La Tunisie et les conventions internationales de protection des Droits de l’homme
Les Droits de l’homme étaient au cœur de la Révolution tunisienne de janvier 2011. Les évènements qui suivirent la chute de Ben Ali vont confirmer l’attachement du peuple tunisien aux valeurs des Droits de l’homme et à l’Etat de droit et son engagement pour que les violations qu’il a connues dans le passé ne se reproduisent pas à l’avenir. Plusieurs facteurs, internes et externes, vont se conjuguer pour amener les différents gouvernements qui se sont succédés après le 14 janvier 2011 à s’engager en faveur du respect des Droits de l’homme.
Après son accession à l’indépendance le 20 mars 1956, la Tunisie s’est engagée sur la scène internationale par son adhésion à l’Organisation des nations unies le 12 novembre 1956 dont l’une des conséquences directes était l’adhésion et la ratification d’un nombre important de traités internationaux dont ceux relatifs aux droits de l’homme. La présente note examine l’historique des ratifications par la Tunisie des conventions relatives aux Droits de l’homme les plus pertinentes, sa signification sur le plan de la protection des Droits de l’homme au plan national et l’utilisation qui en a été faite par les différents politiques qui se sont succédés depuis l’indépendance à nos jours.
LA TUNISIE SOUS BOURGUIBA (1956-1987)
Sans beaucoup de réticence, la Tunisie indépendante a ratifié assez rapidement quatre conventions importantes. il s’agit de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l’Assemblée générale de l’Onu le 9 décembre 1948 et ratifiée par la Tunisie en novembre 1956, la Convention contre les crimes de guerre de décembre 1948, ratifiée en novembre 1956, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1966 (ratifiée en 1967) et surtout les deux pactes internationaux, celui relatif aux droits civils et politiques et l’autre relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adoptés simultanément par l’Onu le 16 décembre1966 et ratifiés par la Tunisie le 18 mars 1969. La Convention sur la répression du crime d’Apartheid de novembre 1973 suivra en janvier 1977.
Malgré ce progrès significatif pour un Etat nouvellement indépendant, des questions se posent quant à l’hésitation qui a caractérisé le régime de Bourguiba à ratifier d’autres conventions aussi pertinentes du point de vue des Droits de l’homme, notamment le Protocole facultatif se rapportant au Pacte International relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, reconnaissant à des particuliers le droit de présenter des plaintes devant le comité des droits de l’homme, la Convention contre la torture (adoptée en 1984 et ratifiée par la Tunisie en septembre 1988) et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes qui ne sera ratifiée que six ans après son adoption par l’Assemblée générale de l’Onu en décembre 1979, soit en 1985.
Sur le plan du respect par la Tunisie de ses obligations émanant de la ratification de ces conventions, on peut constater qu’elle a honoré ses engagements quant à la présentation de ses rapports périodiques devant les différents organes créés en vertu de ces conventions. Comparés à d’autres pays, les retards dans la présentation des rapports étaient négligeables. Toutefois, les recommandations émises par ces organes de traités à l’occasion de chaque examen périodique de la Tunisie n’étaient prises en compte que partiellement.
Alors qu’on assistait à une évolution importante au niveau de la législation nationale relative aux Droits de l’homme et au niveau de l’amélioration des conditions de vie (éducation, santé, protection sociale, jeunesse, femmes…), la pratique quotidienne sur le plan du respect des droits civils et politiques (liberté d’expression, de manifestation pacifique, élections, associations, protection contre la torture...) laissait beaucoup à désirer.
L’instauration du parti unique et de la présidence à vie, le déni des libertés individuelles et le contrôle excessif du pouvoir exécutif sur tous les aspects de la vie quotidienne des Tunisiens allaient à l’encontre des engagements internationaux déclarés de la Tunisie. Dès 1968, en effet, la répression s’abattit sur les jeunes étudiants de « Perspectives » qui rêvaient d’un monde meilleur pour leur pays et le monde « découvrait », au fil des ans, que la torture était une pratique courante sous Bourguiba.
LA TUNISIE SOUS BEN ALI (1987-2010)
Ce n’était pas un pur hasard que la première convention ratifiée par la Tunisie après la prise du pouvoir par Ben Ali en 1987 soit celle relative à la « torture et autre peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants », adoptée par les nations unies le 10 décembre 1984. Bourguiba a toujours refusé de le faire de crainte qu’en ratifiant une telle convention, il aurait reconnu toutes les accusations qui lui ont été adressées quant à la pratique systématique de la torture contre ses opposants politiques.
Les vagues de répression contre la gauche tunisienne depuis 1968, le mouvement syndical en 1978 et 1984 (1), le mouvement étudiant et plus tard contre le mouvement islamiste ont été toutes accompagnées de tortures infligées à tout opposant arrêté y compris les femmes (2). Des centres de torture étaient bien connus par les militants politiques et les membres de leurs familles. Les geôles du ministère de l’Intérieur ont été des endroits où la torture se pratiquait au vu et au su des différents ministres de l’Intérieur qui se sont succédé depuis l’indépendance du pays. Le témoignage extraordinaire de feu Ahmed Othmani, arrêté en 1968 et condamné à dix ans de prison ferme, et dont la « souffrance sous la torture sauvage est restée légendaire », en dit long des pratiques de la torture sous Bourguiba. Cette période a aussi connu le lancement de plusieurs campagnes nationales, conduites notamment par la Ligue tunisienne des Droits de l’homme (Ltdh, créée en 1976), et internationales conduites par Amnesty International et la Fédération internationale des droits de l’homme, accusant l’Etat tunisien de violations graves des droits de l’homme et surtout de pratique systématique de la torture et appelant à la ratification de ladite convention.
En ratifiant la convention contre la torture en septembre 1988, quelques mois à peine après son accession au pouvoir, Ben Ali voulait inaugurer son règne par un discours de tolérance et de Droits de l’homme et par un geste symbolique qui « rompt » avec un passé douloureux. Les années qui suivirent confirmeront que cette approche n’était qu’un moyen de gagner du temps, se créer une légitimité à l’intérieur du pays et une crédibilité à l’extérieur. En effet, dès 1990, la répression va reprendre de plus belle, d’abord contre les « islamistes » et la « gauche radicale », ensuite contre les démocrates, les syndicalistes de l’Ugtt, les militants de la Ligue tunisienne des Droits de l’homme et autres défenseurs des Droits de l’homme, pour finir par toucher toute voix critique ou dissidente tels que les journalistes, les avocats, les juges et même des personnalités proches du régime (3).
Comble de l’hypocrisie et comme pour contrecarrer la réaction de l’opinion publique nationale et internationale à sa politique répressive, le régime mènera en parallèle à la répression généralisée une campagne de séduction (4) envers la communauté internationale en faisant des droits de l’homme son cheval de bataille, aidé en cela par l’Agence tunisienne de communication extérieure (Atce), qu’il venait de créer (1990).
En effet, en l’espace de quelques années, la Tunisie devient Etat-partie à la Convention internationale contre l’Apartheid dans les Sports du 10 décembre 1985 (ratifiée en septembre 1989), aux deux Protocoles additionnels à la Convention des droits de l’enfant du 25 mai 2000 (ratifiés en 2002 et 2003), au Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 6 octobre 1999 (ratifiée en septembre 2008), et enfin, dernière en date avant la chute de Ben Ali, la Convention relative aux droits des personnes handicapées du 13 décembre 2006 (ratifiée en avril 2008). Il mènera également une diplomatie agressive vis-à-vis du système des Nations unies de protection des Droits de l’homme en se faisant élire au Conseil des Droits de l’homme dans sa première édition de 2006 et en assurant une présence d’experts tunisiens (5) aux différents mécanismes de l’Onu et organes des traités chargés de la protection des Droits de l’homme tels que la Sous-commission pour la promotion et la protection des droits de l’homme, le Comité des droits de l’homme (Hrc), le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (Cescr), le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (Cedaw), le Comité contre la torture (Cat), le Comité des droits de l’enfant (Crc), le Comité des droits des personnes handicapées (Crpd) et également la Commission africaine des Droits de l’homme et des peuples.
Toutefois, l’on remarque que la ratification des conventions des Droits de l’homme par le régime de Ben Ali se faisait d’une façon sélective, discréditant ainsi ses « choix irréversibles » et « de principe » et « ses convictions » en faveur des principes universels des Droits de l’homme. En effet, si la Convention contre la torture a été ratifiée sans réserve dès 1988 en raison de la campagne internationale de l’époque, d’autres conventions non moins importantes n’ont pas obtenu la même considération. Il s’agit notamment du Protocole facultatif se rapportant au Pacte International relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 reconnaissant que le Comité des droits de l’homme a « compétence pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers relevant de sa juridiction », le Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale de juillet 1998, le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte International relatif aux droits civils et politiques, abolissant la peine de mort, de décembre 1989, le Protocole facultatif à la Convention contre la Torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, du 18 décembre 20026 , la Convention internationale pour la Protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées du 20 décembre 2006, et enfin le Protocole facultatif se rapportant au Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 10 décembre 2008, reconnaissant la compétence du comité à recevoir et examiner des plaintes émanant de particuliers.
Tous les traités cités ci-dessus ont une grande valeur quant à la protection concrète et efficace des Droits de l’homme et à la lutte contre l’impunité et, certains d’entre eux donnent surtout le droit à des particuliers de soumettre aux organes concernés des plaintes contre l’Etat. Le fait de ne pas ratifier ces traités est révélateur de la sélectivité de l’Etat dans ses relations avec le système international de protection des droits de l’homme ainsi qu’avec la communauté internationale.
Malgré la ratification par la Tunisie de tous ces instruments internationaux relatifs à la protection des Droits de l’homme, et malgré son activisme à l’échelle internationale, la réalité à l’échelle nationale a été caractérisée par des violations systématiques des droits de l’homme. Plusieurs de ces organes internationaux chargés de la protection des Droits de l’homme n’ont cessé de déplorer le manque d’application effective des principes édictés dans les traités mentionnés ci-dessus. A titre d’exemple, le comité contre la torture a exprimé son inquiétude lors de l’examen du rapport périodique de la Tunisie en mai 1999, du « large fossé qui existe entre les lois et la pratique ».
On peut lire ce qui suit : « Le Comité est particulièrement troublé par des rapports faisant état de pratiques répandues de torture et d’autres traitements cruels et dégradants perpétrées par les forces de sécurité et par la police et qui, dans certains cas, ont entraîné la mort de personnes placées en garde à vue. En outre, il est préoccupé par les pressions et les mesures d’intimidation auxquelles recourent des fonctionnaires pour empêcher les victimes de déposer plainte. Le Comité s’inquiète de constater qu’une grande partie de la réglementation existant en Tunisie pour la protection des personnes arrêtées n’est pas respectée en pratique...»
Le Comité des Droits de l’homme chargé de veiller à l’application par les Etats parties du pacte international relatif aux droits civils et politiques a également souligné sa préoccupation lors de sa 22e session (17 mars - 4 avril 2008) quant au « non-respect par les autorités tunisiennes de certaines normes des Droits de l’homme notamment en ce qui concerne la pratique de la torture, le non-respect des libertés publiques, les condamnations arbitraires et le manque d’indépendance de l’appareil judiciaire ». Le rapport du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a également, à plusieurs reprises, « recommandé à la Tunisie de retirer les réserves qu’elle a émises lors de sa ratification de la Cedaw » et a constaté « qu’à différents niveaux les droits des femmes n’étaient pas respectés en Tunisie ».
Toutefois, il faut souligner l’impact de ces recommandations sur le plan législatif et réglementaire. Beaucoup de lois ont été adoptées par la chambre des députés en s’inspirant des différentes conventions ratifiées par la Tunisie et des recommandations qui ont été formulées par les organes des traités. On déplore cependant l’absence d’impact sur la vie quotidienne des Tunisiens et Tunisiennes en raison de l’absence de volonté politique de la part des autorités tunisiennes de l’époque.
Sur un autre plan, le degré d’engagement d’un Etat avec le système des traités des nations unies se mesure non seulement par la ratification des conventions internationales mais surtout par le respect dudit Etat de ses obligations contractées en toute souveraineté conformément aux conventions ratifiées. Parmi ces obligations figure, en premier lieu, la présentation régulière de rapports devant les organes chargés de l’application desdites conventions et la mise en œuvre de leurs recommandations. Sur ce plan, la Tunisie de Ben Ali s’est bien tirée d’affaires en présentant d’une façon plus ou moins régulière et avec un professionnalisme trompeur ses différents rapports. La seule exception fût celle concernant la Convention contre la torture. (le troisième rapport qui était dû en 1997 n’a été soumis qu’en novembre 2009). (7)
En réalité, le retard dans la soumission des rapports est souvent utilisé par certains pays pour retarder la publication de recommandations par l’organe de traité concerné. L’absence de recommandations publiques empêcherait les autres Etats concernés par la situation des droits de l’homme en Tunisie par exemple, les cours et tribunaux ainsi que les Ong et les particuliers de s’y appuyer pour lutter contre une injustice ou une violation. En l’absence de recommandations et d’observations émanant de ces organes, dont l’indépendance et l’objectivité sont universellement reconnues, toute revendication de réformes ou de redressement d’un préjudice se voit affaiblie. Pour le cas de la Tunisie, ceci s’applique en particulier aux deux conventions les plus pertinentes, celle se rapportant aux droits civils et politiques (liberté d’expression, d’association et de manifestation pacifique, droit à un procès équitable, indépendance de la justice…) et celle concernant la question de la torture (8).
Si la coopération de la Tunisie de Ben Ali avec les organes des traités était faible et hypocrite, celle avec les Procédures spéciales de la Commission des Droits de l’homme (9) était presque inexistante. En effet, depuis la création de ces procédures spéciales en 1979 (10), la Tunisie n’a jamais répondu positivement à leurs demandes de visiter le pays, à l’exception du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression (1999) (11) et le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des Droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste (janvier 2010) (12).
Les demandes du Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats exprimées en 1997, 2002 et 2004, celles de la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des Droits de l’homme et celles du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et bien d’autres ont été tout simplement ignorées. En réalité, le gouvernement tunisien a démontré une maîtrise des règles du jeu avec les différents mécanismes de l’Onu en adoptant un discours public engagé en faveur des droits de l’homme tout en remettant aux calendes grecques toute mesure concrète pour le respect des droits de l’homme sur le terrain.
LA TUNISIE APRES LE 14 JANVIER 2011
Les Droits de l’homme étaient au cœur de la Révolution tunisienne de janvier 2011. Les évènements qui suivirent la chute de Ben Ali vont confirmer l’attachement du peuple tunisien aux valeurs des Droits de l’homme et à l’Etat de droit et son engagement pour que les violations qu’il a connues dans le passé ne se reproduisent pas à l’avenir. Plusieurs facteurs, internes et externes, vont se conjuguer pour amener les différents gouvernements qui se sont succédés après le 14 janvier 2011 à s’engager en faveur du respect des Droits de l’homme. Sous la pression de la société civile et des forces politiques, et malgré l’émergence de nouvelles forces hostiles aux droits de l’homme, le premier gouvernement de transition s’est engagé à ratifier les conventions internationales qui faisaient l’objet, depuis plusieurs années, de recommandations aussi bien de la part des organes des traités que du conseil des droits de l’homme et ses procédures spéciales.
Ainsi, le 19 février 2011, à peine un mois après la chute de Ben Ali, la Tunisie annonce la ratification d’un ensemble de conventions et de protocoles parmi les plus importants dans le domaine des droits de l’homme. Il s’agit de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (reconnaissant la soumission de plaintes individuelles), du Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale, de l’Accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale et enfin du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Et pour boucler la boucle, et grâce à la mobilisation des organisations de défense des droits de l’homme et du mouvement des femmes, la Tunisie franchira une nouvelle étape en décidant le 24 octobre 2011 de retirer ses réserves à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. (13)
En parallèle à la ratification de ces importantes conventions, la Tunisie accepte dès février 2011 la recommandation faite par le Haut-commissaire aux droits de l’homme (14) en janvier 2011 d’adresser une invitation ouverte et sans conditions à tous les Rapporteurs spéciaux (15) du conseil des droits de l’homme et l’ouverture d’un bureau du Haut-commissariat en Tunisie. En l’espace de trois ans, la Tunisie accueillera sept Rapporteurs spéciaux.
Les rapports que ces Rapporteurs spéciaux ont produit et le dialogue qui s’est installé entre ces derniers et les autorités tunisiennes vont permettre de renforcer les acquis, encore assez fragiles, dans le domaine des droits de l’homme. A citer en particulier le rôle joué par le « Rapporteur spécial contre la torture » dans le domaine de la nouvelle législation sur la torture, celui du « Rapporteur spécial sur la lutte contre le terrorisme » dans les débats en cours au sein de l’Assemblée nationale constituante sur la modification de la loi anti-terrorisme et celui du « Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition » dans la loi récemment adoptée par la Constituante sur la Justice transitionnelle.
Le Bureau du Haut-commissariat, quant à lui, a joué un rôle d’appui, salué par l’ensemble des acteurs nationaux et des observateurs internationaux, aux réformes en cours et a par la même occasion renversé l’approche de l’équipe de pays du système des nations unies d’avant la Révolution, approche qui était très critiquée par la société civile et l’ensemble des défenseurs des droits de l’homme (16).
QUELLES GARANTIES POUR LES DROITS DE L’HOMME A L’AVENIR ?
Il faut rappeler que malgré les acquis sur le pan de la ratification d’instruments importants, plusieurs autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme n’ont pas été, à ce jour, considérés. Il s’agit de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte International relatif aux droits civils et politiques, relatif à l’abolition de la peine de mort, du Protocole facultatif se rapportant au Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, reconnaissant le droit à des particuliers de soumettre des plaintes devant le comité et du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant sur une procédure de communication.
De même, certaines conventions de l’Organisation internationale du travail, de l’Unesco ou encore celles développées dans le cadre de l’Union africaine doivent être considérées assez rapidement. La ratification de toutes ces conventions consoliderait les acquis déjà en place. Un pays qui est fier d’avoir été capable de faire tomber une dictature devrait ne pas hésiter à renforcer une telle tendance. En parallèle, la Tunisie doit construire de nouvelles relations, basées sur la transparence et la confiance mutuelle, avec l’ensemble des mécanismes internationaux de protection des droits de l’homme.
Les rapports périodiques doivent être soumis régulièrement et les Rapporteurs spéciaux du conseil des droits de l’homme doivent mener leurs visites sans aucune entrave. Les recommandations des différents organes des traités et des Rapporteurs spéciaux doivent être examinées et prises sérieusement en considération dans l’élaboration des politiques nationales de développement. Les individus et organisations de la société civile qui présentent des plaintes devant les différents organes des traités ou qui coopèrent avec le système des nations unies ne doivent pas être inquiétés ou harcelés par les autorités.
Les ratifications de traités internationaux visant la protection des Droits de l’homme ont une grande importance car ces traités, une fois ratifiés, devront être incorporés, d’une façon ou d’une autre, dans le droit interne conformément au principe de la primauté des conventions internationales par rapport au droit interne. Ce qui permettra aux cours et tribunaux de s’en référer et de s’en appuyer dans leurs jugements, chose qui a cruellement manqué depuis l’indépendance du pays. Malheureusement, ce principe de primauté du droit international sur le droit interne n’est pas consacré clairement dans la nouvelle Constitution, adoptée fin janvier 2014, puisque ces droits internationaux ont un statut inferieur au texte constitutionnel.
De plus, les autorités tunisiennes devraient faire preuve d’un engagement fort et de volonté politique sans détour en adoptant les mesures législatives et les politiques publiques nécessaires, y compris en relation avec les institutions nationales des droits de l’homme telles que le comité supérieur des droits de l’homme et des libertés, afin que les instruments ratifiés et leurs normes puissent être véritablement mis en œuvre (17).
Enfin, la société civile tunisienne et internationale, qui a joué un rôle d’avant-garde au niveau de la dénonciation publique des violations des droits de l’homme sous l’ancien régime, devraient continuer leur vigilance face à toute dérive totalitaire ou velléité de réduire les acquis déjà obtenus au prix de centaines de martyrs et de victimes de l’ancien régime. Cette vigilance devrait être de la même intensité face aux nouveaux acteurs apparus après le 14 janvier 2011 qui tentent de remettre en cause ces acquis au nom d’une certaine spécificité culturelle ou religieuse ou encore au nom du principe de la souveraineté nationale.
1) Certains syndicalistes ont succombés sous la torture suite à la grève générale du 26 janvier 1978
2) Voir Torture En Tunisie : Témoignage de Ahmed Othmani, mouvement Perspectives
3) Quand les ossements livrent leur secret, MDE 13/016/2013 - octobre 2013
4) Commissariat depuis 1996, principalement au Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la tor¬ture et au Fonds de
contributions volontaires des Nations Unies pour les peuples autochtones, (A/HRC/WG.6/1/TUN/2)
5) Des expert(e)s tunisiens d’une grande qualité ont été sollicité(e)s par la présidence de la République à présenter leurs candidatures. La majorité d’entre eux/elles ont servi leur mandat en toute intégrité et avec professionnalisme.
6) Le Protocole facultatif de la Cat établit « un système de visites régulières, effectuées par des organismes internationaux et nationaux indépendants¬, sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté, afin de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants »
7) Les relations avec le comité contre la torture étaient très tendues depuis 1995, date à laquelle Mr. Khaled Ben Mbarek a introduit une plainte
contre l’Etat tunisien suite au décès sous la torture de feu Fayçal Baraket.
8) Heureusement, que les organes des traités tels que le Comité des droits de l’homme et le comité contre la torture ont développé au fil des ans de no¬uvelles méthodes de travail qui leur permettaient d’examiner la situation des droits de l’homme dans un pays en l’absence de rapport national. Cette m¬éthode n’a pas été appliquée au cas de la Tunisie.
9) La commission des droits de l’homme a été transformée en conseil des droits de l’homme depuis 2006.
10) On les appelle également expert(e)s indépendant(e)s ou encore Rapporteurs spéciaux,
13) Malheureusement, la notification officielle n’est pas encore parvenue au Secrétaire général de l’ONU. Les réserves restent par conséquent en vigueur sur le plan international.
15) Rapporteur spécial contre la torture, Rapporteur spécial contre le terrorisme, Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des Droits de l’homme; Rapporteur spécial sur le droit de réunion et d’association pacifiques; Rapporteur spécial sur le droit à l’éducation; Groupe de travail sur la question de la discrimination à l’égard des femmes dans la législation et dans la pratique. Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition,
16) The Tunis imperative, Navi Pillay, see this link http://bit.ly/Pc0EsX
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** Dossier publié par la Lettre du Comité pour le respect des libertés et des Droits de l’homme en Tunisie – Février 2014
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