariat à un continent africain balkanisé et infantilisé, encore engagé dans ses relations privilégiées avec une Europe elle-même en panne, mais qui exerce encore grâce au verrou monétaire, tarifaire et sécuritaire, sa prééminence sur ses périphéries.
L’Afrique des micros-Etats, en retard sur les révolutions industrielles et post-industrielles nous a été léguée par l’apartheid et l’hégémonisme destructeur conjugué à la Françafrique génocidaire des élites, que le Général De Gaulle qui l’initie après-guerre, aura imposé, un demi-siècle pour le moins.
Ce passé et ses péripéties qu’il faut prendre en compte, rend ardue la tâche de reconversion et de redéploiement paisible et fécond qui réorganiserait au mieux avec les Etats Unis d’Amérique comme partenaires de poids dans la tradition du Plan Marshall, l’hémisphère occidental transatlantique comme espace historique et civilisationnel. Cette stratégie n’est pas moins fondée que celle tournée vers le Pacifique surpeuplé. Tout au contraire.
L’instabilité d’une Afrique méditerranéenne, aux prises avec les hypothèques d’un islam oriental d’une autre époque et l’impuissance civilisationnelle d’une Afrique subsaharienne fragilisée historiquement, par sa tradition portée par ses micro-pouvoirs de démocratie villageoise, ses Etats nains et en peine, ses aliénations spirituelles, fait problème. Cela face à une géopolitique mondiale d’espaces économiques voire idéologiques d’équilibre, encore déstabilisatrice ou sous contrôle aléatoire.
C’est par rapport à ces données qu’il faut construire, sur le plan interne et externe, autour du projet confédéral africain régionalisé, la problématique des relations innovantes attendues de la rencontre au Sommet prévue en août 2014 à Washington entre les chefs d’Etat africains et le Président des Etats-Unis.
Il faut, sur ce plan, comme priorité à affirmer, dans les relations comme celles qui vont être discutées avec le président des Etats-Unis, aller au-delà du continentalisme panafricaniste des libertés conquises qui, à juste titre, mobilisa les énergies autour des luttes et des guerres d’indépendances. Il faut désormais mobiliser autour d’une stratégie qui œuvre autour d’un agenda en faveur d’un confédéralisme voire d’un fédéralisme politique des espaces stratégiques sous-régionaux de développement économique et de sécurité.
L’Afrique et les Etats-Unis peuvent, dans cette seconde phase en cours, se concerter sur ce plan et jeter les bases d’une collaboration féconde comme acteurs et alliés sur le plan régional et mondial et à long terme. Ce serait pour contribuer à la réussite d’un scénario qui concernerait, trois à quatre domaines majeurs que sont : la sécurité géopolitique régionale et continentale, qui engage des activités de défense armée et de police confédérale intégrée contre tous les totalitarismes ; la stratégie géoéconomique industrielle et post-industrielle confédérale, mondialement compétitive, qui mobilise de manière solidaire et sur la base d’intérêts partagés ; les dotations en facteurs considérables des espaces d’intégration régionale à court terme et continentale à long terme ainsi que l'éthique historique des valeurs de bonne gouvernance qui constitue la composante indispensable aux relations internationales fécondes et paisibles.
Les Etats-Unis, comme la Chine ou l’Inde, voire l’Union européenne et ses composantes majeures que sont l’Allemagne et la France ou la Grande Bretagne, continuent de cultiver leurs identités et leurs intérêts propres en ce qui concerne cette trilogie. Il en sera encore ainsi pour les décennies décisives à venir, que caractérisera un processus irréversible, mais lent de mondialisation économique géostratégique et civilisationnelle à gérer, grâce à des choix raisonnés eu égard au court et long terme.
Les Etats-Unis de Obama, intéressent l’Afrique. Celle-ci pose ainsi à son président Africain-américain, dans la phase finale et décisive de son exercice du pouvoir, des problèmes spécifiques. Cela en tant que Nations et économies africaines, en quête non pas d’assistance mais de partenariat au co-développement, et en tant qu’entités encore balkanisées par d’anciennes métropoles hégémoniques toujours présentes et en concurrence à des degrés divers.
La question est de savoir, dans ce contexte, quelle stratégie d’avenir engager à propos de ce qui pourrait être un Plan Mandela à élaborer et à mettre à l’œuvre pour ces décennies à venir, comme réplique africaine au Plan Marshall de l’après-Seconde guerre mondiale. Ce Plan d’intérêt partagé serait conçu comme Projet transatlantique global, mais régionalisé.
Les Etats-Unis en seraient partenaires privilégiés en relation avec, comme Communautés confédérales sous-régionales, et comme espaces géoéconomiques et stratégiques, le continent africain et ses composantes que sont selon une stratégie continentaliste régionalisée programmée compte tenu des urgences du demi-siècle à gérer : l’Afrique subsaharienne occidentale, australe, orientale, septentrionale et l’Afrique méditerranéenne.
Ces entités à laquelle la Cedeao actuelle peut servir de référence immédiate comme entité sous-continentale et régionale à vocation industrielle et post-industrielle, porteraient vers l’horizon 2030 ce projet incontournable d’efficience et de compétitivité, à l’échelle mondiale.
Les communautés régionales qui ont des difficultés à être opérationnelles ne condamnent pas le projet panafricain qui, lui, requiert, du fait de ses incertitudes, un agenda. Les entités régionales doivent et peuvent être dans l’immédiat les acteurs cohérents prévisibles identifiables à court et moyen terme, comme cibles pour ces décennies décisives et cruciales à venir. Elles ne sauraient être hypothéquées dans une stratégie régionalisée d’efficience et de cohérence par une vision continentaliste incertaine, même si celle-ci a joué un rôle majeur dans les processus de libération.
C’est là, la problématique du futur, à propos de laquelle on peut interpeller au nom du continent africain et de ses régions, dans le contexte tricontinental transatlantique : l’Amérique et les Etats Unis de Barack Obama dans la phase finale et décisive de son magistère.
Espérons que la rencontre au sommet des chefs d’Etat du continent africain et des Etats Unis d’Amérique, puisse être des plus fécondes sur ce plan, et que les résultats heureux puissent en être le fruit dans ce futur que nous vivons.
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** Pathé Diagne est linguiste
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