Les leurres des OMD dix ans après et pour cinq ans encore
La Déclaration du millénaire des Nations Unies a été adoptée par la résolution 55/2 de l’Assemblée Générale de septembre 2000. Sur la base de cette Déclaration et prenant comme référence les objectifs et indicateurs de développement fixés à travers une série de conférences organisées par les Nations Unies, au cours de la décennie 1990, huit objectifs majeurs ont été retenus par le Système des Nations Unies, la Banque Mondiale, le Fond monétaire international, ainsi que le Comité d’aide au développement de l’Organisation de Coopération et de Développement économique (OCDE). Ces objectifs sont connus comme les Objectifs de développement du millénium (ODM). Il doivent être atteints en 2015. Mais le sommet-blian des dix premières années, tenu à New York du 20 au 22 septembre 2010, laisse encore un énorme chantier.
Chacun des OMD fixés il y a dix ans est accompagné d’un ou de plusieurs sous-objectifs spécifiques, ainsi que d’indicateurs économiques, sociaux et environnementaux précis qui en facilitent le suivi et le contrôle. Pour assurer une bonne performance, certains de ces outils peuvent être adaptés aux contextes des pays en développement. Des rapports de suivi de ces objectifs devaient être opérationnels dans ces différents pays. Mais après l’«euphorie» des cinq premières années et les engagements qui avaient des allures de défis, la mobilisation s’est relâchée. L’évocation des OMD est devenue très vite évasive et accidentelle, engloutis dans les échecs récurrents en matière de politique de développement de manière générale, de développement humain tout court. L’Indice de Développement humain établi par le PNUD arrive chaque année comme un constat de carence ahurissant.
Ces dernières années, et sans doute face à l’échéance du sommet de 2010, des Etats ont pris des mesures hardies. Mais il s’agit plus de réformes au niveau des textes (loi sur la parité élective homme-femme au Sénégal, par exemple) ou de mesures volontaristes (généralisation de l’accès aux ARV) dont la matérialisation se heurte à des contextes sociopolitiques qui n’ont guère évolué. La mauvaise gouvernance, la corruption, les reculs démocratiques, etc., sont autant de facteurs lourds qui font que les OMD ne peuvent encore être que des leurres.
Certains «résultats positifs» affichés ici ou là ne sont que des chiffres désincarnées. Ils ne reflètent guère les malheurs du quotidien que vivent encore les populations africaines dans leur grande majorité. Or la vie humaine n’est pas une statistique. Le bonheur, le bien-être social, la justice sociale ne tiennent pas à des courbes ascendantes ou descendantes.
La gestion des affaires publiques, pour les gouvernements africains ayant adopté la Déclaration du millénaire, n’a pas réellement changé depuis 2000. Les mêmes méthodes prévaricatrices qui entretiennent le népotisme, la gabegie, la corruption et les pouvoirs ubuesques demeurent, qui font que dans des sociétés ultra-libéralisés, la pauvreté reste un gouffre profond.
Les OMD n’ont pas suffi à focaliser de manière permanente le débat national autour du développement sur des priorités spécifiques, avec des solutions endogènes et pérennes. Or, le développement ne peut être financé, entretenu et consolidé par les bailleurs de fonds. Et pourtant, à quoi assiste-t-on aujourd’hui ? Au retour en force du FMI et de la Banque Mondiale. Comme si, il y dix ans, ce n’est pas sur le constat de leurs échecs patents que les OMD ont été définis comme des orientations pour plus de dimension sociale au développement.
Le contexte international n’est guère favorable à la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement. A mi-parcours de ce processus dont les résultats enregistrés restent faibles, les difficultés qui se dressent demeurent inhérentes aux situations nationales, mais aussi à l'environnement international, en particulier en matière commerciale, réduisent la portée des efforts consentis.
L'analyse de la situation actuelle et la définition des voies et moyens à mettre en œuvre pour atteindre ces Odm, laisse un tableau mitigé (voir article de Charles Abugre). Les avancées enregistrées en matière d’éducation et d’alphabétisation cachent encore mal les inégalités et les discriminations qui persistent dans l’accès aux opportunités économiques, à l’emploi, à la gestion des affaires publiques, etc. Les constats faits de manière globale ne se lisent pas au même niveau pour chaque pays. De fortes disparités existent et la ligne de démarcation place beaucoup de pays dans des situations de retard. Le tableau est par exemple toujours mitigé quand on se penche sur la promotion des femmes (voir article de Steve Sharra).
Les disparités ne se lisent pas seulement entre les pays ; elle s’observent aussi au niveau locales. Les inégalités entre groupes sociaux, les inégalités liées au genre et selon les milieux géographiques trahissent les échecs des politiques économiques de lutte contre la pauvreté, avec une distribution des revenus qui reste fortement inégalitaire.
Il est malheureux que certains leurres continuent de tromper.
* Tidiane Kassé est le rédacteur en chef de l'édition française de Pambazuka News
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