La femme, l’egalité et le système Africain de droits humains
En dépit des promesses et des mobilisations par les femmes partout sur le continent, les femmes africaines manquent toujours de protection proportionnée à leurs Droits Humains. Roselynn Musa argumente que la racine du problème est le manque persistant de volonté politique par des gouvernements de mettre en application des engagements à l’égalité de genre.
Introduction
Le 21ème siècle va marquer une jonction critique dans la promotion et la protection d’une culture de droits humains en Afrique. Comme le monde devient de plus en plus interdependent, les systèmes régionaux de cooperation jouent un rôle de plus en plus important dans la promotion d’un ordre de droits humains international positif.
Les Etas africains se sont engagés à différents documents de politiques internationaux et régionaux. Les mécanismes internationaux en genre les plus significatifs sont la Convention sur l’Elimination de Toutes les Formes de Discrimination à l’égard de la Femme (CEDAW) de 1979, et la Plateforme d’Action de Beijing (PFA) de 1995, la Charte Africaine des Droits Humains et des Peuples (CADHP), la Conférence Internationale sur la Population et Le Développement (ICPD PoA), la Déclaration Solennelle sur l’Egalité des Genres, le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD), objectifs de développement du millénaire (ODM), l’Acte Constitutif de l’Union Africaine (UA). Toutes ces conventions et cadres de politiques engagent les gouvernements à aborder l’égalité des genres, l’équité et l’autonomisation de la femme. Ces documents font l’objet de revues périodiques afin d’évaluer dans quelle mesure ils ont été délivrés.
Les revues au cours des dernières années ont généralement montré que l’Afrique avait enregistré un certain progrès aux niveaux national, sous-régional et régional. La plupart des pays ont également élaboré des mécanismes et politiques du genre. Néanmoins, il y a toujours des défis majeurs dans tous les domaines dans la mesure où la majorité des stratégies restent non-encore mises en œuvre.
Les ODM et le NEPAD sont des mécanismes plus récents et plus généraux. Dans les ODM, 191 gouvernements se sont résolus à promouvoir l’égalité des genres et l’autonomisation de la femme en tant que des moyens efficaces de combattre la pauvreté, la faim, les maladies et pour stimuler le développement durable. Le NEPAD souligne également l’égalité et encourage les droits de la femme à travers le Mécanisme Africain d’Evaluation par les Pairs (MAEP).
Cependant, en dépit de toutes les prémisses et de ces engagements de première classe, la femme africaine n’est en aucune manière dans une meilleure situation qu’auparavant. Les promesses ne sont parvenues qu’à faire monter la pointure des souliers si jamais elles ont fait quelque chose. La stagnation dans certains aspects et la détérioration dans d’autres suscitent plutôt des préoccupations. Ceci est d’autant plus vrai à la lumière de la mobilisation des femmes de tous les coins du continent. Au fonds du problème il y a le manque de volonté politique pour accomplir les engagements à l’égalité des genres parmi les gouvernements africains.
Le présent article a été préparé dans un cadre général qui cherche à refléter les rapports entre le cadre international et régional sur les droits de la femme en Afrique et leur mise en œuvre réelle. A cet effet, l’article discute le Protocole à la Charte Africaine des Droits Humains et des Peuples relatif aux Droits de la Femme en Afrique en mettant en relief son caractère unique, tout en le comparant avec les autres instruments. Il conclut avec les défis rencontrés et les perspectives d’avenir qui ont suggéré une mise en œuvre accélérée des instruments de politiques en genre en Afrique.
Le Protocole des Droits de la Femme en Afrique
Le Protocole relatif à la Charte Africaine relatif aux Droits de la Femme en Afrique (ci-après le Protocole) est un document récent qui cherche à aborder les lacunes des autres instruments internationaux qui lui ont précédé dans le traitement des droits de la femme africaine. Il s’est avéré d’une amélioration beaucoup souhaitée sur la manière dont l’CADHP avait abordé ou n’avait pas abordé la position de la femme en Afrique. Il applique la Convention sur l’Elimination de Toutes les Formes de Discrimination à l’égard de la Femme (CEDAW) et la Plateforme d’Action de Beijing dans un contexte africain.
Le Protocole consiste en trois sections. La première donne le raisonnement derrière son élaboration tout en faisant référence aussi bien aux engagements régionaux et internationaux sur les droits de la femme. La deuxième section reprend les droits que respecte le Protocole et la troisième section couvre la mise en œuvre en abordant la procédure pour l’adopter et en faire le suivi et le processus par lequel il peut être amendé.
Il sert également comme le premier instrument qui a été élaboré par des Africains pour la femme en Afrique. Il se construit sur les autres questions régionalement négociées et renforce ces questions qui portent atteinte aux droits humains de la femme. L’inclusion des droits des veuves et des droits d’héritage est vue comme une percée puisque ces derniers sont des questions particulières à la femme africaine qui sont négligés et jetés sous le tapis.
Le Protocole lance un défi contre les traditions et les comportements culturels qui entravent les droits de la femme en Afrique. Il donne aux femmes une ligne de défense sur laquelle elles peuvent baser leurs appels dans le cas où elles ne sont pas parvenues à défier les lois ou les pratiques nationales discriminatoires.
L’entrée en vigueur du Protocole reflète une prise de conscience que les femmes sont des membres égaux de la société et qu’elles ne sont pas uniquement des bénéficiaires, mais aussi des participantes dans le processus de développement. La prospérité sur le continent africain exigera la promotion des droits de tous les peuples africains de même que l’adhésion au principe d’égalité des genres et de non-descrimination.
A partir de ce qui précède, l’on peut voir que les plans et les programmes existent au sein de l’UA pour assurer que ses Etats Membres font partie de l’effort mondial de promouvoir le principe d’égalité des genres en Afrique.
Mécanismes de mise œuvre
Au niveau national, la procédure pour l’appropriation de la Convention et du Protocole est un défi majeur qui affecte leur mise en œuvre. Alors que plusieurs pays ont accédé à la Convention, beaucoup n’ont pas pris la mesure supplémentaire de la faire leur et d’en faire partie de leurs lois nationales. Ce que ceci signifie en effet est que les dispositions de la Convention ne peuvent pas être directement appliquées dans les Cours nationales. Les Etats Parties n’ont pas toujours la volonté politique de mettre en œuvre les engagements pris au niveau international.
Les défis de CEDAW constituent une bonne projection de certains défis auxquels le Protocole fait face et dont on peut tirer d’importantes leçons. Le mandat du Comité de CEDAW est de faire le suivi de la mise en œuvre de la Convention par les Etats Parties qui l’ont ratifiée et ceci se fait à travers des rapports périodiques. Malheureusement, ceci est l’un des domaines qui n’ont pas été pris très au sérieux par les Etats Parties. Beaucoup d’Etats Parties ont deux ou plus de rapports non-encore déposés tandis que certains n’ont soumis aucun rapport depuis qu’ils ont accédé à la Convention. Ceci constitue un défi majeur pour le travail du Comité dans le suivi de la mise en œuvre.
Alors que le processus de présentation des rapports est bien élaboré, il repose en grande partie dans les mains du gouvernement. La participation des ONG reste faible. L’examen des rapports des Etats Parties n’est pas supposé viser la confrontation, mais plutôt se faire d’une manière qui promet le dialogue constructif entre les Etats Parties et le Comité.
La Cour Africaine des Droits Humains et des Peuples est une approche de dernier recours - lorsque tous les autres remèdes locaux n’ont pas réussi à donner des résultats satisfaisants. En attendant la création totale de la Cour Africaine, la Commission Africaine des Droits Humains et des Peuples sera saisie des dossiers d’interprétation provenant de l’application du Protocole. La Commission Africaine a été créée sous l’article 30 de la Charte Africaine.
La première responsabilité de la Commission est de promouvoir et d’assurer la protection des droits humains sur le continent. Ses quatre domaines de mandat sont: les activités promotionnelles, les activités protectives, l’examen des rapports des Etats Parties et l’interprétation de la Charte Africaine. La Commission Africaine tient des sessions régulières deux fois par an, autour d’avril et novembre, et elle peut tenir des sessions extraordinaires.
La Commission Africaine est composée de onze membres qui servent à temps partiel à la Commission. Ce sont des experts indépendants et ils agissent en qualité personnelle plutôt qu’en tant que représentants de leurs gouvernements. L’intégration du Protocole dans le mécanisme de mise en œuvre de la Charte Africaine est consistante avec les dispositions de la Charte elle-même. Et elle va assurer que les femmes dont les droits ont été violés sous le Protocole auront un recours final à la Cour Africaine pour que leurs droits soient établis et appliqués. En outre, les individus, autres que les victimes elles-mêmes, et les ONG de droits humains peuvent apporter une plainte à la Commission au nom des victimes.
L’un des défis auxquels l’appropriation fait face est la multiplicité des systèmes juridiques dans les pays africains. Alors que dans le cas d’un petit nombre de pays les traités internationaux deviennent automatiquement une partie de la loi nationale une fois qu’ils sont ratifiés, dans la majorité des cas, le traité devra être promulgué par un acte du parlement pour le rendre effectif dans ces pays.
Il est encourageant de savoir que l’Acte Constitutif de l’Union Africaine réhabilitée qui a remplacé l’Organisation de l’Unité Africaine et la création de la Cour Africaine des Droits Humains et des Peuples ont rendu plus facile aux défenseurs des droits de la femme de presser plus ouvertement pour l’application plus vigoureuse des instruments.
Unique au Protocole
Les forces du Protocole incluent le fait qu’il est intervenu après beaucoup d’autres traités, ce qui lui a donné l’avantage d’en tirer les meilleurs options tout en considérant les questions qu’ils avaient omises. Le Protocole est étroitement modelé sur la CEDAW et à cet égard il y a plus de ressemblances que de différences entre les deux instruments. Les différences sont essentiellement dans ces domaines de préoccupation de la femme africaine qui avaient été mentionnés de façon abstraite dans CEDAW ou pas du tout mentionnés. Il a aussi l’avantage de pouvoir apprendre des expériences précédentes dans le sens qu’il pourrait s’inspirer des évolutions de CEDAW. Il cite des droits spécifiques et définit la violence contre la femme. Il donne une définition inclusive de la femme pour y inclure la petite fille. Il est spécifique à la culture et ainsi il a beaucoup de valeur pour défier les pratiques culturelles négatives.
Contrairement au Protocole, CEDAW ne fait pas d’obligations explicites sur les Etats de mettre à côté des ressources afin d’éliminer la discrimination contre la femme, ou de punir les personnes ou les organisations qui perpètrent la discrimination contre la femme.
Quand la rédaction du projet du Protocole de l’UA sur la femme a commencé, il y avait au départ une résistance farouche avec l’argument que la femme en Afrique n’a pas besoin d’un Protocole séparé et qu’un paragraphe sur la non-discrimination contre la femme dans l’CADHP suffirait pour prendre soin des questions de droits de la femme qui y étaient omises.
La Charte Africaine est peut-être plus distincte des autres systèmes régionaux de protection des droits humains dans la mesure où elle a une disposition spécifique qui aborde les droits de la femme. Ceci est en plus des dispositions familières sur les droits à l’égalité et d’être libre de la discrimination caractéristique à la plupart des instruments internationaux. En ce qui concerne précisément les droits de la femme, la Charte dispose que «L’Etat a le devoir de veiller à l’élimination de toute discrimination contre la femme et d’assurer la protection des droits de la femme et de l’enfant tels que stipulés dans les déclarations et conventions internationales» article 18 (3).
Cette disposition a été considérée comme trop générale, sans aucune spécification substancielle sur les droits de la femme, plaçant ainsi ces droits dans une situation qui avait été décrite comme « comma juridique ». D’autres critiques ont porté sur le fait que les droits de la femme sont abordés avec ceux de l’enfant, et ce sur un même ton. Tout en reconnaissant le fait que la femme et l’enfant ont été victimes de la violence pérénniale , il se pose la question du raisonnement qui fait une équation présentant les deux comme égaux. Néanmoins, la Charte est vue comme fournissant un support ferme pour la protection des droits de la femme en Afrique et elle peut former la base à ce que les Etats doivent rendre compte sur le statut de la femme et sur la protection de leurs droits au sein de leurs systèmes juridiques nationaux. Il enjoint les Etats africains d’entreprendre des mesures positives afin d’assurer que leurs lois et politiques nationales visent ou ont pour finalité la réalisation de ces deux premiers objectifs. Puisque les évolutions significatives se sont produites vers un régime juridique plus inclusif pour la protection des droits de la femme en Afrique, ayant pour conséquence la rédaction du projet du Protocole additionnel à la Charte . Le Protocole peut devenir un instrument qui force les Etats à donner la priorité aux mesures législatives pour éliminer les pratiques traditionnelles dangereuses. Il fournit une fondation sur laquelle les droits humains acquièrent la légalité dans le contexte africain. Il fournit une base pour faire des affirmations qui montrent que les droits de la femme africaine à l’égalité ne sont plus contestés. Ce qui est critique à ce point est de voir le dynamisme dans la façon dont les Cours locales, la Commission Africaine des Droits Humains et des Peuples donnent un sens et un antécédent au Protocole.
Le Protocole a tenté de revigorer l’engagement de la Charte Africaine à l’égalité de la femme en ajoutant les droits qui manquent de la Charte et en clarifiant les obligations des gouvernements en matière de droits de la femme. Seul un article sur plus de soixante articles de la Charte fait des références spécifiques à la femme. Ci-après certaines des défaillances du traité en ce qui concerne la femme.
- Le fait qu’il n’a pas réusssi à définir la discrimination à l’égard de la femme.
- Son manque de garanties aux droits de la femme de consentir au mariage et à l’égalité dans le mariage.
- Son accent sur les valeurs et les pratiques traditionnelles qui ont longtemps entravé la promotion des droits de la femme en Afrique.
Pourtant certaines des violations les plus graves des droits de la femme se produisent dans la sphère privée de la famille et sont renforcées par des normes culturelles et traditionnelles.
L’article 17 (2) et (3) de la Charte Africaine stipule que chaque individu «peut prendre part librement à la vie culturelle de la Communauté» et que la protection et la promotion de la moralité et des valeurs traditionnelles reconnues par la communauté seront la tâche de l’Etat. La seule référence spécifique aux droits de la femme se trouve dans une clause concernant la concrétisation des droits de la femme . La Charte Africaine a en effet été interprétée pour protéger les lois coutumières et religieuses qui violent les droits de la femme tels que les droits à l’égalité et à la non-discrimination ; à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes et à la protection contre le traitement cruel et dégradant.
Le Protocole reconnaît aux femmes en tant qu’être humain individuel et non en tant que membres de communautés ou de familles. Le Protocole aborde également la discrimination tant dans les domaines publics que privés et il cible tant la discrimination directe que la discrimination indirecte. Il déplace aussi l’égalité d’un concept abstrait à celui qui attend des Etats Parties la prise des mesures concrètes pour y faire face.
Le plus important, cependant, c’est que le Protocole offre à la femme un véritable remède au niveau régional. Ceci donnera aux femmes victimes de violations des droits humains un endroit où elles peuvent se rendre, qui leur donne l’accès pratique aux instances qui comprendront les implications de leur expérience. Mais ce potentiel sera accompli si les Etats Parties garantissent qu’ils satisfont en pratique aux besoins liés aux droits de la femme et qu’ils oeuvrent pour la mise en œuvre des engagements qu’ils ont pris.
La Campagne : Solidarité pour les Droits de la Femme Africaine (SOAWR)
Alors que je dois reconnaître l’énorme ampleur des défis, je voudrais également me réjouir de nos réalisations en reconaissant les efforts de la Solidarité pour les Droits de la Femme Africaine (SOAWR), une coalition qui a œuvré et continue d’œuvrer sans relâche à la promotion de la cause du Protocole.
SOAWR est un réseau régional composé de 26 Organisations de la Société Civile et de partenaires en développement[1] qui oeuvrent à la promotion et à la protection des Droits de la Femme en Afrique. Depuis son inauguration en 2004, le domaine prioritaire principal de SOAWR a été d’amener ceux des pays qui n’ont pas encore ratifié le Protocole à le faire avec un esprit d’urgence. Tout en encourageant en même temps les pays qui l’ont ratifié à l’approprier et à le mettre en œuvre au niveau national. SOAWR travaille également pour amener les pays qui ont ratifié le Protocole avec des réserves à enlever de telles réserves dangereuses qui constituent un déni de certains des libertés et droits importants de la femme reconnus dans le Protocole.
SOAWR s’est servie et se sert toujours de tous les instruments à sa disposition et a exploité chaque opportunité de faire progresser la campagne. Parmi ceux-là il y a la rédaction de pétitions, le plaidoyer direct auprès des dirigeants tant au niveau national qu’au niveau régional, le service SMS des téléphones portables, des publications traduites dans différentes langues, des forums de la société civile préparatoires au sommet de l’UA, des forums publics, des conférences de presse, des cartes en couleurs de catégorisation, etc.
La coalition travaille actuellement sur la documentation des stratégies de plaidoyer dont elle s’est servie au fur des années en menant la campagne pour le Protocole. Ceci était une idée qui est sortie des membres de SOAWR qui se sont réunis immédiatement après les activités préparatoires au Sommet organisées par SOAWR à Accra, Ghana en juin 2007. On a décidé de créer un document qui rassemblerait l’information sur les mesures concrètes prises de même que celles qui sont en voie d’être prises afin d’encourager les Etats africains à ratifier et à s’approprier du Protocole. Le but de ce document est de fournir une compréhension plus claire des efforts existants vers la ratification du Protocole et d’offrir une inspiration et des moyens d’action à l’endossement et à l’appropriation du Protocole par l’ensemble de l’Afrique.
J’espère que SOAWR continuera de créer une plateforme de discussion et de dialogue sur la rupture entre les instruments internationaux et la mise en œuvre nationale en Afrique en vue d’identifier les stratégies en tant que chercheurs, activistes, et autorités gouvernementales pour combler le fossé. Les activistes en genre devraient aussi unir leurs voix aux organisations de société civile telle que SOAWR pour continuer d’appeler à la suppression des barrières structurelles qui font obstacle à la femme.
Obstacles et Défis
L’appropriation et de plus en plus la ratification du Protocole restent lentes suite au manque de volonté politique. Même si la plupart de pays ont créé des mécanismes nationaux en genre, ils restent faibles et manquent d’autorité, de capacité, de ressources humaines et de financement appropriés. A ceci s’ajoute les connaissances non-adéquates en analyse du genre chez les planificateurs et les responsables de la mise en œuvre et la prise de conscience en genre qui est limitée au sein des communautés.
La Cour Africaine des Droits Humains et des Peuples qui est un instrument important dans l’interprétation du Protocole reste toujours à être totalement fonctionnelle. Et même quand elle deviendra fonctionnelle son accès par les OSC qui sont les principaux champions du Protocle est limité aux pays qui signent une déclaration pour faciliter une telle action.
La participation de la femme en politique et à la prise des décisions reste lente et ceci freine l’influence de la femme sur les gouvernements pour qu’ils s’acquittent de leurs obligations contenues dans le Porotocole. L’accès de la femme à la justice est en outre inhibée par l’analphabétisme et l’ignorance de leurs droits et de comment y accéder. Certaines pratiques culturelles et traditionelles continuent de freiner les progrès dans la concrétisation des dispositions du Protocole.
La plupart des instruments ont mis un plafond et un pavement en termes de voir ces instruments être des cadres que la femme peut utiliser pour lutter contre la discrimination sous ses nombreuses manifastations. Cependant, les instruments en soi ne sont pas parfaits. Par exemple, le langage utilisé dans certains d’entre eux est soit trop compliqué ou trop vaste ou les deux et ces facteurs pourraient créer des problèmes d’interprétation spécialement au niveau national. Les instruments contiennent également des vides en termes de manque de recours en cas de non-respect. On a dit d’eux qu’ils ne peuvent qu’aboyer parce qu’ils manquent des dents nécessaires dont ils ont besoin pour mordre. Il faut donc y bâtir les conséquences de non-respect et de non-application.
Un autre problème c’est la stratégie de placer des réserves sur certaines dispositions clés. Ceci nie les principes des droits de la femme en tant que droits inaliénables, intégrales et indivisibles en tout premier lieu.
Un autre obstacle qui a été identifié au niveau national est qu’il n’y pas beaucoup d’avocats qui sont conscients du Protocole et ainsi ils ne sont pas capables de le citer en soutenant leurs arguments. Il n’y a pas beaucoup d’étudiants en droit qui suivent des cours sur le genre et le droit où ceci fait partie du curriculum, d’où leur ignorance à propos du Protocole et des autres instruments de droits de la femme.
Leçons apprises
La mise en œuvre effective des normes internationales de droits humains pour la femme a jusqu’à présent été dépendante de la volonté des Etats individuels. Souvent, on se sert des pratiques culturelles et religieuses pour empêcher la mise en œuvre des dispositions de droits de la femme. Le fait de compter sur la bonne volonté du gouvernement pour mettre en œuvre les accords internationaux n’a pas produit de bons résultats. La CEDAW a été perçue comme étrangère, mais le Protocole est quelque chose de local et pourtant nos gouvernements ne lui ont pas réservé un traitement différent pour ce qui est de la mise en œuvre.
L’autonomisation de la femme exige un degré plus élevé d’implication par la femme dans la gouvernance et dans la prise de décisions. Il faut éliminer les obstacles systémiques et structurels qui empêchent la femme de participer à la prise de décisions à tous les niveaux.
Les médias peuvent jouer un rôle important dans la promotion de l’égalité, d’où il est donc nécessaire de soutenir la presse feminine et les initiatives de communication féminines de même que d’exploiter la technologie afin de promouvoir les activités de la femme.
La prolifération des instruments a également été citée comme l’un des facteurs possibles qui contribuent au blocage de la mise en application parce que chacun exige une présentation de rapport et des procédures comptables différentes, ce qui met une lourde charge sur les Etats. Il y a aussi diffusion inadéquate de l’infornation au sujet des instruments au niveau local.
Un certain nombre d’Etats africains se sont faits lier par des instruments internationaux de droits humains, mais seuls quelques-uns ont réellement pris des mesures pour les rendre applicables au sein de leurs pays. Il semble que nos gouvernements ratifient de tels instruments, non pas à cause de l’engagement politique à leur contenu, mais à cause des urgences politiques et du désir de garder une bonne image. Le fait de ne pas parvenir à s’approprier de ces engagements reste un problème.
La multiplicité des lois dans différents pays est telle que la plupart des pays devront promulguer une nouvelle législation pour être capables d’approprier le Protocole après ratification. Un certain nombre de pays qui ont ratifié le Protocole, telles que l’Afrique du Sud et l’Ile Maurice, l’ont fait avec des réserves dangereuses qui traduisent leur manque de volonté d’abandonner complètement les pratiques qui font la discrimination à l’égard de la femme. La légitimité d’inclure des réserves sur les traités pourrait être discutable à cause de la substance de telles réserves.
Les principales normes internationales de droits humains sont définies en rapport avec les expériences des hommes et formulées en termes de violations discrètes de droits dans la sphère publique, tandis que les violations des droits de la femme se produisent dans la sphère privée. La dichotomie public/privé qui est si destructive pour les droits de la femme continue d’exister.
Les auteurs du Projet du Protocole ont été beaucoup influencés par les contenus de CEDAW de même que par le travail du Comité de CEDAW. Il est donc évident que pour assurer la mise en œuvre effective du Protocole, l’Afrique devrait s’inspirer de l’expérience du Comité de CEDAW dans le suivi de la mise en œuvre du Protocole.
Conclusion
Il est évident, à partir des paragraphes qui précèdent, que l’adoption du Protocole des Droits de la Femme est une évolution significative et assurerait l’intégration totale des préoccupations liées aux droits humains de la femme dans le cadre régional des droits humains. Le Protocole permettra tant à la Commission Africaine qu’à la Cour Africaine des Droits Humains et des Peuples de décrire comment les droits reconnus sous lui devraient être garantis dans les situations réelles de la vie.
Le rôle des instruments internationaux et des autres initiatives ne peut pas être sous-estimé. La légitimité au-delà de l’Etat a créé une influence relative pour la poursuite du programme du genre ; cependant nous sommes confrontés par une situation d’échec croissant de concrétisation de ces instruments dans les pays et l’écart entre l’engagement et la concrétisation des engagements devient de plus en plus large, ce qui mène à se demander ce qu’il convient de faire. Nous devrions, tant individuellement que collectivement, voir ce que nous pouvons faire afin d’assurer que la mise en œuvre ait effectivement lieu.
Il est indéniable qu’il est très important d’avoir ces engagements sur le papier en tant que marqueurs de progrès. Ce qui est plus important, cependant, c’est de les utiliser pour assurer que les changements réels se produisent dans les vies de la femme. Nous devons faire attention pour que les gains obtenus à Beijing ne soient pas retirés.
Recommandations
Il convient qu’il y ait un corps spécialisé semblable au comité de CEDAW pour faire le suivi de la mise en œuvre du Protocole. La Commission Africaine , dans son travail de faire le suvi de la Charte, n’a pas prêté suffisamment l’attention au Protocole. Même si elle a affecté un Rapporteur Spécial sur les Droits de la Femme, le Bureau du Rapporteur Spécial a besoin davantage de ressources humaines et financières pour s’acquitter de son mandat de manière plus efficace.
Malgré que les Etats Parties soient obligés par l’article 26 du Protocole de faire rapport des progrès dans la mise en œuvre du Protocole, ils ne sont pas susceptibles de prendre ceci sérieusement s’il ne leur est pas demandé de faire rapport à un corps particulier spécialement mis en place pour faire le suivi du Protocole.
Il sera utile d’intégrer l’enseignement des droits de la femme dans les curricula des facultés de droit en tant que discipline principale pour s’assurer que les juristes quittent l’université connaissant non seulement les lois nationales, mais aussi des instruments régionaux et internationaux qui protègent les droits de la femme.
Les organisations et les coalitions de droits de la femme comme la Solidarité pour les Droits de la Femme Africaine devraient être soutenues pour suivre la mise en œuvre du Protocole. A cet égard, elles devraient être soutenues financièrement pour participer aux réunions pour la Commission et pour préparer les rapports fantômes lorsque les rapports des pays sont en train d’être déterminés.
Des mesures devraient être prises pour instituer pleinement la Cour Africaine des Droits Humains et des Peuples sans plus tarder.
Nous devrions encourager et soutenir la femme à participer aux processus politiques à tous les niveaux et dans les portefeuilles qui jouent des rôles significatifs de politiques. Les membres du parlement ont aussi un rôle important à jouer à travers la promulgation des législations et en initiant des lois des membres privés et en réclamant des déclarations ministérielles sur les obligations entreprises.
Les médias pourraient également contribuer en diffusant l’information sur les progrès du Protocole et leurs avantages pour les citoyens afin qu’ils puissent réclamer la mise en œuvre.
Tous les droits qui se trouvent dans le Protocole sont interconnectés, interdépendants et indivisibles. Ainsi la violation de l’un ou l’autre d’entre eux affecte la jouissance de tous les autres. Nous devrions encourager les pays à le ratifier sans y mettre de réserves.
Nos dirigeants et décideurs politiques devraient se décider à changer non seulement ce qui est à l’extérieur d’eux mais aussi ce qui est à l’intérieur d’eux pour ce qui est de l’égalité des genres. Avec une notion redéfinie de pouvoir et d’égalité nous parviendrons à apporter le changement.
* Roselynn Musa est chargée de plaidoyer au FEMNET
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Références
Arusa M.K, (1998) Human Rights Protection in the African Regional System (Protection des Droits Humains dans le Système Régional Africain)
Benedek, W et al, (2002) Human Rights of Women (Droits Humains de la Femme), Zed Books, New York, 2002
Christi v.d. W. (éd), (2005) Gender Instruments in Africa: Critical perspectives and future strategies (Instruments du Genre en Afrique : Perspectives Critiques et Stratégies de l’Avenir), Riaan de Villiers et Associés, Midrand, Afrique du Sud.
Groupe de la Banque Mondiale sur le Genre et le Développement (2003), Genre et Egalité de Genre et les Objectifs de Développement du Millénaire, Washington, D.C., Banque Mondiale, http://www.worldbank.org/gender/
ONU, Plateforme d’Action et la Déclaration de Beijing, 1995, Département de l’ONU chargé de l’Information Publique, Nations Unies, New York
Union Inter- Parliamentaire, 2003 La Convention sur l’Elimination de Toutes les Formes de Discrimination Contre la Femme et son Protocole Facultatif, Manuel des Parlementaires, ONU, Suisse
Waldorf, L. CEDAW, Beijing et les ODM: Pathway to Gender Equality (La Voie Vers l’Egalité )
Note
1 Réseau de Développement et de Communication des Femmes Africaines (FEMNET), Equality Now-Bureau Régional Afrique, Centre Africain pour la Démocratie et d’Etudes en Droits Humains (ACDHRS), Femme en Droit et Développement en Afrique, Akina Mama wa Afrika, Réseau Inter-Africain pour la Femme, Médias Genre et Développement (FAMDEV), Fahamu et Oxfam R.U, Burkina Faso-Voix de Femmes, Djibouti – UNFD, Guinée -Conakry – CPTAFE, Kenya – Coalition sur la Violence Contre la Femme (COVAW) et FIDA-Kenya, Mali – AJM, Mozambique – Muhler Forum, et FDC, Namibie – Sister Namibia, Nigeria – Prise de Conscience sur les Droits de la Femme et Alternatives de Protection (WARPA) et HURILAW, Afrique du Sud – Centre des Droits Humains, Université de Prétoria, Soudan – Initiative Stratégique pour la Corne de l’Afrique, Centre d’Education pour la Femme en Développement et l’Association Scientifique pour la Femme Babikar Badri, et le Comité Inter-Africain sur les Pratiques Traditionnelles Dangereuses (IAC) – Ethiopie.