Les Etats-Unis d’Afrique : Les Défis

Demba Moussa Dembele examine les défis externes et internes auxquels l’Afrique fait face devant la mondialisation et la guerre menée par les Etats-Unis dans le cadre du terrorisme et il se demande si les dirigeants africains actuels sont à la hauteur de construire les Etats-Unis d’Afrique dans l’environnement actuel de mondialisation.

'L’Afrique doit s’unir ou périr!' Kwame Nkrumah

Cette année marque le 50ème anniversaire de l’indépendance du Ghana, le premier pays de l’Afrique sub-saharienne à briser le joug terrible du colonialisme. Il était sous la direction du Président Kwame Nkrumah, dirigeant éclairé, visionnaire et panafricaniste, qui a sacrifié son temps et son énergie pour la libération des autres pays africains. Nkrumah a lutté sans relâche pour l’unité des pays africains au profit d’un seul Etat Fédéral Africain. Il était convaincu que les pays fraîchement indépendants avaient besoin de s’unir pour libérer les autres pays africains et jeter les bases de leur émancipation économique. Il comprenait qu’une Afrique divisée resterait toujours sous la domination et serait une proie facile au capitalisme mondial.

C’est en partie à cause de sa vision et de son aptitude de voir loin quel’ impérialisme anglo-américain a coopté des criminels ghanéens afin qu’ils simulent un coup qui a fait chuter Nkrumah et l’a envoyé en exil jusqu’à sa mort. Mais la vision et le rêve de Nkrumah ne sont pas morts avec lui. Tout au contraire: ils sont restés très vivants tout au long des années. Au fur et à mesure que l’Afrique s’enfonçait dans la crise, comme sa dépendance de l’extérieur s’empirait, allant au bord de la menace d’être re-colonisée, Nkrumah fut largement revendiqué tandis que les adeptes de la « balkanisation » étaient complètement discrédités.

Une illustration de ceci est la fondation de l’Union Africaine (UA) en 2001 et la décision des Chefs d’Etats et de Gouvernements d’avancer vers les Etats-Unis d’Afrique d’ici l’an 2015. Il s’agit ici d’honorer comme il faut la mémoire du Président Nkrumah!

Mais la route de concrétiser ce rêve fait face à de grands obstacles, aussi bien externes qu’internes. En particulier, le système mondial actuel, caractérisé par une militarisation croissante de la mondialisation néo-libérale, présente des défis écrasants pour le continent africain.

A) Le défi de mondialisation

La décision intervient au moment où la mondialisation dirigée par des entreprises a entraîné des coûts très élevés pour le continent africain, à la suite de l’accélération de la libéralisation commerciale et financière et de la privatisation des biens nationaux au profit des sociétés multinationales. La libéralisation commerciale, combinée avec le protectionnisme et les subventions à peine voilés ou ouverts des pays occidentaux, a eu pour conséquence la détérioration des termes de l’échange en Afrique sub-saharienne. La libéralisation commerciale a à elle seule coûté à la région plus de 270 milliards de dollars EU sur une période de 20 ans, selon Christian Aid (2005).

Une illustration de ces coûts concerne le Ghana, qui a perdu un montant qu’on estime à 10 milliards de dollars EU. Selon Christian Aid, c’est comme si l’ensemble du pays avait cessé de travailler pendant 18 mois! La fuite des capitaux, attisée par la libéralisation commerciale et financière, a atteint des proportions alarmantes, que l’on estime à plus de la moitié de la dette extérieure illégitime, selon la Commission pour l’Afrique (2005).

La privatisation des entreprises Etatiques et des services publics a eu pour résultats le transfert énorme du patrimoine national dans les mains des étrangers, précisément dans les mains des sociétés multinationales occidentales. Combiné avec la dette extérieure illégitime et insupportable, ceci a approfondi la domination extérieure et augmenté le transfert de l’Afrique des richesses vers les pays et les institutions multilatérales occidentaux, comme l’a reconnu la Commission pour l’Afrique (2005)qu’a rassemblée le Premier Ministre britannique, Tony Blair. Et les membres de la Commission disposaient de sources crédibles pour appuyer leur déclaration, puisque la Bretagne est l’un des principaux bénéficiaires de ce transfert de richesses. Citant une étude publiée en 2006 par Christian Aid, l’Archevêque Ndungane (2006) a indiqué que:

« La Bretagne a emporté de loin plus d’argent de l’Afrique sub-saharienne qu’elle n’a accordé sous forme d’aide et de relèvement de dette l’année dernière, malgré les promesses d’aider la région. En tout, elle a pris de l’Afrique 27 milliards de livres sterling. En 12 mois depuis le sommet annuel du Groupe des Huit (G8)en Ecosse en juillet dernier, l’économie britannique a gagné un profit net de plus de 11 milliards de livres sterling (20,3 milliards de dollars EU) de la région. La charité a fait le calcul selon lequel environ 17 milliards de livres sterling ont coulé de la Bretagne vers l’Afrique sub-saharienne au cours de l’année dernière, y compris les dons, les transferts de salaires gagnés par des Africains en Bretagne et les investissements directs étrangers. En même temps, plus de 27 milliards de livres sterling sont partis dans le sens inverse, grâce aux paiements de la dette, aux bénéfices réalisés par des compagnies britanniques en Afrique et aux importations des biens britanniques et la fuite des capitaux. »

Ceci constitue juste un exemple de l’hémorragie financière dont souffre l’Afrique. Ceci est rendu complexe par la « fuite des cerveaux », qui a privé l’Afrique de milliers de travailleurs hautement qualifiés dans tous les domaines. L’Organisation Mondiale de la Santé (2006) indique que plus de 25% de médecins formés en Afrique travaillent à l’étranger dans les pays développés. A peu près 30.000 Africains hautement doués quittent le continent chaque année pour les Etats-Unis et l’Europe. Toujours selon l’Archevêque Ndungane (2006), pour ne fût-ce que les Etats-Unis,

« Les immigrants africains constituent la classe la plus éduquée parmi les catégories de tous les immigrants…il y a plus de 640.000 professionnels africains aux Etats-Unis, plus de 360.000 d’entre eux sont détenteurs de doctorats, 120.000 d’entre eux (en provenance du Nigeria, du Ghana, du Soudan et de l’Ouganda) sont des docteurs en médecine. Le reste sont des professionnels dans divers domaines – qui vont du chef de recherche pour l’Agence Spatiale des Etats-Unis, la NASA, aux professeurs de science matérielle les mieux payés. ...'

B) Le défi de la « guerre » des Etats-Unis « contre le Terrorisme »

Le défi posé par les politiques néo-libérales pour l’Afrique seront aggravés par la militarisation de la mondialisation, avec la doctrine de « frappe préventive » adoptée par l’administration Bush. L’une des illustrations tragiques de cette doctrine est l’agression et l’occupation illégales de l’Irak avec les nombreux cas de crimes contre l’humanité commis par les forces de l’occupation que le monde a observés depuis l’invasion. Une autre illustration de cette doctrine est la menace de guerre contre d’autres pays souverains tels que l’Iran, la Corée du Nord ou la Syrie.

Ces agressions et menaces font partie de ce que l’impérialisme américain appelle « guerre contre le terrorisme ». L’administration Bush est en train d’essayer d’attirer les pays africains vers cette stratégie, ce qui pose une menace même plus grande pour la sécurité et le développement de l’Afrique. Depuis 2002, le gouvernement américain a rassemblé un programme spécial appelé « PanSahel » dont l’objectif déclaré est de former les forces armées des pays qui sont impliqués en vue de leur permettre de mettre la main sur les groupes supposés avoir des liens avec Al Qaeda.

Le communiqué récent de la création d’un commandement militaire américain pour l’Afrique –dénommé « Africa Command (AfriCom) » – est un pas majeur vers l’expansion et le renforcement de la présence militaire américaine en Afrique à travers des politiques plus agressives pour enregistrer le soutien de la part des pays africains dans sa « guerre contre le terrorisme ». Selon George W. Bush, « le nouveau commandement va renforcer notre coopération en matière de sécurité avec l’Afrique et créer de nouvelles opportunités de revigorer les capacités de nos partenaires en Afrique ».

En réalité, les objectifs de l’Africa Command sont à trouver dans l’ambition américaine de domination mondiale et dans l’appétit croissant des Etats-Unis pour le pétrole africain. L’impérialisme américain cherche à protéger les routes de livraison de pétrole et les sociétés multinationales américaines impliquées dans l’extraction du pétrole et des minerais. En fait, plusieurs études ont annoncé par anticipation que les Etats-Unis pourraient dépendre de l’Afrique pour jusqu’à 25% de leurs besoins en pétrole brut pendant la prochaine décennie ou à peu près. Un signe clair de cette tendance est que plusieurs compagnies pétrolières américaines sont en train d’investir des milliards de dollars dans les pays producteurs de pétrole, notamment dans la région du Golfe de Guinée. Ainsi, le pétrole constitue l’une des forces principales dominantes derrière l’activisme des Etats-Unis sur le continent. Cela n’a rein à voir avec la « sécurité » de l’Afrique. Au contraire, ceci est susceptible d’augmenter l’insécurité sur le continent!

Ainsi, la stratégie américaine vise à sauvegarder les positions stratégiques des Etats-Unis en Afrique en se servant de la menace du « terrorisme » en vue de gagner les facilités militaires et les bases pour protéger leurs intérêts. Les pays qui acceptent de coopérer avec les Etats-Unis pourraient devenir de plus en plus dépendants des Etats-Unis et inévitablement de l’OTAN pour ce qui est de leur « sécurité ». Ils seront forcés de donner des bases militaires ou des facilités aux forces américaines et servir de chair à canon dans la « guerre » des Etats-Unis « contre le terrorisme » comme l’Ethiopie l’a fait en Somalie. La stratégie américaine va semer davantage de divisions parmi les pays africains et porter préjudice à l’objectif de l’Unité Africaine.

C) Défis internes

L’on devrait ajouter aux défis posés par le contexte mondial décrit ci-haut les défis internes auxquels les pays africains font face.

Comme indiqué plus haut, les politiques néo-libérales imposées par le FMI et la Banque Mondiale et par la violence de la mondialisation dirigée par des sociétés ont davantage affaibli l’Afrique. La caractéristique principale du continent est sa faiblesse et ses divisions, en dépit de la fondation de l’Union Africaine et l’adoption du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD). Les divisions sont idéologiques et politiques. Les liens néo-coloniaux avec les anciennes puissance coloniales sont toujours forts. Il y a toujours beaucoup de bases et facilités militaires étrangères sur le continent. Plusieurs pays dépendent toujours des pays occidentaux pour ce qui est de leur « sécurité ». La France est en train d’intervenir en République Centre Africaine dans une tentative d’aider le gouvernement à repousser les attaques menées par des groupes rebelles.

Une opération semblable a eu lieu il y a quelques mois pour aider le gouvernement tchadien à repousser une attaque de rebelles qui menaçait certaines parties de la capitale. Ces pays abritent des bases militaires étrangères et ils ont signé des accords de défense avec leurs « protecteurs ». Ces bases militaires sont aussi utilisées pour lancer des agressions criminelles contre d’autres pays africains, comme les Etats-Unis l’ont fait lorsqu’ils ont lancé des attaques aériennes contre des villageois innocents en Somalie à partir de leurs bases aériennes en Djibouti! La France est en train de se servir de ses bases militaires en Afrique de l’Ouest – le Sénégal et le Togo- pour déstabiliser la Côte d’Ivoire.

Ces exemples font ressortir la vulnérabilité du continent et la nature fragile de beaucoup d’Etats, dont certains n’ont fait que chuter, en grande partie comme conséquence des politiques d’ajustement structurels. La vulnérabilité de l’Afrique se reflète également dans la pauvreté répandue qui affecte sa population, dans la détérioration des systèmes sanitaires et éducationnels et l’incapacité de beaucoup d’Etats à fournir à leurs citoyens les services sociaux élémentaires. La pauvreté est le résultat des politiques imposées par le FMI et la Banque Mondiale, en se servant du prétexte de la dette illégitime avec la complicité des gouvernements africains.

Ceci a été aggravé par la dépendance économique, financière, politique des pays et des institutions multilatérales occidentaux. Le dépendance alimentaire a augmenté de façon dramatique. Selon la FAO et d’autres agences onusiènes, plus de 43 millions d’ Africains souffrent de la faim, qui tue plus de personnes que le VIH /SIDA, le paludisme et la tuberculose tous ensemble! Comme résultat, l’Afrique dépense des milliards de dollars sur les importations de nourriture, qui sont payés par les crédits et l’ « aide » de la part des pays et institutions multilatérales occidentaux.

La dépendance extérieure et la vulnérabilité extrême du continent se reflètent également dans la soumission aux politiques économiques de la Banque Mondiale et à des « experts » occidentaux pour beaucoup de pays.

II) L’Afrique peut-elle surmonter ces défis?

Au vu de ces défis redoutables, la construction des Etats-Unis d’Afrique pourrait sembler être une tâche impossible, une entreprise prométhéenne. En effet, on devrait être sceptique à propos de l’habileté et de la volonté des dirigeants africains à construire une véritable unité africaine. Parce que non seulement les obstacles sont accablants mais aussi l’expérience du passé ne montre aucun signe d’optimisme. Ainsi, si les dirigeants africains sont vraiment sérieux en ce qui concerne la réalisation de ce noble objectif, ils doivent prendre des décisions sévères et courageuses.

A) Nécessité de volonté politique

Le document sur les Etats–Unis d’Afrique, publié par l’Union Africaine (2006) prétend: « l’on devrait se rendre compte du fait que ce qui unit les Africains dépasse de loin ce qui les divise en tant que gens » (page 8). Pourtant, ceci ne fut pas traduit en une volonté politique de surmonter leurs divisions et d’avancer vers le renforcement de l’unité africaine. Ainsi, ce dont les dirigeants africains ont besoin d’abord et avant tout est la volonté politique de prendre les décisions sévères et le courage et la détermination de les mettre en oeuvre.

En réalité, la décision de créer les Etats-Unis d’Afrique est la toute dernière d’une longue série de décisions et d’accords, la plupart de ces derniers n’ayant jamais été mis en oeuvre. Certains de ces accords sur l’intégration régionale datent de plus de 30 ans, mais ils traînent toujours derrière à cause du manque de réelle volonté de les mettre en oeuvre. La lenteur de l’intégration et le manque de solidarité sont une réflexion de l’absence de volonté chez beaucoup de dirigeants africains de placer en avant les intérêts fondamentaux du continent au-dessus des intérêts nationaux ou même des intérêts personnels afin d’avancer de manière décisive vers une véritable unité et une véritable coopération.

Le manque de volonté politique s’illustre mieux par le sort des documents –clés adoptés tout au long de plusieurs décennies et qui auraient renforcé l’unité africaine et jeté les bases des Etats-Unis d’Afrique. Pensez au Plan d’Action de Lagos(PAL) adopté en 1980 et qui fut rapidement oublié en faveur des programmes d’ajustement structurel imposés par le FMI et la Banque Mondiale (PAS). Pensez au Cadre Alternatif Africain, qui était parmi les premiers documents qui ont parlé franchement en faisant une forte critique des PAS en 1989.

Pensez à la Charte d’Arusha pour la Participation Populaire au Développement et à la Transformation Sociale, adoptée en 1990 et qui contient un plan pour la participation des citoyens dans la conception et dans la mise en œuvre des politiques publiques au sein d’un processus démocratique et participatif de prise de décisions. Pensez au Traité d’Abuja de 1991, pour la création de la Communauté Economique Africaine. Cette liste n’est pas exhaustive. Pourtant, lorsque certains dirigeants africains ont proposé le NEPAD en 2001, il fit à peine mention de ces documents. Par contre, il a tenté de réhabiliter les politiques néo-libérales qui ont échoué et qui sont discréditées.

B) Libération de l’esprit africain.

La volonté politique a une dimension idéologique, qui consiste en la nécessité chez les dirigeants africains de libérer leurs esprits et de comprendre une fois pour toutes qu’ils doivent assumer la responsabilité de leur propre développement. Aucun pays ni groupe de pays, aucune institution internationale, aucun volume d’« aide » extérieure ne vont jamais « développer » l’Afrique. De la même manière, aucun pays étranger, peu importe sa puissance, ne va jamais garantir la « sécurité » des pays africains.

Il est par conséquent illusoire de supposer que les Etats-Unis, la France ou la Bretagne vont fournir la « sécurité » à l’Afrique! Juste au contraire: les intérêts de ces pays résident dans une Afrique faible, divisée et sans moyens de se défendre. Les pays africains doivent prendre la responsabilité de leur propre sécurité collective! A cet égard, les gouvernements africains doivent fermer toutes les bases militaires étrangères et mettre au rebut tous les accords convenus en matière de défense signés avec le anciennes puissances coloniales et l’impérialisme américain. En outre, les gouvernements africains doivent mettre fin à leur obéissance aux institutions néo-coloniales, telles que la « Francophonie », le Commonwealth etc.

C) Une direction éclairée

Pour que ces changements dramatiques aient lieu, l’Afrique a besoin d’une direction composée de dirigeants éclairés et visionnaires, qui prêtent l’oreille aux voix des gens. Ceci signifie aussi la promotion de dirigeants qui sont responsables devant leurs propres citoyens, et non aux puissances et institutions extérieures, comme c’est le cas dans beaucoup de pays. Bien plus, l’Afrique a besoin de dirigeants qui peuvent définir un programme consistant avec des intérêts de l’Afrique, et non laisser quelqu’un d’autre le faire à leur place.

En d’autres termes, les dirigeants africains doivent cesser d’accepter que les autres parlent pour le continent ou définissent ses politiques en leur place. Un exemple à ce sujet est la « guerre » des Etats-Unis « contre le terrorisme». Comme indiqué ci-haut, certains pays soutiennent le programme américain. Mais combattre le « terrorisme » ne constitue pas une priorité pour l’Afrique. Le continent a d’autres priorités qui n’ont rien à faire avec le terrorisme.

D) Implication des Africains

Jusqu’à présent, les dirigeants africains semblent avoir oublié les Africains dans la conception et la mise en œuvre de leurs engagements. Pour surmonter les défis repris ci-haut, les dirigeants africains doivent comprendre qu’il faut qu’ils abandonnent l’idée de l’Union des Etats en faveur de celle de l’Union des peuples. Ceci signifie que le succès des Etats-Unis d’Afrique dépend du fait de placer au centre du projet les gens de l’Afrique. La participation populaire à la prise de décisions et à la mise en oeuvre des politiques publiques, comme défendu par la Charte d’Arusha, est un facteur critique dans la construction d’une Union véritable et forte. Ceci semble être compris par le document publié par l’Union Africaine(2006), qui indique que « le Gouvernement de l’Union doit être une Union des Africains et pas uniquement une Union des Etats et des Gouvernements » (page 4).

Ceci semble être juste une prétention face à l’idée de participation populaire, parce que jusqu’à présent, il n’y a pas de pas concrets pour en faire une réalité. Malgré la création de certaines institutions, comme le Conseil Economique, Social et Culturel (ECOSOCC), les gens n’ont aucun mot à dire dans la prise des décisions de l’Union. Afin de réaliser une Union véritable des Africains, le premier pas devrait être de permettre une circulation libre des gens –sur le continent et dans la Diaspora- à travers le continent. Il est impensable de construire les Etats-Unis d’Afrique en laissant en place les frontières actuelles et en limitant la libre circulation des citoyens africains à travers le continent. La Construction de l’Union doit être enracinée dans la mobilisation des masses africaines à travers les frontières artificielles mises en place par les anciennes puissances coloniales en vue de diviser et affaiblir les gens de l’Afrique.

III) Conclusion

Le présent article a passé en revue les défis auxquels l’Afrique fait face dans sa tentative de construire les Etats-Unis d’Afrique. Des facteurs externes, tels que les coûts élevés de la mondialisation néo-libérale et la « guerre » des Etats-Unis « contre le terrorisme », sont susceptibles de bloquer les efforts africains pour l’unité et l’indépendance. Ces facteurs externes profitent des faiblesses internes de l’Afrique et tendent à les aggraver.

Mais est-ce que les dirigeants africains actuels ont la capacité et la volonté de surmonter les défis internes et externes dans le processus de construction des Etats-Unis d’Afrique? C’est douteux. La plupart des « dirigeants » africains actuels reçoivent leurs ordres à partir des capitales occidentales et ils se sont rendu devant les politiques du FMI, de la Banque Mondiale et de l’Organisation Mondiale du Commerce. Selon les termes du feu Professeur Joseph Ki-Zerbo (1995), ces derniers sont des « dirigeants » avec des esprits effrayés qui ne peuvent qu’ imiter leurs maîtres occidentaux. Comment quelqu’un peut-il faire confiance en de tels « dirigeants », dont certains envisagent de donner des bases militaires aux Etats-Unis sous le prétexte de combattre le « terrorisme »?

La construction des Etats-Unis d’Afrique exige une nouvelle direction ayant la volonté politique de faire le suivi de ses engagements. Ceci signifie promouvoir un nouveau type de direction en Afrique, imbue des idéaux du panafricanisme, véritablement dévouée pour l’unité, l’indépendance et la souveraineté du continent et pour la promotion du bien-être de ses citoyens. Il s’agit de dirigeants visionnaires, à l’instar de Nkrumah et des autres de sa génération. Une direction qui refuse que l’Afrique soit réduite en esclavage et qui n’acceptera jamais que les autres parlent au nom de l’Afrique ou qu’ils définissent les politiques pour l’Afrique.

Ainsi, la construction des Etats-Unis d’Afrique requiert une sorte de dirigeants différents dont les esprits sont décolonisés, qui ont la volonté de se dresser contre la domination étrangère, qui prêtent oreille à leurs propres citoyens et promeuvent des politiques visant le recouvrement de la souveraineté de l’Afrique pour ce qui est de ses ressources et politiques. En d’autres termes, le succès d’unetelle entreprise exige une direction imbue des valeurs et des idéaux du panafricanisme et véritablement engagée pour l’unité, l’indépendance et la souveraineté de l’Afrique.

Références

Union Africaine (2006). Etude sur le Gouvernement de l’Union Africaine. Vers les Etats-Unis d’Afrique. Addis-Abeba

Christian Aid (2005). The economics of failure. The costs of ‘free’ trade for poor countries. Londres (soit, en français, L’économie de l’échec. Les coûts du commerce « libéral »pour les pays pauvres)

Commission pour l’Afrique (2005). Notre Intérêt Commun. Londres (Mars)

Ki-Zerbo, Joseph (1995), Which Way Africa? Reflections on Basil Davidson’s The Black Man’s Burden.

Ndungane, Njongonkulu, “A CALL TO LEADERSHIP: The role of Africans in the Development Agenda”. (soit, en français, “UN APPEL A LA DIRECTION: Le rôle des Africains dans le Programme de Développement”). Cours de mémoire de Harold Wolpe (30 novembre 2006), Howard College Campus, Université du KwaZulu-Natal

Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD)

* Demba Moussa Dembele est Directeur du Forum Africain des Alternatives qui est basé à Dakar. Il peut être contacté aux adresses suivantes : [email][email protected] ou [email][email protected]

* Cet article a d’abord paru dans l’édition anglaise de Pambazuka News n° 298 du 5 avril 2007. Voir : [email protected]