Mauritanie : Retrait discourtois des Néerlandais d’un projet de pêche

Les autorités néerlandaises viennent de mettre un terme à un projet de pêche en Mauritanie, pour le transférer vers le Ghana. L’activité était nuisible pour le développement des ressources halieutiques mauritaniennes, note l’ONG Mer Bleue. Les effets de ce type de pêche sont en effet elle qu’il avait été interdit aux Pays-Bas. Mer Bleue salue l’arrêt du projet, mais dénonce les raisons avancées pour expliquer une telle décision.

Agissons ensemble en faveur de notre patrimoine commun

Nous avons eu connaissance d’une lettre, en date du 6 mai 2010, du ministère hollandais chargé de la Pêche, relative à l’arrêt par les Pays Bas du Partenariat Public Privé (PPP) en Mauritanie. Ce PPP avait essentiellement pour objet le transfert en Mauritanie, précisément au large du Banc d’Arguin, de la très destructrice pêche à la drague en vue de l’exploitation des praires (venus rosalina), après l’interdiction de ce type de pêche dans la Mer de Wadden aux Pays Bas. Les autorités hollandaises affirment, dans la même lettre, ne pas avoir encore informé les autorités mauritaniennes de leur décision et évoquent le projet de transfert de ce PPP au Ghana.

Concomitamment à cette lettre adressée en primeur et exclusivement aux ONG hollandaises, la société hollandaise Lenger Seafood, bénéficiaire principale du PPP, annonçait à une journaliste allemande l’abandon de son projet de pêche de venus rosalina en Mauritanie.

Les raisons invoquées par les deux partenaires hollandais (gouvernement et Société Lenger Seafood) pour abandonner le projet sont respectivement les suivantes :

Pour le gouvernement hollandais :
- Difficulté de mettre en œuvre le projet malgré l’absence de beaucoup de divergences pour sa mise en oeuvre
- Instabilité continue dans le pays (Mauritanie)

Pour la Société Lenger Seafood :
- L’exportation en Europe n’est pas possible dans les prochaines années
- Un processus trop long
- La crise économique, principalement en ce qui concerne l’Espagne qui est le principal pays consommateur de cette ressource halieutique

L’ONG mauritanienne Mer bleue travaille depuis trois ans avec des ONG internationales, (notamment Greenpeace et WWF) et nationales (Publiez Ce Que Vous Payez, Cyberforum, Féderation Nationale des Mareyeurs, etc.) pour convaincre les autorités mauritaniennes de la nocivité de ce type de pêche pour notre écosystème marin et pour demander aux autorités hollandaises de réduire raisonnablement les objectifs de Lenger Seafood ou de renoncer à ce PPP s’il ne peut pas être appliqué à un autre projet de pêche plus durable. En ce qui concerne les praires, une récolte manuelle et l’aquaculture avaient été proposées.

Dans la suite logique de son action, Mer bleue tient à partager avec les ONG nationales et internationales, la presse , les pêcheurs ainsi que les autorités mauritaniennes et hollandaises ce que lui inspirent les informations, ci-dessus, relatives à l’abandon du projet de pêche à la drague des praires.

1. En ce qui concerne l’abandon du projet, Mer bleue :

- se réjouit de cette décision quelles qu’en soient les raisons, réelles ou destinées simplement à une quelconque consommation.

- remercie et félicite les ONG internationales et nationales qui se sont mobilisées en Mauritanie et en Hollande pour sensibiliser les acteurs et particulièrement les autorités mauritaniennes

- remercie les autorités mauritaniennes, notamment le Premier ministre actuel et les ministres en charge des Pêches et de l’Environnement depuis la première transition jusqu’à ce jour, pour avoir toujours accepté de les recevoir avec leurs partenaires Greenpeace Hollande et la Coalition Mauritanienne PCQVP ainsi que pour l’écoute attentive de leur plaidoyer.

- remercie également les autorités mauritaniennes de ne pas avoir accordé précipitamment une autorisation de pêche à la Société Lenger Seafood (ex Holland Shellfish, ex Heiploeg Shellfish).

- déplore la discourtoisie dont a fait montre le ministère hollandais chargé des Pêches en réservant la primeur de l’information relative à l’arrêt du projet à ses partenaires hollandais, ignorant à ce stade ses partenaires gouvernementaux mauritaniens.

2. En ce qui concerne les raisons invoquées, Mer bleue :

- note la divergence et le manque de pertinence dans les raisons invoquées par les deux partenaires hollandais (gouvernement et Lenger Seafood) malgré la poursuite des mêmes objectifs : est-ce que l’Union Européenne pouvait agréer l’importation d’un produit dont l’autorisation d’exploitation n’est pas obtenue ou est-ce que la crise économique est si grave que les Espagnols ne pourront plus manger des coquillages ? Est-ce qu’il y a un signe quelconque, plus que dans d’autres pays, d’instabilité en Mauritanie ? Ou alors, est ce plutôt parce que la société civile mauritanienne et hollandaise à fait barrage contre l’introduction ce type de pêche dans un écosystème sensible situé dans la zone de pêche dévolue à nos pêcheurs artisanaux ?

- reconnaît au ministère hollandais en charge des Pêches le droit d’invoquer toutes les raisons imaginables pour arrêter ce projet destructeur mais pas celui de traiter la Mauritanie de pays instable.

3. En ce qui concerne le « transfert » au Ghana du PPP, Mer bleue :

- espère qu’il ne s’agit pas de transférer le même type de pêche au Ghana ;

- tout en étant d’accord avec les autorités du ministère hollandais chargé des Pêches sur la stabilité politique du Ghana, attire son attention sur les raisons de cette stabilité : un ancrage démocratique et l’existence d’une société civile active et écoutée.

- déplore enfin le caractère enfantin de la comparaison entre la Mauritanie et le Ghana comme une maman qui dit à son fils « tu n’es pas sage, c’est ton frère qui aura droit au bonbon »

- voudrait également rappeler au ministère hollandais chargé de la Pêche que la Mauritanie a retrouvé sa stabilité et a maintenant un gouvernement démocratiquement élu. La coopération bilatérale et multilatérale a repris son cours normal et la Banque mondiale a félicité le gouvernement pour ses réformes, la lutte contre la corruption et son adhésion à l’Initiative de Transparence pour l’Industrie Extractive.

- reconnaît l’apport considérable des Pays Bas à la protection de l’environnement à travers les financements apportés aux Etats et aux ONGs et les exhorte à continuer dans ce sens.

Enfin, par soucis de transparence, Mer bleue tient à faire savoir qu’elle n’a reçu aucun financement lié à son plaidoyer contre la pêche à la drague. Elle saisit cependant la présente occasion pour remercier Greenpeace qui a pris en charge la rémunération de son secrétaire exécutif, non salarié, pour le temps passé à s’occuper de la rédaction de certains documents, de la logistique liée à ses missions d’investigation en mer et des contacts et procédures administratives.

Nouakchott, le 13 mai 2010

* Yarba Fall Ould Ahmed Ghaly est le secrétaire exécutif de Mer bleue

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