Jeunes Africains vivant à l’étranger et leur engagement dans la politique africaine
L’Afrique progresse et avec elle des jeunes gens brillants et innovants qui se mettent en position de prendre un rôle créatif, critique et concret dans son développement. Les jeunes Africains du continent et de la diaspora peuvent jouer un rôle crucial dans la formation du futur.
Ce texte a été présenté en 2013 au Mandela Institute for Development Studies (Mind) Youth Dialogue à Accra au Ghana Il fournit une analyse exprimée par les jeunes Africains à l’étranger et leur rôle dans la "Nouvelle Afrique", ainsi que la perception de leur impact sur les élections et la gouvernance. Ce texte se concentre sur les vues de la première et deuxième génération de jeunes Africains de l`ère post-Obama et cherche des réponses aux questions du rôle que ces jeunes Africains jouent ou peuvent jouer pour amorcer le changement en Afrique. Les deux points principaux sont :
- Les leçons que les jeunes africains vivant à l’étranger (Jave) ont apprises de leurs implications dans le processus politique de pays comme les Etats-Unis
- Des approches innovatrices pour créer des synergies entre les Jave et les jeunes africains qui résident sur le continent
INTRODUCTION
L’Afrique progresse et avec elle de brillants et jeunes gens innovants qui se mettent en position de prendre un rôle créatif, critique et concret dans son développement. Ils sont rejoints par de jeunes dirigeants émergeants qui, ayant grandi et ayant été instruits à l’étranger, cherchent à approfondir leurs relations avec l’Afrique et à faire une contribution significative et durable à la croissance de l’Afrique.
Ces Jave s’éloignent doucement de la vision romantique et idéalisée qui consiste "à arranger l’Afrique" après des années de discours sur "la seule histoire africaine", celle des famines, des guerres, de la mauvaise gestion et des leaderships défaillants qui ont dominé les récits sur l’Afrique.
Les Jave comblent lentement le fossé entre la vieille histoire de "la pauvre Afrique" et font face aux réalités liées à leur propre rôle dans la construction d’une Afrique plus forte et plus riche.
Avec plus de 60% de la population africaine qui a moins de 35 ans (selon la Youth and African Commission), les jeunes de ce continent peuvent jouer un rôle crucial dans la formation du futur de l’Afrique et transformer le regard du monde sur l’Afrique. En bref, les jeunes Africains ne peuvent se permettre d’être des spectateurs ni devenir des marionnettes politiques parce que, au final, c’est leur futur qui est en cause et il leur appartient d’écrire le script.
Du point de vue historique, l’engagement des Africains vivant à l’étranger a eu un impact crucial à travers les envois d’argent et le tourisme (African Diaspora Policy Center, 2009). Plus récemment, un engagement limité dans la défense et le développement économique a été associé à cela. Toutefois, malgré l’intérêt croissant et l’engagement de ceux vivant à l’étranger, il semble y avoir une déconnexion dans le rôle des Jave par rapport aux élections ou à la gouvernance du continent.
Les jeunes Africains vivant à l’étranger et ceux du continent ont besoin les uns des autres. Les premiers peuvent donner des moyens aux seconds. De même, ces derniers peuvent informer et agir au jour le jour afin "qu’un environnement stable, la paix et la démocratie et un système de valeurs positives" puisse émerger. (African Decade Plan, 2011) Pour que cela puisse se produire, un dialogue différent doit être instauré. Un système dans lequel chacun identifie les racines des problèmes dans le cadre des systèmes politiques actuels, tout en entreprenant des actions judicieuses, au lieu de se lancer dans des solutions en patchwork face aux problèmes de gouvernance. Ceci signifierait que les Africains vivant à l’étranger et ceux vivant sur le continent seraient responsables du devenir du continent.
LES LEÇONS D’OBAMA ET DES ELECTIONS AMERICAINES
En 2008, lorsque Barack Obama était candidat à la présidence des Etats-Unis, la communauté africaine aux Etats Unis, en particulier les jeunes, ont participé massivement au processus politique. Même ceux qui ne pouvaient voter ont mené campagne. Pour les jeunes, ce fut une expérience mémorable, parce que nombreux furent ceux qui virent leur voix et leur vote comptés. Il n’y aurait pu y avoir de symbole plus puissant pour des jeunes Africains que de voir un homme d’ascendance africaine élu au poste le plus décisif au monde. Il n’est pas surprenant que ces jeunes aient mis tout leur espoir en Obama. Ils ont commencé à croire que le changement était possible, que les élections étaient importantes, que leurs voix avaient de l’importance et que la conquête de la démocratie était une cause valable et juste. Les trois principaux enseignements tirés de cette expérience se déclinent en trois points :
- Le futur appartient aux jeunes : En 2008, Obama a ciblé les jeunes électeurs en leur adressant le message selon lequel la passivité politique ne les servait pas. Il leur a donné les moyens, leur montrant qu’ils avaient des outils, c'est-à-dire les média/Internet pour produire le changement. Les jeunes Africains ont bien appris ces leçons. Nous l’avons vu indirectement avec l’espoir renouvelé dans les insurrections en Tunisie et en Egypte
- Les jeunes Africains n’ont plus à devenir des mulets politiques : On pourrait appeler cela la révolution pacifique. Obama a remis en mémoire aux jeunes Africains la signification "de lutte non violente". La politique africaine, dans son évolution, est parsemée de violences où les jeunes servent de pions ou d’exécuteurs des basses œuvres. (Chuck, 2012) Quand le Kenya se remettait du conflit post-électoral, Obama a été un rayon d’espoir en montrant aux jeunes qu’il y avait d’autres façons d’élire un président : par la démocratie cohésive plutôt que par les perturbations sociales violentes
- C’est à moi d’amener le changement : Les jeunes Africains peuvent toujours forger le futur de l’Afrique. Plutôt que de reposer sur son passé, Obama s’est concentré sur le futur dans lequel chacun est responsable de l’amélioration de son pays. Obama s’est concentré sur les possibilités d’un avenir commun. Ainsi les jeunes Africains apprendront que si de laides réalités existent toujours sur le continent, il y a un avenir meilleur à conquérir. Si les Africains en Afrique et les Africains de la diaspora veulent le changement, il leur appartient de prendre les mesures pour qu’il ait lieu. Dans son message "Yes we can" les jeunes Africains apprendront qu’ils sont la majorité et qu’ils peuvent introduire le changement depuis la base en devenant des citoyens informés.
Avec ces leçons en, les Jave ont développé une perspective unique sur l’Afrique. Particulièrement pour ceux de première génération qui ont fait l’expérience de la politique dans leur pays d’origine et dans le pays hôte. Ils peuvent apporter un nouveau regard et une analyse qui peuvent amener le progrès et l’implication active dans la sphère politique des jeunes Africains. Ils font cela en proposant différents modèles de participation civique comme le volontariat, la participation électorale responsable et l’implication dans des organisations.
LE ROLE DES JEUNES AFRICAINS VIVANT A L’ETRANGER
La participation des jeunes Africains vivant à l’étranger dans les processus politiques, économique et social est basée sur le savoir. Leur instruction dans des institutions extérieures à l’Afrique leur permet de porter un autre regard sur les problèmes politique et à entrevoir des solutions possibles. Comme observateurs, les Jave ont profité des différents systèmes politiques en vigueur dans leurs pays hôtes. Bien que ces systèmes ne sont peut-être pas les meilleurs, ils ont leur ont fourni un autre point de vue sur les questions de gouvernance et d’élection. En encourageant l’augmentation du capital intellectuel acquis en dehors de l’Afrique, le rôle des Jave serait de soutenir d’autres jeunes Africains sur le terrain en les connectant à des ressources, en renforçant leur travail et en leur servant de mentor.
- La connexion prendrait la forme d’un partenariat avec ceux sur le terrain, avec le développement de relations et le partage des ressources. En plus, il pourrait y avoir un développement de partenariat entre les organisations en Afrique et à l’étranger. Ou encore la mise en place de liens entre des organisations tenues par des mains africaines et des organisations africaines avec des intérêts ou des missions similaires. Ceci permettrait à ces organisations en position d’accéder à un financement, à l’expertise, aux pratiques innovantes et à un réseau de valeur à l’étranger (Diaspora perspectives on the joint Africa-EU strategic Partnership, 2009)
- Le renforcement du travail des jeunes Africains sur le terrain se concentrerait sur la collaboration avec les Jave sur des initiatives et des outils qui instilleraient un sens de l’appropriation et du pouvoir dans le processus politique. Ces outils auraient des formes de séminaires sur le leadership politique, l’engagement civique, les compétences vitales et la gestion stratégique. Ils fourniraient une tribune où le dialogue peut avoir lieu et permettraient un environnement où ces jeunes pourraient définir le futur de l’Afrique selon leurs propres termes. De plus, comme collaborateurs, les Jave pourraient utiliser leurs réseaux afin de promouvoir le travail des jeunes Africains sur le terrain tout en faisant la promotion des jeunes comme participants légitime à la gouvernance. Ceci nécessite que les jeunes qui vivent à l’étranger prennent le temps de comprendre ce que font les jeunes en Afrique., leur vision et la meilleure façon d’en faire le récit.
Comme mentor, les Jave doivent pouvoir impliquer les jeunes dans des questions d’importance, tout en les guidant dans une analyse critique du paysage politique de leur pays. Par exemple, ils pourraient aider les jeunes sur le terrain à organiser des débats politiques en faisant usage des médias sociaux et à utiliser la technologie pour se connecter à des audiences plus importantes. De plus les postulants à des carrières politiques pourraient bénéficier de mentors et de la guidance de ceux qui ont participé à des élections à l’étranger. Ceci pourrait se faire sous différentes formes : élaborer des messages politiques effectifs et des stratégies pour de bonnes campagnes électorales, mais aussi apporter différentes ressources comme de l’argent ou aider à l’élaboration du site web.
CONCLUSION
Nous sommes à une époque où les jeunes Africains ont démontré qu’ils peuvent introduire le changement selon leurs propres termes. Il ne faut pas croire qu’il n’y a pas de tensions entre ceux qui sont restés sur le continent et ceux qui ont partis et qui semblent éloignés de ses problèmes. Toutefois le pont entre ces deux groupes se construit à partir des deux côtés
Les jeunes Africains vivant à l’étranger peuvent et sont devenus un atout pour leurs homologues au cours de ces dernières années. Il y a toutefois de nombreux défis sur le chemin. Une des plus grandes difficultés est que les expatriés sont bien loin des réalités quotidiennes du terrain. Or il est difficile pour tout un chacun d’être impliqué dans un environnement politique en perpétuel changement. Fort heureusement, ceci fournit une occasion pour chacun des groupes de rechercher l’autre et d’apprendre l’un de l’autre. Il n’a pas échappé aux jeunes en Afrique qu’ils sont majoritaires et si la force est dans le nombre, alors ils sont le moteur qui fera progresser l’Afrique
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** Divine Muragijimana, MA, est Burundaise, fondatrice et présidente du Council of Young African Leaders, basé à New York. Elle est stratège du Marketing et consultante d’ Events Development. Elle travaille avec un réseau africain extensif d’organisations africaines dans la diaspora et sur le continent africain – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
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