France : Cinquantenaire d’un crime d’Etat

Depuis 50 ans la France couvre un crime d’Etat. Il a eu le 17 octobre 1961, quand la police parisienne s'attaque à des manifestants algériens et fait plus de 200 morts. Certains tués par balles, d'autres noyés dans la Seine. Du général De Gaulle à Sarkozy, ce massacre a été couvert comme une décision politique délibérée. Car jamais elle n’a été désapprouvée. Pour Emmanuel Terray, «il est temps que prenne fin ce silence complice».

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Nous allons commémorer le cinquantième anniversaire d’un crime d’Etat : le massacre du 17 octobre 1961. Les plus âgés d’entre nous se rappellent les faits : le 5 octobre, Maurice Papon, Préfet de police, décrète un couvre feu visant tous les « Français musulmans » de la région parisienne. Pour protester contre cette mesure raciste, la Fédération de France du FLN organise le 17 octobre une manifestation pacifique à laquelle participe des dizaines de milliers d’Algériens, dont beaucoup viennent avec leur famille. Cette manifestation est l’objet d’une répression sauvage : des centaines de manifestants abattus par arme à feu, battus à mort ou noyés dans la Seine ; des milliers d’autres seront blessés et laissés sans soins ; les autorités annonceront au total onze mille arrestations.

Qu’il s’agisse d’un crime d’Etat, personne ne peut plus en douter. Le Préfet de police Papon a organisé le massacre de concert avec le ministre de l’Intérieur de l’époque, Roger Frey, et leur action n’a jamais été désapprouvée ni par le Premier ministre Michel Debré ni par le président de la République, le Général de Gaulle. Il ne s’agit donc pas d’une bavure ou d’un dérapage mais d’une décision politique délibérée et assumée par les plus hauts sommets de l’Etat.

Depuis 50 ans, non seulement ce crime d’Etat est resté impuni, mais il n’a même pas été reconnu par les pouvoirs publics qui se sont longuement efforcés de le dissimuler. Jugé pour ses activités sous l’Occupation, Maurice Papon n’a jamais eu à rendre compte de la partie « algérienne » de sa carrière criminelle, à Constantine et à Paris.

Il est temps que prenne fin ce silence complice. En 1996, Jacques Chirac s’est honoré en reconnaissant la part prise par l’Etat français à la déportation des Juifs durant l’occupation et chacun sait que cette reconnaissance n’a nullement porté atteinte à la réputation de notre pays, bien au contraire. Il en est de même pour le 17 octobre : la France se grandirait en reconnaissant sa responsabilité dans ce crime colonial et elle manifesterait ainsi sa volonté de rompre à jamais avec un passé dont les traces subsistent aujourd’hui encore dans les esprits et dans les pratiques.

* Emmanuel Terray (né en 1935) est un anthropologue français, ncien directeur du Centre d'études africaines (EHESS-CNRS)

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