Aide publique : L’illusion d’un développement pour l’Afrique.
L’aide n’a pas du tout contribué à réduire la pauvreté et les inégalités sociales en Afrique. Après plus de trois décennies d’octroi de l’aide publique au développement (APD), la misère s’est accrue sur le continent. Par contre, on s’aperçoit que l’aide profite dans sa forme actuelle à quelques dirigeants africains qui s’enrichissent en la détournant dans les banques suisses et autres paradis fiscaux. L’aide profite surtout aux donateurs et à leurs diplomaties qui s’en servent pour imposer des politiques économiques inefficaces et inappropriées à l’Afrique. L’échec des politiques d’ajustements structurels axées sur la réduction des dépenses publiques et les privatisations imposées par les institutions de Breton Wood en est un exemple patent.
A vrai dire, l’attribution de l’aide est marquée par beaucoup d’injustice et d’incohérences. Normalement, elle doit surtout aller aux pays et zones qui en ont le plus besoin. Mais en dépit de ce principe, la France, par exemple, a pendant longtemps accordé plus d’aide à la Côte d’ivoire qu’au Niger, pays que le Pnud classe pourtant comme le plus pauvre d’Afrique francophone. C’est pour corriger ces insuffisances que pays bénéficiaires et donateurs de l’APD ont conclu, en mars 2005, la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, qui doit réformer les modalités d’acheminement et de gestion de l’aide afin d’augmenter son efficacité, notamment en matière de réduction de la pauvreté, des inégalités et de consolidation de la croissance.
Cependant, sur le terrain, on déplore plus que jamais l’irrespect des engagements. Très peu de pays riches ont pu honorer leur engagement à consacrer 0,7% de leur PNB à l’APD, conformément Consensus de Monterrey en 2002.
Bien que nous soyons foncièrement contre l’octroi de l’aide à ATTAC, nous estimons qu’il est important de revoir cette politique d’assistance pour donner à l’Afrique les vraies armes dont elle a besoin pour amorcer son développement. La première chose que nous demandons est l’annulation totale de la dette de l’Afrique. Car, tant qu’on nous accordera l’aide et qu’on continuera de payer le fardeau de la dette, aucun développement réel ne sera possible.
Il convient de souligner que les termes de l’aide doivent être renégociés de manière équitable et transparente pour que cette dernière ne serve pas uniquement les intérêts des puissances occidentales et leurs alliés africains, mais contribue au contraire à l’amélioration des conditions de vies de la majorité des populations africaines qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Jusqu’alors, la Déclaration de Paris donne plein pouvoir aux donateurs de se contrôler eux-mêmes alors qu’il n’en est pas le cas pour les bénéficiaires qui sont contrôlés par la Banque Mondiale.
Les donateurs doivent respecter leur engagement de consacrer 0,7% de leur PNB à l’APD. Et puis, il est temps qu’on instaure des structures indépendantes de contrôle de l’aide et que la répartition de celle-ci se fasse suivant un mécanisme qui garantisse réellement son accès à ceux qui en ont le plus besoin. .
Normalement, la société civile devrait bien jouer ce rôle, mais cette dernière est très fragile en Afrique et se contente bien souvent de travailler dans les lignes que lui fixent les bailleurs de fonds occidentaux. Ce manque d’indépendance, couplé à la recherche d’intérêts propres par certaines organisations de la société civile (OSC) qui se sont mêmes enrichies en détournant les fonds qui leur ont été alloués dans le cadre des programmes de l’aide, fait qu’actuellement très peu d’OSC sont en mesure de s’impliquer efficacement dans le contrôle de la gestion de l’aide. Des OSC sérieuses et efficaces sont indispensables pour demander des comptes aux gouvernements bénéficiaires et aux donateurs, en vue d’opérer un véritable changement sociopolitique et économique.
Cependant, pour avoir du poids dans le cadre du suivi et du contrôle de la gestion de l’aide au développement, il urge de renforcer les capacités de ces OSC et de leur donner plus de pouvoir. D’ores et déjà, elles doivent savoir que dans l’exercice de leur mission, les dirigeants africains et leurs appuis occidentaux qui profitent royalement de l’aide ne leur rendront pas la tâche facile et se préparer en conséquence. En analysant sérieusement tous les contours de l’aide au développement, on se rend compte qu’elle n’est qu’une parodie d’assistance dont l’Afrique pourrait bien se passer si elle s’organise efficacement.
Plusieurs pistes peuvent être envisagées. Pour pouvoir investir, il faut de l’épargne. Et jusque-là, l’épargne est difficile à trouver en Afrique malgré la richesse du sous-sol du continent. Le vrai problème, c’est que les ressources de l’Afrique ne sont pas vendues à leurs vraies valeurs mais à des prix sous-évalués fixés par des places boursières internationales. Dès que les ressources du continent seront commercialisées à leurs vrais prix, on pourra engranger des fonds pour financer le développement de nos pays. Cette perspective nécessite une réelle volonté de la part des hommes politiques africains, qui doivent apprendre à dire Non à tout ce qui ne va pas dans l’intérêt de leur pays.
D’un autre côté, comme les donateurs n’arrivent pas à honorer leur engagement de consacrer 0,7% de leur PNB à l’APD, nous proposons qu’on puisse prélever 0,25% sur les transactions financières dans le monde pour financer le développement. En outre, que l’argent détourné par les responsables africains et placé dans les banques suisses et autres paradis fiscaux constitue une source de financement du développement. Lorsque le président Mobutu mourait en 1997, on avait retrouvé sur son compte personnel en suisse 8 milliards de dollars ; ce qui correspondaient au montant de la dette extérieure de son pays à l’époque. A ce jour, cet argent dort toujours dans les comptes suisses. Le jour où les paradis fiscaux décideront de rétrocéder les fonds volés à l’Afrique, ils l’aideraient valablement à amorcer son développement.
* Samir Abi est secrétaire général de la section togolaise de l’Association pour la taxation des transactions financières et pour l’aide aux citoyens – Ce texte est tiré d’un entretien avec le journaliste togolais Etonam Akakpo-Ahiany
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