Au revoir Blair, Brown, Bob et Bono
C’est la fin d’une année et le début d’une autre. L’usage veut que l’on jette un coup d’œil rétrospectif sur l’année écoulée, que l’on passe en revue les faits saillants (les hauts et les bas) pendant que l’on regarde l’année à venir avec espoir et espérance et parfois avec une vive agitation à propos des choses prédites ou attendues. D’ailleurs beaucoup de gens engagés dans le rituel des résolutions du nouvel an n’ont pas survécu aux célébrations du nouvel an. Cette colonne ne va pas passer en revue toute l’année. J’engage aussi le bon sens sans faire aucune prédiction pour 2006 afin de me mettre à l’abri de tout problème d’explication ‘verbeuse’, pourquoi ces résolutions ne se sont pas réalisées, cette fois l’année prochaine. Et comme pour les résolutions du nouvel an, je me préserve à la fois de l’embarras et de la déception en ne faisant aucune résolution. Tout peut arriver, qu’il soit bien venu ou non, une surprise en tout cas.
Au lieu de faire la revue de toute l’année 2005, je vais juste poser mon regard sur une question qui fut presque une obsession pour moi au cours de toute l’année. 2005 a été l’année au cours de laquelle il y a eu tant de promesses pour l’Afrique et dans laquelle très peu de choses ont été réalisées. Mais le subterfuge clarifie notre croyance selon laquelle, les bienfaiteurs étrangers vont aider l’Afrique. On nous a dit plusieurs fois, par toutes sortes de bienfaiteurs, que 2005 était l’année de l’Afrique. Ces attentes étaient basées sur une coïncidence hésitante hors de l’Afrique. Le Premier Ministre britannique, Tony Blair assumait à la fois les fonctions de Président en exercice de l’Union Européenne et de Président des pays les plus industrialisés du monde communément appelés G8. Il a promis de faire de l’Afrique sa priorité. Le prophète Blair qui n’a pas officiellement visité l’Afrique au cours de son mandat (en dehors d’une séance de photo obligatoire avec Nelson Mandela), avait décidé, afin de s’affranchir du sang des innocents Irakiens dans sa croisade pour soutenir son copain le cinglé Bush, que l’Afrique serait son salut.
Les ONG Britanniques de premier plan, conduites par OXFAM dont l’un des anciens hauts dirigeants officiels était conseiller à Downing Street, a vu la mission de Blair en Afrique comme une merveilleuse opportunité pour le financement des opérations en Afrique et s’est mis volontiers du côté de Blair. L’embarras éhonté de Blair n’est comparable qu’avec la grotesque scandale des journalistes occidentaux embarqués dans l’impérialisme Anglo-américain dans leur occupation illégale de l’Irak. Ces ONG doivent maintenant retrouver leur âme en 2006 et se demander si leur allégeance avec le pouvoir en valait la peine. Mais puisqu’elles n’ont pas de comptes à rendre aux personnes qu’elles sont sensées servir, elles continuent de parler de leur tricherie comme étant un succès.
De quel succès s’agit-il lorsque le Nigeria continue à rembourser plus de 3 milliards de dollars de sa dette extérieure rien qu’à la Grande Bretagne, un chiffre plus élevé que l’ensemble du montant de l’aide britannique au cours de la même année. De quelle opportunité s’agit-il pour l’Afrique lorsque les pressions devaient être dissipées en poussant les Américains, à travers leur Ambassadeur aux Nations Unies, le très détesté Bolton, d’accepter d’éliminer l’acronyme, “Objectifs du Millénaire pour le Développement” mis en place 5 années plus tôt? Si cela a demandé tant d’efforts pour défendre l’acronyme, combien cela prendra-t-il pour atteindre les objectifs ?
Si vous avez encore des doutes de le mauvais état des choses, la récente réunion de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Hong Kong devrait écarter la moindre illusion. Il n’y a pas eu de véritable changement sur les principales questions et les décisions ont été reportées à des négociations ultérieures entre les chats et les souris de l’économie mondiale. Les chats n’abandonneront pas leurs droits de manger les souris, alors que les souris devraient tout faire pour ne pas se faire engloutir.
La frontière est claire mais plusieurs ONG occidentales confondent leur audience intérieure et la complicité de leurs activistes du Sud en entretenant l’illusion selon laquelle certains chats sont moins gourmands que les autres. Beaucoup d’activistes du Sud savent que tout ceci n’est pas réel mais ils continuent à travailler avec leurs patrons du Nord parce que leur travail et leurs carrières en dépendent. Les campagnes offrent les mécanismes de soulagement de la pauvreté individuelle sans entamer la structure globale et nationale du pouvoir qui appauvrissent les masses populaires. Quel que soit ce que peuvent faire Bob Geldof, Bono et les autres nouveaux missionnaires de l’Occident, la pauvreté ne sera ni éradiquée de la ville, ni traitée en dehors des Premiers Ministres et des Présidents. C’est une cécité historique d’agir et de penser qu’un peu de concert de Rock changera la situation. Peu importe combien de milliards de (télé)spectateurs regardent ces concerts.
C’est d’autant plus lugubre que Bob Geldof est devenu un conseiller à la pauvreté globale du leader conservateur, du nouveau clone Blairite et David Cameron. Après avoir essayé Blair et le nouveau travailliste, la patronne des ONG occidentales est allée chez les conservateurs. J’imagine qu’après avoir essayé le faux conservateur, pourquoi ne pas être réaliste. Est-ce que OXFAM et leurs multiples compagnons de route en Afrique vont maintenant nous convaincre que Cameron est la nouvelle face de la guerre contre la pauvreté?
Il est clair que les Britanniques et les autres ONG occidentales font des ajustements par rapport à leur propre environnement politique et s’adaptent à quiconque est au pouvoir. Mais parce que nos propres ONG sont menées par le bout du nez par les bailleurs, et qu’elles manquent de base sociale dans nos propres sociétés, elles ont démontré leur incapacité à faire la même chose. Elles se déclarent alors indépendantes des gouvernements africains et ne sont pas responsables devant le peuple mais se mettent en accord avec leurs bailleurs de fonds. J’espère qu’au cours de la nouvelle année, ces ONG vont commencer à mieux regarder vers l’Afrique et les Africains plutôt que vers les faux prophètes, les sauveurs et les messies venus d’ailleurs. Le fait que la majorité de nos populations aient survécu pour voir l’aube de 2006 n’a rien à voir avec ce que Blair, Brown, Bob et Bono (je me demande souvent pourquoi leurs noms commencent tous par la lettre B), ont fait pour eux, mais le résultat direct de notre volonté de vivre et de triompher.
En disant au revoir à 2005 disons au revoir aux stars en B dans la pornographie globale de la pauvreté qui a dominé le multimédia au cours de l’année.
Bonne année à tous.
Dr Tajudeen Abdul-Raheem est Secrétaire Général du Mouvement Panafricain, Kampala (Ouganda ) et Co-Directeur de Justice Africa.
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