Esclavage : La demande de réparation dans les Caraïbes est-elle sérieuse ?
Quatorze pays des Caraïbes ont intenté un procès à la France, à la Grande Bretagne et aux Pays-Bas pour les contraindre à payer des réparations pour des siècles d’esclavage. Sauf que les plaignants ont peut-être des objectifs plus modestes à l’esprit.
Douze pays anglophones des Caraïbes ainsi que Haïti et l’Etat sud américain du Surinam, ont traduit en justice leurs anciens maîtres coloniaux afin de demander réparation pour le crime de l’esclavage. La Grande Bretagne, la France et les Pays-Bas se sont tous enrichis au dépend de générations de travailleurs africains capturés et sont accusés dans un procès devant la Cour Internationale de Justice, l’organe mondial qui arbitre les disputes entre les nations.
Ces pays se sont acquis les services de l’étude Leigh Day qui a déjà gagné le procès pour les victimes de la torture perpétrée par les Anglais au Kenya. A en juger par les propos des avocats, ceci sera une affaire à l’amiable dans laquelle les pays des Caraïbes vont s’efforcer d’obtenir une compensation financière relativement modeste.
Par "relativement modeste" je veux dire des réparations qui seraient suffisantes pour rompre à tout jamais les relations de soumissions des anciennes colonies d’esclaves au système global de suprématie blanche et du règne européen. De véritables réparations signifient rien moins qu’une révolution du pouvoir global. Parce que sans une telle révolution, ces pays qui se sont enrichis grâce à l’esclavage maintiendront leur position de maître et seigneur jusque dans un futur lointain. Dix ou même 50 milliards de dollars de compensation, divisés entre les plaignants, obtenus suite à un procès, ne changera pas la relation de maître à esclave que l’Europe maintient depuis qu’elle a conquis le monde il y a cinq cents ans.
A moins d’un changement politique fondamental à l’intérieur de ces pays des Caraïbes, comme ceux survenus à Cuba, n’importe quel échange d’argent ne fera que reproduire la relation néocoloniale existante. Si le leadership des gouvernements des Caraïbes s’avère incapable ou ne veut pas construire de nouvelles relations sociales au sein de leurs pays respectifs, ils ne doivent pas s’attendre à faire usage de l’argent de la réparation pour construire une véritable indépendance au plan international. Je soupçonne fortement que ce qui se joue véritablement est un paquet "d’aide" emballé comme "réparations", ce qui serait insulter les ancêtres et tromper les vivants.
Permettez-moi de dire la chose clairement : les Européens, des deux côtés de l’Atlantique, doivent leur relative prospérité aux millions d’Africains réduits à l’esclavage et à d’autres peuples dont ils ont volé la vie, la terre et la culture afin de construire l’empire global blanc. Il ne peut être question de rembourser la dette s’il y a même pas un semblant de justice dans ce monde. Mais aucune Cour de justice à La Haye, ou n’importe où ailleurs, ne va dispenser une justice à l’échelle globale et historique. Justice signifie destituer de leur trône les Etats-Unis et l’Europe, trônes construits sur les ossements des esclaves. Un accord juste concernant le crime monstrueux de l’esclavage mettrait un terme à l’ordre mondial actuel.
N’importe quoi d’autre ne serait rien de plus qu’un cadeau aux politiciens pour éloigner la coupe de la responsabilité historique.
Par conséquent je suis en faveur de réparations internationales ici aux Etats-Unis. Mais il se trouve que la plupart des dirigeants des Caraïbes permettent déjà à leurs avocats britanniques de télégraphier que tout ce qu’ils veulent c’est un paquet d’aide avec un joli ruban marqué "réparations" tout autour. Ils donnent des signes de vouloir promptement trouver un accord avant même que le procès n’aie commencé.
Toutefois quelque chose d’utile peut résulter de cette affaire. Les nations des Caraïbes disent qu’elles veulent mener une recherche intense sur les nombreuses façons dont l’esclavage a empêché leur développement national. Ceci pourrait s’avérer un exercice très éducatif pour les populations de ces pays. Ils pourraient apprendre quelque chose du véritable fonctionnement du pouvoir et en faire usage pour destituer leurs dirigeants incapables et commencer une révolution mondiale qui apporteraient de véritables réparations
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** Glen Ford est le rédacteur exécutif de Black Agenda Report – Texte traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger
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