Magdi Ag Bohada, Touareg revolté

Membre du bureau politique de MNLA, Mouvement National de Libération de l’Awazad, Magdi Ag Bohada a combattu toute sa vie pour la reconnaissance et la prise en considération de son peuple. C’est chose faite pour lui aujourd’hui puisque le MNLA a proclamé l’indépendance de l ‘Azawad. Pour Magdi et son peuple la stabilité dans la région ne peut passer que par l’indépendance de l’Azawad. Ce qui à terme, permettra des rapports avec les pays voisins et donc la construction d’un Maghreb uni.
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H C

Touareg, pas Malien. Attention à bien faire la différence quand on lui parle. Magdi Ag Bohada, de passage à Tunis, explique mieux que personne la situation. L’indépendance proclamée il y a quelques semaines à peine, n’est pas un coup de folie. Jamais l’Azawad ne s’est senti appartenir au Mali. A la fin des années 50 les notables de l’Azawad proposent plusieurs solutions à De Gaulle : l’indépendance, le lien constant avec la France ou le rattachement à la Mauritanie. Aucune de ces solutions n’a été retenue. La révolte touareg prend naissance ici.

La région Azawad compte quatre ethnies majoritaires : les Touareg, les Sonhraïs, les Peuls et les Arabes. Rien à voir culturellement avec la population bambara du sud du pays. L’Azawad a des frontières avec le Mali, l’Algérie, le Niger, le Burkina Faso, la Mauritanie. Une position stratégique.

Pourtant éloigné de quelques centaines de kilomètres de la Libye l’Azawad a vu sa situation changée du fait de ses liens avec ce pays. C’est une fois les affrontements finis en Libye que la région Azawad s’est enflammée. Une situation qui oblige à appréhender le Maghreb et l’Afrique du Nord d’un autre œil. Loin des frontières tracées à l’Indépendance et avec des populations qui se reconnaissent et se soutiennent au-delà des frontières.

La vie de Magdi en est d’ailleurs un exemple. Il a à peu près 16 ans quand il quitte le Mali. Il rejoint alors une partie de sa famille installée dans le sud algérien. Et puis il s’enrôle dans l’armée de Khadhafi. Pendant 4 ans il apprend les techniques de combat. Et puis Kadhafi, qui voulait former les Touaregs pour les aider à se libérer, change d’avis. Il veut maintenant se servir d’eux pour sa cause. Comme beaucoup de ces compatriotes Magdi s’en va.

Pendant des années il habite sur ses chaussures comme il dit, passant d’un pays à un autre, vivant avec les siens, essayant de faire progresser la cause touareg. « Je m’occupais de la sensibilisation à la cause touareg et à la préparation de la libération. » Dans les années 80 il rejoint le MPLA, Mouvement pour le libération de l’Azawad. Quelques années plus tard ce mouvement éclate, Magdi rejoint alors l’Armée Révolutionnaire de Libération de l’Azawad (ARLA). Un mouvement qui n’aura de cesse de dénoncer les massacres que le gouvernement malien aurait commis à l’encontre des ethnies touareg et arabe.

Lorsque la révolution éclate en Libye, Magdi, vice-président du Congrès Mondial des Amazighes, rejoint ses frères d’armes pour leur prêter main forte. « J’étais en Libye avec les Amazighes du mois de mars jusqu’à la chute de Kadhafi. J’ai lutté au front comme à l’arrière » raconte-t-il. Pour lui rien d’anormal à ça. Toute sa vie il n’a fait qu’essayer de fédérer les forces pour l’indépendance des Touaregs, aider les Amazighes dans leur combat était tout à fait normal. Une fois la situation stabilisée en Libye la lutte pour l’indépendance de l’Azawad a pu débuter.

« Pendant toutes ces années nous avons été réprimés par le gouvernement malien du fait de sa supériorité en armes et en argent. Ce gouvernement été subventionné directement par les pétrodollars de Kadhafi. Une fois Kadhafi destitué le gouvernement malien n’avait plus de revenu. Nous pouvions alors nous battre à armes égales», explique-t-il. Les combats débutent le 17 janvier. Petit à petit les Touaregs récupèrent différentes villes : Tinzaouaten, Aguelhok, Tessalit, Kidal, Anefis , Gao, Tombouctou… Pour cela Magdi affirme que seuls les camps militaire ont été pris d’assaut et que les civils n’ont pas été visés.

Quand on lui demande comment la rébellion touareg s’est armée, Magdi explique que depuis les années 60 les familles touareg se préparent à combattre et que de ce fait voilà des années qu’ils stockent ce qu’ils trouvent. Une autre réalité est qu’en étant en lien direct avec le CNT libyen, la rébellion a pu récupérer des armes à la fin des combats en Libye. Et avec leur connaissance du désert les combattants n’ont pas eu à se préoccuper des postes-frontières pour les acheminer jusqu’au Mali.
Quand on lui parle d’Aqmi et des mouvements salafistes Magdi précise : « Nous sommes musulmans, mais nous ne sommes pas liés à ces mouvements. Nous voulons un islam modéré et une société démocratique. Pour l’instant nous allons travailler à la stabilisation du pays, au retour des réfugiés… Nous devons voir ce que le gouvernement malien met en place également, au cas où la guerre reprendrait. » Pourtant Magdi n’est pas dupe et sait que ces mouvements sont bien présents en Azawad et qu’ils constituent une réelle menace pour les populations comme pour la stabilité du pays.

Avec la déclaration d’indépendance que le MNLA a faite, la scission semble consommée et un retour en arrière impossible. Pour ce qui est de la survie du peuple de l’Azawad Magdi ne se fait pas de souci : « Nous avons énormément de ressources que nous allons exploiter. » Des ressources, qui, on l’espère, ne seront pas récupérées par les narcotrafiquants de la région. Un autre problème que le MNLA va devoir régler. Et pour cela une vraie politique régionale doit avoir lieu. La nécessite d’un Maghreb uni et démocratique est donc d’autant plus forte.

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** Sana Sbouaï est journaliste tunisien. Rédactrice à Nawaat.org (source : http://bit.ly/JwtKdF)

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