Printemps des femmes ?
Pour les femmes de ces pays, il n’y a pas eu d’avant et d’après Printemps arabe. Les pouvoirs ont changé ici ou là, le système demeure. L’espérance portée par le vent des révoltes qui a traversé le monde arabe il y a un an n’a pas été à la hauteur de la mobilisation des femmes pour ces luttes
A quelques mois de la célébration du cinquantième anniversaire de l’indépendance nationale, quels acquis, quelles avancées pour les femmes ? L’état des lieux n’est guère reluisant, que ce soit au niveau familial, social, économique, institutionnel ou législatif. Dans beaucoup de domaines, la régression est manifeste, pour ne citer que l’accès à l’emploi et la précarisation des conditions de travail. Face à la mobilisation des femmes et à leurs revendications pour l’égalité des droits, contre les violences sociales et conjugales, pour des lois civiles en lieu et place d’un code de la famille inique, les gouvernants restent obstinément sourds.
C’est plus qu’une évidence que dans le combat pour l’émancipation des peuples du joug colonial et de régimes dictatoriaux, les femmes ont pris et prennent toute leur place. Elles sont particulièrement concernées par les injustices, les inégalités et les humiliations exercées par ces régimes. Ces luttes recouvrent une dimension universelle. Algériennes, Palestiniennes, Sahraouies, Tunisiennes, Egyptiennes et tant d’autres ont fait la preuve de leur engagement pour la promotion de sociétés démocratiques. L’espérance née de ce qui a été qualifié de Printemps arabe sera-t-il le printemps des femmes ? Rien n’est moins sûr.
Les sociétés arabes sont clivées par la dichotomie entre conservatisme au nom des valeurs arabo-musulmanes et valeurs de progrès social, de modernité et d’égalité des droits, impliquant la séparation entre la religion et l’exercice du pouvoir politique. Et l’exemple tunisien est en ce sens emblématique dans la mesure où l’émancipation des femmes, portée par un demi-siècle de droits, d’acquis et de pratiques modernistes, risque d’être remise en cause par le parti islamo-conservateur Ennahda qui conditionne les droits et libertés à leur compatibilité au référent religieux. Les Tunisiennes n’ont-elles pas eu raison, à juste titre, de se montrer vigilantes au lendemain de la victoire électorale d’Ennahda du 23 octobre 2011 en réclamant des garanties constitutionnelles quant à leurs droits et acquis ?
Sadok Chourou, considéré comme l’un des plus fondamentalistes du parti Ennahda, a récemment déclaré que «le Préambule [de la Constitution qui doit être préparée par l’Assemblée constituante élue le 23 octobre et dans laquelle Ennahda occupe ses 90 sièges sur 217, ndlr] doit mentionner la charia comme la principale source du droit». Auquel cas cela impliquerait une modification historique de la Constitution tunisienne. Les aspirations des femmes étant universelles, leur lutte et leur mobilisation pour une citoyenneté affirmée par la loi et pour l’égalité des droits appellent à une convergence et à des solidarités régionales et internationales qui restent à construire.
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* Nadjia Bouzeghrane – Cet éditorial a été publié dans El Watan du 8 mars.
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