La MINUSTHA, un cadeau empoisonné

La Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haiti (MINUSTHA) est accusée de violences répétitives à l'encontre des populations. Le dernier massacre contre des habitants d'un quartier populaire, cité Soleil, la nuit du 21 au 22 décembre 2006 a sonné la révolte chez Lovinsky Pierre-Antoine pour qui il est temps que les Haitiens regagnent leur souveraineté. En somme, il appelle tous les combattants de la liberté à lutter contre l'occupation et la mise sous tutelle de Haiti.

Les derniers rayons d’un soleil jaunâtre qui avait déjà disparu, balayait l’horizon. Il était 6:30 heures du soir environ. La route 9, région nord-ouest de Port-au-Prince et un des 34 quartiers de Cité Soleil, était bien tranquille. Les habitants du quartier se promenaient calmement sur le macadam. Des fillettes jouient aux “osselets” devant ce que nous osons appeler leur maison, alors qu’un goupe de petits garçons, se servant chacun d’un morceau de bois, en guise de pistolets, jouaient aux “Cow-boys”.

Sur un score de un à zéro, d’autres jeunes, une équipe au torse nu, ruisselant de sueurs, l’autre à chacun son t-shirt, achevaient, avec fair-play, une partie de foot-ball sur l’autre côté de la route, tandis que les marchands de “fritailles”, de cannes à sucre, de surettes, de “bega” …etc s’étaient entourés de gens qui s’achetaient leur souper pour quelques gourdes qui avaient du mal à sortir de leurs poches presque vides. Des parents rentraient du marché.

Un imposant poster, à l’éfigie de Emmanuel Wilmain, dit Dread Wilmain, “bandit” pour les faiseurs de coup d’état, héros national 2004, pour les habitants de Bois Neuf et des autres quartiers populaires, assassiné, comme Charlemagne Péralte, par les occupants, suivait, imperturbable, la scéne. “Son ombre veille sur nous”, disait le jeune Edouard qui avait perdu ses parents lors de l’attaque du 6 Juillet 2005.

En ce 21 Décembre 2006, tout a commencé au moment où 6 blindés des troupes d’occupation ont laissé la base de la MINUSTHA au marché de Cité Soleil et sont venus, en ligne de combat, se positionner en face de la petite ruelle qui débouche sur le quartier de Bois-Neuf. Inquiets, les riverains suivaient, du coin de l’oeil cette parade de Noel d’un mauvais gout, mais sans savoir que cela allait être leur cadeau de Noël, un cadeau empoisonné. L’atmosphère était devenue subitement maussade.

Soudain, une des mastodontes, paresseusement se détacha de la “flotille” et pour une trés rare fois depuis l’occupation, s’engagea dans la petite ruelle de Bois-Neuf. Un groupe de jeunes y compris des enfants s’y opposèrent et se mirent à bombarder la mastodonte de pierres et de bouteilles vides et d’injures. Après quelques minutes, de la fumée commençait à sortir de l’intérieur de la masse de feraille, tandis que les canons ds 5 autres blindés crachèrent le feu sur tout ce qui bougeait.

En un clin d’oeil, quatre soldats de la MINUSTHA, des uruguayens, disent lers gens du quartier, ouvrirent les portes du blindé déjà en flammes, en tirant et en s’enfuyant, couvert par un tir nourri provenant des gros canons des 5 autres blindés qui leur ont donné refuge.

Amputé d’un blindé, le reste de la flotille repartit vers la base alors que l’autre mastodonte abandonnée, continue de brûler, La population de la zoneen fit le reste. Tout le monde alla se coucher, un oeil fermé, un oeil ouvert. Les gens se rappelèrent le massacre du 6 Juillet 2005 qui a couté la vie à enfants en bas age, femmes et hommes dont Dread Wilmain.

Cette nouvelle hécatombe des occupants débuta réellement le lendemain vers 3:00 heures du matin lorsque le crépitement des balles réveilla en sursaut les gens de Bois-Neuf et de ses environs. Ce fut la pagaille, ce fut le carnage. Des gens couraient en toutes directions. D’autres essayaient de s’abriter derrière des murs incapables de résister à ces projectiles de fort calibre. Un hélicoptère immatriculé : UN (Nations Unies) survolait Cité Soleil, alors qu’au moins une quinzaine de blindés et des troupes à pied de la MINUSTHA tiraient sur hommes, femmes et enfants. Des gens qui, généralement, commencent tôt leur activité, étaient déjà dans les rues. Ils ont été surpris par l’attaque qui s’est poursuivie une bonne partie de la journée du 22 Décembre 2006.

Le bilan est lourd. Enfants, hommes, femmes, dont certaines enceintes sont tombées sous la vague de cette violence sans commune mesure. Des journalistes sur place dénombrent une quarantaine de morts emmenés ça et là soit dans des morgues privées, soit à l’hopital. Ils étaient visiblement choqués par ce déchainement de violence. Selon ce que rapportent des témoins, empêchés par les soldats de la MINUSTHA, les journalistes n’ont pas pu voir une quarantaine d’autres cadavres qui ont été emportés par des riverains pour être enterrés sur place.

Il faut signaler également que les soldats eux-mêmes ont ramassé certains cadavres et sont partis avec eux, on ne sait où.Une centaine de blessés sont allés se faire soigner soit en cachette, soit dans certains centres santé de la zône, soit à l’hopital Sainte Catherine, tenu par MSF, Médecins Sans Frontières. Une cinquantaine de maisonnettes ont été soit détruites soit endommagées. Les cadavres n’ont pas été retrouvés avec des armes à leur côté. Donc, il n’y avait pas d’échange de tir ou d’affrontement comme le disent les médias de haine.

Le Coordonnateur des activités du CICR, Comité International de la Croix Rouge et du Croissant Rouge, à Cité Soleil, Monsieur Pierre Alexis a publiquement dénoncé le comportement des soldats de la MINUSTHA qui ont empêché son équipe d’aller porter assistance à des personnes grièvement blessées qui avaient sollicité de l’aide.

“Cette attitude de la part des Forces de la MINUSTHA, Force de l’ON U, Institution Internationale dont la mission est de promouvoir la paix et le respect des droits de l’homme dans le monde, est intolérable et inacceptable,” selon un communiqué publié après le massacre par le CARLI et signé de son Secrétaire Général Maitre Renan Hédouville, Comité des Avocats pour le Respect des Libertés Individuelles. Le CARLI rappelle l’article 20 de la Convention de Genève du 12 Août 1949, relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre : “Le personnel régulièrement et uniquement affecté au fonctionnement ou à l’administration des hôpitaux civils, y compris celui qui est chargé de la recherche, de l’enlèvement, du transport, et du traitement des blessés et des malades civils, des infirmes et des femmes en couche, sera respecté et protégé.”

A part le CARLI, des dénonciations publiques ont été émises par d’autres organisations des droits l’homme, comme la CONODH, Coordination Nationale des Organisations des Droits de l’Homme, La Fondation Trente Septembre, organisation regroupant des victimes de violence organisée, qui a effectué une première visite d’évaluation, avant d’organiser au début de la nouvelle année une journée de solidarité avec les victimes de la MINUSTHA à Bois Neuf.

Néanmoins, pour bien comprendre, dans toutes ses dimensions ce qui s’est passé en cette nuit des 21 et 22 Décembre 2006, il importe de se rappeler certains faits. Qui prouveront que cette attaque est préméditée et a été psychologiquement et soigneusement préparée. Elle est la manifestation de la volonté de poursuivre le génocide contre la population pauvre d’Haiti.

Comme éléments au niveau des préparatifs, nous retrouvons, le service de communication des occupants, la presse de l’ANMH, des membres de l’ancienne opposition, certains, par concours de circonstances, au pouvoir actuellement, d’autres au parlement.

A travers différents communiqués et plusieurs points de presse, le service de Communication des Forces d’Occupation de la MINUSTHA n’a jamais manqué de fustiger les habitants de Cité Soleil. Récemment, pour combattre l’insécurité grandissante à la Capitale, la MINUSTHA a annoncé le lancement d’une série d’Opérations dénommées ”Opération Crimes Majeurs” qui ciblent Cité Soleil.

Ce quartier populaire est à l’avant garde de la lutte contre l’occupation du territoire national. Plusieurs manifestations publiques et pacifiques, rassemblant des milliers de personnes, ont déjà été organisées par les habitants de Cité Soleil pour demander le départ des occupants. Cité Soleil a été à plusieurs reprises victimes de la barbarie des forces de la MINUSTHA. D’aucuns pensent que ce déchainement de rage sur Cité Soleil est surtout du au fait que les habitants de ce quartier de la capitale sont également à l’avant garde de la lutte pacifique pour le retour immédiat du Président Aristide.

Une bonne partie de la presse haitienne qui s’était raliée la cause des putchistes et kidnappeurs du 29 Février 2004, s’est rendue compte qu’elle s’était trompée et a commencé à changer son fusil d’épaule. Les plus récalcitrants, au nombre de 4 ou 5, pas plus, tiennent le haut du pavé avec leur campagne désuètte, parce que ne faisant plus école, contre le peuple haitien qu’ils continuent de dénigrer et d’affubler d’étiquettes injurieuses et dégradantes comme: Chimères, Bandits, Kokorat, kidnappeurs…etc. Ces médias de haine comme on les appelle, accusent les habitants des quartiers populaires de tous les maux du pays. Un Proverbe créole dit: “ Se sou chen mèg yo wè pis.”

Bien que membres du gouvernement, des postes clés de l’administration publique, ministères et directions générales, ayant été confiés à des membres de l’ancienne opposition, celle-ci a depuis un certains temps repris ses critiques acerbes contre le pouvoir. “Le pouvoir doit résoudre immédiatement le problème de l’insécurité, ou il doit partir. S’il ne veut pas partir, nous allons l’y obliger” déconnait un Paul Denis, ex-Sénateur, qui était pressenti pour être le Directeur Général du FAES ( Fonds d’Assistance Economique et Soiale).

Des rumeurs persistantes veulent que l’OPL (Organisation du Peuple en Lutte), le parti de Paul Denis rêve, à travers ses représentants au parlement, de donner un vote de non confiance à l’actuel Premier Ministre haitien, l’Agronome Jacques Edouard Alexis, sur le cuisant dossier de l’insécurité. Leur objectif est de pousser, grâce au support de l’occupant, le nom de Paul Denis comme Premier Ministre, pour qu’il puisse être en bonne position au cas où le pire arrive au Président de la République l’Agronome René Préval, dont l’état de santé, à tort ou à raison, a fait couler beaucoup d’encre et de salive ces derniers temps.

Dans cette guerre contre les pauvres, nous retrouvons en première ligne des parlementaires comme Joseph Lambert, Sénateur du Sud-Est, Président du Sénat, très critiqué, Gabriel Fortuné, qui a fait tous les partis politiques, Sénateur du Sud, tous deux partisans farouches de la peine de mort, pour disent –ils, les kidnappeurs (entendez les habitants des quartiers populaires). Plusieurs voix se sont élevées pour demander la démission du Président du Sénat parce que celui-ci a appelé publiquement à la violation de la constitution.

Comme fer de lance de cette campagne contre les pauvres, le nom de Youri Latortue, retient particulièrement notre attention. Nul n’ignore les subterfuges du parachuté de l’Ambassade étasunienne à Port-au-Prince au sein de l’apareil électoral, Jacques Bernard pour hisser Youri Latortue, sinistre figure de la répression durant les deux années du coud’état de 2004 au parlement en tant que 1er Sénateur de l’Artibonite.

Ce trio mène également au nom de la même ambassade une campagne pour le retour des ex-Forces Armées haitiennes ou la formation d’une force militaire haitienne parallèle à la PNH , (Police Nationale d’Haiti) que contrôleraient les tenants de l’occupation. On se souvient que le journal français le Figaro, après une enquète menée en Haiti autour du trafic de la drogue, du crime organisé et de la corruption en Haiti durant les deux ans du régime de facto en Haiti a pointé du doigt ce neveu de l’ex Premier Ministre de facto Gérard Latortue et l’a même appelé: “Monsieur 30% .” Il recevait 30% de toutes les tractations du régime de facto et des affaires louches et ténébreuses.

Ensuite vient le nom du moins connu, Pasteur Andris Riché, Sénateur de la Grand-Anse qui s’est fait remarquer par un subterfuge monté de toute pièce, il y a 2 semaines: La zone et le scénario étaient déjà choisis. Il ne manquait plus que les acteurs. Soudain arrive un truc dénommé la caravane parlementaire venant dont ne sait quelle mission louche et obscure. Tout ce que nous savons est que ce truc tient son financement de l’occupant.

Avant d’atteindre la zonede Ti Tanyen, le cortège parlementaire manque deux voitures, celle de Joseph Lambert et celle d’Andris Riché. Non loin de là, et dans l'obscurité, les phares allumés, les voitures du cortège s’immobilisèrent pour attendre les fameux retardataires. Après quelques instants, en trombe, la voiture de Joseph Lambert dépassa le reste du cortège immobilisé.

On apprenait plus tard que la voiture du Sénateur Andris Riché aurait été interceptée et les passagers dont le Sénateur ont été kidnappés. Que fit son chauffeur? Que firent ses agent de sécurité armés? Qu’est devenue sa secrétaire qui était dans la voiture? Disposaient-ils de radios communication? De téléphones cellulaires? On ne le saura jamais peut-être. Mais, l’on sait que du fond de l’obscurité, au milieu des kidnappeurs et de la végétation sauvage caractéristique de cette zône, le Sénateur Andris Riché s’est héroïquement échappé des mains de ses ravisseurs.

Il existe plusieurs versions légèrement différentes les unes des autres de ce scénario qui est comme un puzzle dont on a du mal à retrouver tous les morceaux. Pourtant, dès le lendemain de ce coup de théatre, le Sénateur Joseph Lambert apparaissant comme le vrai metteur en scène du coup, ne s’est pas ménagé de citer le nom de Bélony, comme étant le principal instigateur de ce soit disant kidnapping. Bélony est un leader populaire de la zonede Bois Neuf.

Après cette mise en scène, la presse rapporta l’histoire de plusieurs scène de kidnapping, dont des autobus détournées qui auraient eu lieu dans cette zoneet dont les auteurs sont des personnes montées à bord des autobus depuis la ville de Saint Marc, bastion du violent groupe de l’ex opposition des 184, le RAMICOSM (Rassemblements des Militants Conséquents de Saint Marc), dont les membres sont devenus depuis un certain temps les plus surs alliés et hommes de main d’un puissant Sénateur de l’Artibonite.

D’un coup des organisations estudiantines comme le FEUH, la Fédération des Etudiants et Universitaires Haitiens, le GRAFNEH, le Grand Front National des Etudiants Haitiens sont montés au crénau pour lancer des mots d’ordre de manifestation contre l’insécurité, qui ont rassemblé une trentaine de personnes. Alors qu’ils ont déjà organisé quelques petites, mais violentes manifestations contre l’occupation, ils appelent les soldats des forces d’occupation à assurer la sécurité de la population.

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre que le nouveau massacre des soldats de la MINUSTHA à Bois Neuf, un quartier de Cité Soleil est un cadeau de Noël, mais un cadeau empoisonné qui s’inscrit dans la droite ligne du complot de trahison, un complot ourdi par les tenants de l’occupation pour faire disparaitre Fanmi Lavalas, c’est à dire cet outil que s’est donné les masses populaires pour luttre contre l’exclusion bi-séculaire.

Cependant par voie de conséquence, il nous faut comprendre que se mobiliser, lutter contre la trahison, c’est également se mobiliser et lutter contre l’insécurité et le kidnapping, c’est également se mobiliser et lutter contre l’occupation de notre pays et le projet de sa mise sous tutelle, c’est aussi se mobiliser et lutter contre le kidnapping du 29 Février 2004 et de toute les autres formes de kidnapping, c’est lutter contre le retour des ex-Forces Armées et contre la mise en place de ce qu’ils appellent la gendarmerie, pour que jamais le kidnapping ne se reproduise plus en Haiti et que nous puissions arriver au retour réel de la démocratie dans notre pays

* Lovinsky Pierre-Antoine

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