Biko : Une lumière éclatante qui guide dans les temps de ténèbres.
Homélie de l’évêque anglican de Natal en l’église anglicane de St Philip, dans le village de Fingo à Grahamstown, le 19 septembre 2012, pour la célébration de l’anniversaire des 40 ans de la mort de Steve Biko.
Il a été prêt à payer le prix inéluctable du courage de celui qui confronte l’oppression. C’est là la signification de la détermination à se rallier aux pauvres.
Comme l’a noté le Unemployed People’s Movement, nous sommes ici rassemblés à Grahamstown afin d’honorer la mémoire de Steve Biko, un homme qui a véritablement été une éclatante lumière qui nous guidait quand une nuit noire a englouti notre pays. Alors que le lumière de notre aube démocratique s’évanouit, nous devons tous regarder à l’intérieur de nous-même pour trouver le courage, individuellement et collectivement, pour les luttes à venir. Ne vous trompez pas. Le massacre de Marikana est un tournant et le chemin devant nous sera difficile et demandera du vrai courage.
Biko, qui était un ami proche et un collègue de travail, était un homme courageux. Il était un homme qui savait que Dieu aimait son peuple également et était prêt à agir en conséquence. Biko était prêt à penser par lui-même et à cheminer selon ses convictions. Il était prêt à payer le prix qu’il y a toujours à payer lorsqu’on a le courage de confronter l’oppression.
L’insistance absolue de Biko pour une reconnaissance immédiate de l’égalité des populations noires a été un tremblement de terre intellectuel et politique pour la génération de la fin des années ‘60’ et des années ‘70’ Nous sentons toujours les vibrations de ce tremblement de terre aujourd’hui.
Alors que nous sommes en quête de force pour nous mettre en route vers la justice, un chemin qui mène toujours à des conflits avec les autorités temporelles, un chemin qui prélève son tribut, nous faisons bien de chercher le courage et l’inspiration auprès des grandes figures du passé. Ici à Grahamstown, la connexion historique, avec un moment décisif dans la vie politique de Biko, nous apporte un sentiment tangible de communion avec son esprit. Il y a eu d’autres grandes figures qui sont passées par cette ville. Nous pensons bien sûr à des personnes comme Makhanda Nxele et Neil Aggett.
Mais nous ne faisons pas honneur à ces héros du passé en les utilisant abusivement afin de masquer les injustices du présent. Nous n’honorons pas ces héros du passé en les laissant devenir la propriété privée d’individus ou d’organisations particulières. Nous honorons ces héros du passé en reprenant leur courage et leur sagesse pour les introduire dans la lutte du présent.
Ici à Grahamstown, le chômage a atteint un degré scandaleux. La population vit sans la dignité de quelque chose d’aussi élémentaire que des toilettes cependant que des millions de rands disparaissent des coffres municipaux. Nous avons été encouragé par la nouvelle que les chômeurs se sont organisés et sont soutenus par les étudiants, les universitaires et le clergé. Nous n’avons pas été surpris d’apprendre que Ayanda Kota du Unemployed People’s Movement a été arrêté sur des accusations fallacieuses au début de cette année et assailli au poste de police devant son jeune fils. Nous n’étions pas surpris, mais furieux, absolument furieux. Le temps où la police se comportait de la sorte était supposé appartenir au passé. Nous ne ferons pas de compromis face au retour de la répression. Nous ne ferons aucun compromis avec ceux qui soutiennent la répression, qu’ils appartiennent à la police, aux syndicats, au parlement ou aux universités. Nous rejetons la répression du temple de notre démocratie.
Le massacre de Marikana n’a pas surgi de nulle part. En 2007, nous, avec un grand nombre de dirigeants des Eglises, nous sommes clairement exprimés lorsqu’une manifestation pacifique de l’AbahlalibasemMjondolo a été sauvagement attaquée par la police à Durban. En 2009 nous avons protesté, encore de concert avec d’autres dirigeants ecclésiastiques, lorsque AbahlalibasemMjondolo a été attaqué sur Kennedy Road à Durban. Des militants ont ouvertement été menacés de mort, leurs maisons détruites et certains ont dû se réfugier dans la clandestinité pendant des mois. C’est le moment qui marque le début d’une descente abrupte dans l’autoritarisme affiché et la répression
En général, la répression et les luttes des pauvres n’ont rencontré que le silence et l’indifférence. Rares sont les étudiants, les universitaires, les avocats et les journalistes qui se sont levés pour dire la vérité. La plupart des ONG sont restés silencieuses. Même les syndicats sont restés silencieux De nombreuses Eglises sont aussi restées silencieuses. Notre silence collectif face à une répression croissante signifie que nous portons une responsabilité collective dans ce cheminement qui nous a conduit jusqu’au massacre de Marikana. Nous devons nous repentir. Nous devons nous engager à prendre position pour les pauvres. Nous devons nous engager à insister pour que la démocratie soit pour tous. Les campagnes de défense de la démocratie, qui ne prennent pas sérieusement en compte la répression actuelle des militants de la base, sont profondément biaisées.
Je veux être clair. Prendre position pour les pauvres n’est pas une question d’utilisation facile de slogan ou de rhétorique creuse. Il n’est pas question de démagogues qui exploitent la souffrance pour asseoir leur pouvoir. Il n’est pas question de transporter les pauvres pour une quelconque réunions d’ONG où ils sont exhibés plutôt que d’être des participants égaux et à part entière. Il n’est pas question d’experts qui parlent pour les pauvres. Prendre position pour les pauvres signifie cheminer sur le chemin de la souffrance et de la lutte avec les pauvres. Ceci nécessite une présence à l’intérieur de la lutte des pauvres.
La douleur du massacre de Marikana a été ressentie le plus douloureusement ici à Eastern Cape. C’est dans les villages de l’Eastern Cape que la majorité des hommes assassinés à Marikana ont été ensevelis. Des générations d’hommes de ces villages ont pris le chemin des mines et ont travaillé profondément dans la chaleur des boyaux de la terre, afin d’en enrichir d’autres. Ils ont pris leur retraite en hommes pauvres, souvent mourant de silicose. Ce sont les femmes de ces villages, pauvres comme elles sont, qui ont pris soin des enfants, des malades et des vieillards. Ceci est et reste un système économique diabolique. Les anciens Bantoustans n’ont pas été démocratisés ou développés après l’Apartheid. La lutte des mineurs pour un juste salaire est juste. La lutte pour une économie démocratique qui satisfasse aux besoins de tous est juste. La lutte pour la réparation pour les villages de Eastern Cape est juste. Toutefois, le respect pour la dignité humaine doit être le moyen et la fin de ces luttes.
Aujourd’hui, nous honorons Steve Biko. Nous honorons aussi les militants courageux, des personnes comme S’buZikode et Shamitha Naidoo à Durban, des personnes comme nombre d’entre vous ici aujourd’hui à Grahamstown, qui refusent d’accepter l’injustice.
Je vous salue pour votre prise de position et j’applaudis votre courage. Je salue votre engagement. Le chemin devant nous ne sera pas facile mais nous le parcourrons. Nous cheminerons ensemble et avec la lumière et la puissance de Dieu. Et ne vous trompez pas ! Dieu est du côté des opprimés et Il est du côté de ceux qui soutiennent les opprimés.
Bénis soient ceux qui sont dans le deuil parce qu’ils seront consolés
Bénis sont ceux qui ont faim et soif de justice, parce qu’ils seront récompensés
Bénis sont ceux persécutés pour leur droiture parce que le Royaume des Cieux est à eux
Bénis sont ceux persécutés pour leur droiture parce que le Royaume des Cieux est à eux
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** Rubin Phillip est prêtre du Diocèse anglican du Natal, en Afrique du sud. Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
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