En finir avec le régime de Wade
Il y a douze ans, une formidable coalition de forces politiques et sociales mettait fin à quarante ans de régime « socialiste » lors de l’élection présidentielle de 2000. Ce fut une bataille épique qui est restée dans toutes les mémoires. L’élection présidentielle de 2012 ressemble à bien des égards à celle de 2000.
SIMILITUDES ET DIFFERENCES ENTRE LES ELECTIONS DE 2000 ET DE 2012
Dans le contexte du Sénégal, l’élection présidentielle de 2012 et celle de 2000 constituent incontestablement des évènements historiques dans la vie politique du pays. Elles comportent plusieurs ressemblances. L’un des principaux protagonistes de l’élection de 2000, Abdoulaye Wade, l’est également en 2012. L’autre trait commun de ces deux élections est le ballotage du président sortant par un des candidats de l’opposition. Toutes les deux sont caractérisées par le ralliement de touts les candidats battus au premier tour derrière le challenger du président sortant au deuxième tour. En 2012 comme en 2000, on assiste à des manœuvres de la part du président sortant pour débaucher un ou plusieurs candidats recalés au premier tour pour essayer de renverser une situation désespérée.
Cependant, les deux élections comportent de grandes différences. En 2000, la candidature du président sortant, Abdou Diouf, n’était pas contestée, même si certains la jugeaient de trop après 19 ans de pouvoir. Par contre, en 2012, la candidature du président sortant, Abdoulaye Wade, a été vigoureusement contestée, parce qu’anti constitutionnelle. Même si le Conseil constitutionnel l’a validée, elle est restée illégitime aux yeux de la grande majorité de l’opinion nationale. L’opposition à cette candidature illégitime a entraîné la mort de plus d’une dizaine de personnes tuées par la police ou en liaison avec la campagne électorale.
LA TRANSFORMATION DE LA JOIE DE 2000 EN CAUCHEMAR
En 2000, malgré les pressions, les manœuvres, les promesses les plus loufoques et le retournement spectaculaire de Djibo Kâ à la dernière minute, le président sortant ne fut pas en mesure de renverser la situation. Il fut nettement battu au second tour par l’actuel président sortant. Le perdant, Abdou Diouf, acceptera de bonne grâce sa défaite, en dépit des exhortations des faucons de son parti à contester les résultats provisoires. Il épargna ainsi au peuple sénégalais un terrible bain de sang et quitta le pouvoir dans la dignité.
Ce fut l’euphorie générale dans tout le pays. Les Sénégalaises et Sénégalais, surpris par la portée historique de leur acte et l’ampleur de leur propre audace furent, transfigurés par la joie et l’optimisme dans l’avènement d’un « Sénégal nouveau ». Hélas !, la joie du 19 mars 2000 ne dura pas longtemps. Elle se transforma au fil des années en un véritable cauchemar.
Le président Abdoulaye Wade renia toutes ses promesses, se sépara de toutes les forces qui l’avaient porté au pouvoir pour s’entourer des éléments les plus corrompus de l’ancien parti au pouvoir. Il porta ainsi à un niveau insoupçonné le phénomène de « transhumance » politique, devenue un fourrier de trahisons, de veulerie et de corruption. Entouré de griots au sens figuré comme au sens propre, il se crut « roi », ou « Buur » comme on dit dans une des langues nationales du Sénégal. Et c’est dans ce contexte qu’il imagina la perspective d’une dévolution monarchique du pouvoir en mettant son fils sur le devant de la scène. Mais la ferme opposition du peuple sénégalais déjoua ses plans. C’est cet échec qui l’a amené à violer la Constitution en se présentant pour un troisième mandant.
ECHEC DU COUP D’ETAT ELECTORAL ET LA FIN D’UNE FARCE GROTESQUE
Avec cette violation, Abdoulaye Wade est assuré de sortir par la petite en 2012, quoi qu’il puisse dire ou faire après sa défaite le 25 mars. En effet, la violation de la Constitution est à elle seule une faute impardonnable à un président dans n’importe quel pays du monde. Ensuite, tout porte à croire qu’il essaiera de manœuvrer pour essayer de contester le verdict populaire. Enfin, il n’est pas certain qu’il ait un comportement « républicain » pour féliciter son vainqueur, comme l’avait fait Abdou Diouf à son endroit.
Quoi qu’il en soit, la défaite inéluctable de Wade le 25 mars mettra fin à une illusion folle et à une farce grotesque d’un homme qui se crut tout permis avec le peuple sénégalais, bafouant les règles les plus élémentaires de la décence et de la morale pour s’accrocher au pouvoir. Ayant perdu contact avec la réalité, Wade a voulu forcer la main du destin pour perpétrer un coup d’Etat électoral en passant au premier tour par la fraude et la violence avec l’aide d’une oligarchie d’hommes et de femmes incultes et de petite vertu, sans honneur, ni dignité. Le mépris du peuple sénégalais, la folie du pouvoir absolu, la poursuite d’un projet insensé de dévolution monarchique du pouvoir en dépit de l’opposition du peuple, tout cela a fait perdre la tête à Abdoulaye Wade et l’a amené à honteusement renier sa parole devant le peuple sénégalais pour piétiner la Constitution.
Mais il avait compté sans la vigilance et la détermination de ce peuple, représenté surtout par le M23 (Mouvement du 23 juin) qui regroupe aujourd’hui toutes forces vives du pays, politiques et sociales. Il n’avait pas compris que contre le peuple, il n’avait aucune chance de gagner. Et ce qui devait arriver arriva : l’échec du coup d’état électoral au premier tour, le contraignant ainsi à aller au deuxième tour. C’est donc le scénario de 2000 qui se répète : le président sortant se retrouvant seul contre toutes les forces qui incarnent la formidable soif de changement du peuple sénégalais. Sauf que cette année, l’improbable « héros » de 2000, Abdoulaye Wade, se retrouve du mauvais côté de la barrière!
DIVISER ET ENCORE DIVISER: LA TACTIQUE D’UN HOMME DESESPERE
Ayant refusé d’entendre raison, Wade est maintenant dos au mur, face à une situation qu’il n’aurait sans doute jamais imaginée : être sur le point de subir la défaite la plus mémorable et la plus humiliante de sa carrière politique. S’il a forcé la main du Conseil constitutionnel, s’il a menti au peuple, s’il a dépensé des centaines de millions de deniers publics pour acheter des consciences, c’est qu’il pensait que malgré tout il y avait un moyen de s’en sortir. Ayant échoué au premier tour et se sentant traqué, il essaie désespérément de convaincre l’opinion qu’il ne veut rester que trois ans seulement, le temps de « terminer ses chantiers » ! Comme si les chantiers d’un pays appartenaient à un président ! C’est une insulte à l’intelligence du peuple sénégalais. Et qui dit qu’il tiendra parole après tous les mensonges et trahisons qui ont jalonné sa présidence ?
Ayant le dos au mur et face à la perspective d’une défaite ignominieuse, le président sortant est en train de faire flèche de tout bois en essayant davantage de diviser le peuple sénégalais, d’user de la violence pour intimider les électeurs ou d’achat de conscience pour les retourner en sa faveur. Les attaques ridicules et sans fondement contre le prétendu discours « ethniciste » de Macky Sall visent à stigmatiser la communauté Hal Pulaar tout entière dans le but de faire croire que Macky Sall serait le président d’une ethnie et non de tous les Sénégalais. Après avoir divisé les religions et les confréries religieuses, voilà que Wade risque de se transformer en fossoyeur de la paix et de l’entente entre les ethnies du Sénégal, une des grandes fiertés de ce pays. Un jeu indigne de tout citoyen responsable, à fortiori d’un président. A ce jour, Abdoulaye Wade est le seul président du Sénégal à avoir ouvertement proclamé son affiliation confrérique dans une campagne électorale et ceci dans le seul et unique but de bénéficier de « ndiguël » (consigne de vote) de la confrérie mouride. Le peuple sénégalais a encore en mémoire les attaques honteuses contre la communauté catholique qui avaient suscité la réprobation générale.
ACHEVER LE MONSTRE: LUI INFLIGER UNE DEFAITE MEMORABLE
Au lieu de parler des vrais problèmes qui intéressent le peuple sénégalais, Wade essaie ainsi d’ethniciser le débat dans le but de semer la confusion dans les esprits. Quelle honte ! Mais c’est peine perdue ! Dans veine tentative de s’accrocher au pouvoir, le voilà qui s’associe à des charlatans qui s’autoproclament « marabouts » pour intimider les citoyennes et citoyens et faire régner la violence et la terreur afin de renverser une situation désespérée. Mais aucune provocation, aucune manœuvre, aucun achat de conscience, n’empêcheront le peuple sénégalais d’aller voter en masse le 25 mars en faveur du changement auquel il aspire si profondément. Le souvenir des martyrs tués par la Police de Wade pèsera très lourd dans la conscience de chacune et de chacun le jour du vote. La seule et unique façon d’honorer leur mémoire sera de faire subir à Abdoulaye Wade la honte de sa vie, en lui infligeant une défaite mémorable, nette et sans bavure par un raz de marrée en faveur de Macky Sall.
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* Demba Dembélé est économiste
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