Déclaration du Forum de la société civile africaine sur la BAD

Nous, représentants de plusieurs organisations de la société civile africaine et de ceux de leurs partenaires du Nord, nous sommes réunis à Dakar du 10 au 12 mai 2009, à l’occasion des 44èmes Assemblées Annuelles de la Banque Africaine de Développement (BAD). Au cours de cette rencontre, nous avons passé en revue l’intervention de la BAD dans plusieurs pays, son rôle dans la mobilisation des ressources pour le développement du continent. Nous avons analysé la crise internationale multiforme qui frappe durement l’Afrique et le rôle de la BAD dans l’atténuation des effets de cette crise. Nous avons également examiné les relations de la Banque avec la société civile africaine, avec les institutions africaines et les institutions financières internationales, à savoir la Banque mondiale et le FMI.

Nos analyses et discussions approfondies nous ont amené à constater que la BAD s’est écartée de sa mission originelle d’institution dévouée à la promotion du bien-être des populations africaines et de développement du continent. A nos yeux, la BAD semble s’être transformée en clone des institutions financières multilatérales. Ses critères de sélection des projets donnent la priorité à la rentabilité financière au lieu de mettre en avant la satisfaction des besoins fondamentaux des populations africaines. Elle s’est convertie aux thèses néolibérales et a préconisé des politiques inspirées du fondamentalisme du marché. Elle a contribué à promouvoir des politiques de libéralisation et de privatisation qui ont été parmi les facteurs d’aggravation de la crise économique et sociale du continent. Elle n’a pris aucune initiative autonome notable dans la résolution de la crise de la dette africaine, se contentant de reprendre à son compte celles proposées par la Banque mondiale et le FMI.

Malgré le discrédit qui frappe le système néolibéral, comme l’illustre la profonde crise financière internationale en cours, la BAD continue de préconiser des politiques aujourd’hui rejetées dans de nombreuses régions du monde, y compris dans les pays développés. Nous sommes d’avis que la Banque a une lecture incorrecte de la crise financière et de ses conséquences pour l’Afrique

Le processus de déviation de la BAD par rapport à sa mission originelle est sans doute lié à l’entrée des pays non africains dans le capital de l’institution. Ces derniers ont une influence sans commune mesure avec leur part du capital. En fait, ils disposent d’un véritable veto sur les orientations et les politiques de la BAD.

En dépit des proclamations de bonnes intentions, la BAD n’a pas de véritable politique de dialogue avec la société civile, préférant se cantonner dans des politiques opaques pour éviter toute critique de la part des citoyennes et citoyens africains.

A la lumière de ces constatations, nous, participants au Forum de Dakar, soulignons qu’un changement radical est nécessaire pour faire retrouver à la BAD sa mission originelle. Dans cette perspective, elle doit cesser de copier la Banque mondiale et le FMI. Elle doit garder son autonomie vis-à-vis de ces institutions, tant sur le plan de la réflexion que sur celui de l’élaboration des politiques économiques.

Dans le même ordre d’idées, elle doit rompre d’avec les politiques actuelles dont la faillite est avérée et les conséquences désastreuses pour le continent africain

Pour cela, elle doit faire une analyse lucide et courageuse des causes réelles de la faillite du système néolibéral et contribuer à une remise en cause de ce système sur le continent africain

Elle doit contribuer à encourager des politiques de souveraineté alimentaire et à soutenir l’agriculture familiale au lieu d’encourager l’investissement dans les agrocarburants

En somme, la BAD doit s’engager dans la recherche d’un paradigme de développement autonome pour l’Afrique. De concert avec la CEA et la Commission de l’Union Africaine, elle doit contribuer à faire recouvrer par les pays africains leur souveraineté sur l’élaboration et la mise en œuvre de leurs politiques de développement

Elle doit promouvoir une pensée autonome sur le développement de l’Afrique en intégrant les apports des chercheurs et des mouvements sociaux africains. L’institutionnalisation de la participation de la société civile aux activités de la Banque pourrait contribuer au changement souhaité.

La Banque est une institution publique africaine utilisant l’argent des contribuables africains. Par conséquent, elle a obligation de rendre compte aux peuples africains. Nous, participants du Forum, réclamons notre place dans le dispositif de la BAD en termes d’identification des projets, de suivi et de contrôle

Les participants exigent :
- La mise en place d’une politique de diffusion de l’information
- La réactivation du dispositif indépendant d’évaluation des questions environnementales
- La prise en compte des besoins de financement à long terme des pays africains dans une optique de développement durable

Oui à une Banque au service du développement et du bien-être des populations africaines !

Non à une Banque clone de la Banque mondiale et du FMI !

Dakar, le 12 mai 2009
Le Forum

* Le Forum a réuni une cinquantaine d’organisations de la société civile venues de toutes les cinq régions d’Afrique.

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