Appel à un sursaut panafricain pour le Mali
Interpellés ici et maintenant par le naufrage du Mali, qui peut déstabiliser de manière durable l’Afrique de l’Ouest, la solidarité panafricaine paraît d’autant plus urgente face aux périls qui menacent la survie de nos sociétés, de nos Etats, dans un contexte mondial marqué par la rivalité des puissances extra-africaines dans la course à la prédation des richesses du continent.
Ainsi, le nord du Mali, pays voisin et frère du Burkina Faso, est passé sous le contrôle du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) et de Ansar Dine.
Ces combattants armés aspirent à la sécession ou à la transformation de la République laïque du Mali en Etat islamique.
Bien que, en raison du tracé arbitraire des frontières et de l’absence d’aménagement du territoire et de décentralisation, les protestations identitaires et sécessions soient fréquentes en Afrique, la crise du Mali est l’effet de l’intervention militaire de l’OTAN pour renverser le régime de Kadhafi, celui à l’ombre duquel l’arsenal militaire des rebelles s’est constitué. En effet, l’armement du MNLA proviendrait de l’armement mis à disposition par le défunt Guide Mouammar Kadhafi, pour qui nombre de Touaregs ont combattu contre le Conseil national de transition (CNT) et les forces de l'OTAN.
« Protection civile », « zone d’exclusion aérienne » : ces bons mots, qui évoquent la légitime responsabilité de protéger, ont en effet précédé les bombardements de l’OTAN, au mépris des propositions de médiation de l’Union africaine et de la souveraineté de la Lybie. Ils aboutissent aujourd’hui à l’éclatement du Mali, une situation que les pères fondateurs de l’Organisation de l’unité africaine voulaient éviter coûte que coûte lorsqu’ils adoptèrent le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation, au Sommet du Caire en 1964.
Par ailleurs, l’emprise des rebelles Touaregs sur le Nord du Mali a été également facilitée par le coup d’Etat perpétré contre le président Amadou Toumani Touré qui a considérablement désorganisé une armée malienne fragilisée du fait de la démission et de la corruption des autorités.
Nous, membres du Comité International Joseph Ki-Zerbo, puisant notre inspiration dans le Panafricanisme défendu par le professeur Joseph Ki-Zerbo, rendant hommage à l’immortel Kwamé Nkrumah décédé le 27 avril 1972 à Bucarest (Roumanie), tenons tout d’abord à exprimer notre solidarité avec le peuple malien meurtri, divisé par des forces qui n’ont rien à voir avec la civilisation cosmopolite de la Boucle du Niger.
« De toutes les régions de la Boucle du Niger arrivaient des nouvelles de plus en plus alarmantes» écrivait à Dakar et dès 1977, le regretté Kélétigui Mariko dans ses très instructifs « Souvenirs de la Boucle du Niger »…
Interpellés ici et maintenant par le naufrage du Mali, qui peut déstabiliser de manière durable l’Afrique de l’Ouest, la solidarité panafricaine nous paraît d’autant plus urgente face aux périls qui menacent la survie de nos sociétés, de nos Etats, dans un contexte mondial marqué par la rivalité des puissances extra-africaines dans la course à la prédation des richesses du continent.
Les pompiers de l’Occident s’apparentent hélas souvent à des pyromanes qui ne font qu’exacerber les replis identitaires et la fuite en avant des extrémistes, du fait des interventions intempestives, sans concertation suffisante avec les parties prenantes au niveau régional, et surtout parce qu’ils privilégient les logiques de guerre et ne soutiennent jamais l’instauration de véritables démocraties respectueuses de l’Etat de droit et de l’intégrité dans la gestion des affaires publiques.
Par exemple, au Soudan, la logique de l’Etat-nation a abouti à la sécession du Sud-Soudan, aux dépens d’une véritable démocratie valable pour l’ensemble du peuple soudanais.
Compte tenu du renforcement progressif des forces rétrogrades, à la faveur de la scabreuse doctrine de l’éradication du supposé « axe du mal », inventée durant l’ère de George Bush, des Etats comme le Nigeria, le Niger, la Mauritanie et bien entendu le Burkina Faso vont être confrontés à des tendances scissipares, et les classes dirigeantes prendront prétexte de ces situations pour se prosterner davantage devant les forces qui ne cherchent qu’à prendre pied sur le sol africain.
En conséquence, le Comité International Joseph Ki-Zerbo :
- Appelle les forces de progrès à un sursaut panafricain, à travers une actualisation de la ligne juste du président Kwamé Nkrumah : une armée continentale pour défendre les intérêts des peuples africains, un gouvernement unique pour et par le peuple d’Afrique ;
- Appelle au dialogue toutes les forces politiques du Mali, en vue d’une refondation démocratique faisant une large part à la lutte contre la corruption, à la décentralisation, à un aménagement équitable du territoire ;
- Invite toutes les forces rebelles à déposer les armes et à entamer une négociation pour le rétablissement de la paix et la revitalisation du pacte national malien, en fidélité à la tradition humaniste de diversité culturelle de la Boucle du Niger, et à la révolution démocratique du 26 mars 1991 ;
- Prend acte des efforts de médiation autorités burkinabé, au nom de la CEDEAO, tout en demeurant convaincu que l’intégration régionale africaine telle qu’elle est organisée actuellement représente un abandon collectif de souveraineté au bénéficie des puissances étrangères au Continent ;
- Prie tous ceux qui sont épris de paix et de justice à relayer son appel par tous les moyens de communication.
CE TEXTE VOUS A ETE PROPOSE PAR PAMBAZUKA NEWS
* Damase Zouré est secrétaire exécutif national du Comité International Joseph Ki-Zerbo
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