Rêvons toujours pour l’Afrique !
Il est à la fois si lointain et si proche, ce jour de l’année 1987, qui vît s’asseoir ensemble, ici à Dakar, une poignée significative d’afrikaners progressistes et quelques membres de l’ANC qui, usés par les nombreuses années d’exil entre Dar Es Salam et Alger, avaient enfin consenti à envisager une issue non violente au conflit qui en Afrique du Sud opposait les populations noires au régime de l’Apartheid.
Depuis, malgré l’usure du temps, l’ampleur du malheur et les signes de la fatale damnation, quelques continuateurs de ce rêve de démocratie et de développement pour l’Afrique, sur l’île historique de Gorée, comme sur un nuage, rêvent toujours de sociétés africaines paisibles, équitables et autosuffisantes.
Depuis, la Nation Arc-en ciel, a tenté de gommer les scories d’un système dont le moins qu’on puisse dire est qu’il était abject.
Ailleurs en Afrique, le Sénégal a vu M. Abdoulaye Wade succéder au Président Diouf qui avait accueilli cette fameuse rencontre de 1987. Au Bénin, au Mali, au Niger et ailleurs encore, l’alternance au pouvoir à pu se réaliser.
Bien avant, à l’aube des années 90, le vent de démocratisation issu de la conférence de la Baule avait soufflé sur l’Afrique francophone, arrachant partout, de Niamey à Bangui, les régimes postcoloniaux des trônes dans lesquelles ils s’étaient incrustés, semant ainsi parmi les peuples affamés par des décennies de règne de parti unique, un espoir de salut dont ils n’avaient jamais rêver au paravent.
Pendant ce temps, l’Ouganda et la corne de l’Afrique voyaient Mohamed Siad Barre, Mengistu et Idi Amin Daddah partir vers des destinations plus clémentes, alors qu’en Afrique australe, les régimes issus des luttes de libération nationale s’attachaient encore à entretenir la flamme de l’espoir né des longues années de sacrifice suprême. Nous rêvions tous !
Puis, comme dans ces contes eschatologiques dont seuls les peuples insatisfaits de leur présent et incapables de façonner leur futur ont le secret, advint… le pêché, puis l’interminable punition.
Partout sur le continent, les conséquences désastreuses des Plans d’ajustement structurel combinées aux dommages de la mal gouvernance de régimes impudiques, corrompus et insouciants, firent le lit des marchants d’armes et autres chercheurs de matières premières et de pierres précieuses, et contraignirent les peuples à la révolte, les gouvernants à la répression, et les factions armées à la radicalisation.
Depuis bientôt deux décennies, rien que des guerres sanglantes : au Libéria, au Rwanda, en Somalie, au Tchad, au Congo, au Burundi, en Côte d’Ivoire, au Soudan, etc.
Encore aujourd’hui, partout en Afrique, rien que rêves d’exil et des futurs incertains : en Côte d’Ivoire, au Tchad, sur la bande sahélo saharienne, dans le delta du Niger, au Zimbabwe et …en Afrique du Sud.
Aujourd’hui que le résultat le plus visible du dialogue inter congolais reste la persistance des attaques du chef de guerre Laurent Nkunda, l’Afrique du Sud qui, pendant des mois, à offert Sun City aux belligérants mafieux du Congo, cette Afrique du Sud qui a fait rêver plus d’un Africain, semble bien terne et chancelante, vivant un moment de doute et d’errance.
Et nous rêvons toujours !
Sommes-nous alors de ces rêveurs dont T. E. Lawrence disait qu’ils sont des gens dangereux, car voulant toujours agir sur leur rêve avec les yeux ouverts, pour le rendre possible? Serait-ce trop prétentieux ?
* Waly Ndiaye est Directeur des Programmes de Gorée Institute
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