Côte d'Ivoire : Pourquoi nous devons tous voter pour Alassane Ouattara
L’élection présidentielle ivoirienne du 31 octobre a conduit à un deuxième tour qui verra s’affronter le président sortant Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara. Face à ces consultations décisives prévues le 21 novembre, Venance Konan juge les dix ans de Gbagbo au pouvoir et expose les raison d’une alternance qu’il juge vitale pour la Côte d’Ivoire.
« Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi, les cheveux dans le vent, ma main petite maintenant dans son poing énorme, et la force n’est pas en nous, mais au-dessus de nous, dans une voix qui vrille la nuit et l’audience comme la pénétrance d’une guêpe apocalyptique…»
Aujourd’hui je suis appelé à choisir pour mon pays. Et me viennent en tête ces vers de Césaire. J’ai le choix entre une Côte d’Ivoire repliée sur elle-même dans un nationalisme aussi suranné que dangereux, et une Côte d’Ivoire ouverte sur le reste du monde, à commencer par notre Afrique de l’Ouest. J’ai de nombreux amis dans la sous-région, mais j’en ai particulièrement au Sénégal, au Mali, au Bénin et au Burkina Faso dont les enfants ont sensiblement le même âge que les miens.
Ces amis et moi avons décidé de nous envoyer nos enfants pendant les vacances, d’abord pour qu’ils se connaissent, et ensuite pour qu’ils découvrent d’autres pays africains. Ces amis et moi sommes absolument convaincus que l’avenir de nos enfants se conjuguera ensemble, dans une Afrique de l’Ouest encore plus intégrée. L’intégration économique et l’intégration des hommes et femmes de cette partie du continent est la seule façon pour nous d’évoluer et d’offrir un avenir meilleur à nos descendants.
La Côte d’Ivoire a connu sa prospérité du temps où elle était ouverte sur les autres pays de la région, et sa décadence a commencé lorsqu’elle s’est repliée sur elle-même. Lequel des deux candidats qui se présentent devant moi a les meilleurs atouts pour réaliser cette intégration, sans laquelle nos petits pays se condamneront à rester éternellement pauvres ? Pour moi il n’y a pas de doute que c’est Alassane Ouattara.
Aujourd’hui j’ai le choix entre une Côte d’Ivoire qui se remet enfin au travail et une Côte d’Ivoire où des aigrefins continueront de piller l’économie. Une Côte d’Ivoire qui veut réellement se lancer dans la compétition mondiale et une Côte d’Ivoire où des tricheurs et des malandrins sont des héros. J’ai le choix entre une Côte d’Ivoire où les Blé Goudé, les Richard Dakoury, les Ahoua Stallone les Al Moustapha et les Watchard Kédjébo sont les modèles proposés à nos enfants, et une Côte d’Ivoire où les vrais mérites seront reconnus.
Depuis quelques jours, je reçois des SMS me demandant de voter pour le vrai Ivoirien, mon frère qu’est Laurent Gbagbo. Evidemment, Ouattara ne serait pas un vrai Ivoirien et par conséquent ne serait pas aussi mon frère. Je voudrais répondre rapidement aux auteurs de ces SMS que mes frères à moi sont tous les hommes et femmes de la terre, et que dans cette élection, il ne s’agit pas de sentiment.
Qu’a fait le « vrai Ivoirien » de mon pays depuis les dix ans qu’il le dirige ? Ma fille est en classe de CM2. Dans la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo, je devrai certainement débourser de l’argent pour qu’elle puisse obtenir le Certificat d’Etudes Primaires et Elémentaires. Oui, parce que dans la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo, tous les diplômes, même les plus insignifiants sont vendus. Dans la République socialiste de Laurent Gbagbo, seuls ceux qui ont de l’argent ont une chance de réussite. Moi, je ne veux plus vivre dans cette Côte d’Ivoire. C’est l’une des raisons pour lesquelles je voterai pour Alassane Ouattara. Et je voudrais dire aux auteurs des SMS qu’ils sont vraiment archaïques s’ils continuent de raisonner ainsi, en 2010, au moment où Barack Obama, de père kenyan, dirige les Etats-Unis, au moment où Nicolas Sarkozy, de père hongrois et de mère grecque dirige la France, cette France où une des ministres s’appelle Ramatoulaye Yade.
Nous venons de trop loin pour nous arrêter sur des considérations fleurant le tribalisme et la xénophobie. Apprenons enfin à tirer les leçons de notre histoire récente. Le critère qui devrait nous guider dans notre choix est celui de la compétence. Laurent Gbagbo a eu tout le temps de nous étaler son incompétence à diriger notre pays. Le seul bilan qu’il a pu nous présenter durant la campagne électorale était sa résistance à la guerre. Lorsqu’on dirige un pays, que l’on sait que des déserteurs sont en train de s’entraîner quelque part pour venir tenter un coup de force, que l’on annonce urbi et orbi que celui qui « s’amusera à vouloir nous attaquer recevra une pluie de feu sur la tête », que l’on crie sur tous les toits que l’on va créer deux bataillons pour sécuriser le nord, si l’on se laisse finalement surprendre par moins d’une centaine de rebelles qui finissent pas occuper la moitié du pays, cela signifie que l’on a été incompétent pour diriger un pays. Qu’a fait Laurent Gbagbo lorsque Blaise Compaoré l’a informé que des déserteurs de son armée se trouvaient chez lui et qu’il ferait mieux de les laisser rentrer ?
Qu’a fait Laurent Gbagbo de notre pays ? Un pays où l’on célèbre le culte de la médiocrité, un pays où toutes les valeurs sont inversées, un pays où la vie humaine ne vaut absolument rien, où des étudiants peuvent insulter des magistrats battre leurs professeurs, tuer et violer leurs camarades en toute impunité, un pays où l’on peut venir déverser des déchets toxiques sans que les vrais coupables ne soient sanctionnés.
Qu’a fait Laurent Gbagbo des cent milliards que lui payés Trafigura (Ndlr : en indemnités dans l’affaire des déchets toxiques déversés à Abidjan) ? Un président qui se pavane dans une Mercedes Maybach dont le prix d’achat pourrait servir à construire un vrai hôpital pendant que son peuple croupit dans la misère peut-il prétendre aimer ce peuple ? Un tel président mérite-t-il d’être reconduit ?
Notre Côte d’Ivoire est devenu le pays de tous les trafics, le pays de la corruption à grande échelle. Qui ne voit les immenses richesses amassées par tous les proches de Laurent Gbagbo ? Pendant ce temps, dans quel état se trouvent nos routes dont nous étions si fiers, nos hôpitaux, nos écoles, nos campagnes ? Dans quel état se trouve notre université ? Allons-nous laisser encore la FESCI (Ndlr : Fédération des étudiants et scolaires de Côte d’Ivoire) faire ce qu’elle veut de notre école, tuer nos enfants en toute impunité en élisant encore Laurent Gbagbo qui est le parrain de la FESCI ? Habib Dodo aura-t-il été tué en vain ?
Chers Ivoiriens, l‘heure d’ouvrir les yeux est arrivé. Notre pays mérite mieux que ce qu’il subit depuis dix ans. Notre pays est capable d’avoir de vraies écoles où nos enfants pourront être éduqués, d’avoir de vraies universités où nos enfants auront une formation leur permettant d’avoir du travail à la fin de leurs études. Notre pays est capable, non seulement de nourrir sa population, mais aussi celles des autres pays d’Afrique de l’Ouest. Cela est possible, à condition que nous chassions Laurent Gbagbo et tous les rapaces de refondateurs du pouvoir. C’est pour cela qu’il nous faut tous voter pour Alassane Ouattara.
Nos jeunes frères qui ont entre 18 et 30 ans pensent probablement que la Côte d’Ivoire a toujours été ainsi. Qu’ils sachent que c’est Laurent Gbagbo qui l’a rendue ainsi, et qu’une autre Côte d’Ivoire est possible. Mais avec un dirigeant plus compétent. Que nos jeunes frères sachent aussi que la lutte contre le colonialisme est finie depuis 1960. Lorsque j’avais 20 ans, j’étais séduit par Sékou Touré. Mais j’ai eu le temps de comprendre et de voir ce qu’il avait fait de son pays avec ses discours. Je comprends que ces jeunes frères soient eux aussi séduits par le discours anticolonialiste de Laurent Gbagbo. Mais qu’ils sachent que ce combat-là avait été mené par Houphouët-Boigny, et le vrai combat qu’il nous reste à mener est celui de notre développement. Mais ce combat est au-dessus des forces de Laurent Gbagbo. Ce combat ne peut être gagné qu’avec une jeunesse bien formée. Pour cela, il faudrait libérer nos centres de formations de la FESCI, ce qui veut dire qu’il faut que Laurent Gbagbo soit chasé du pouvoir.
Les militants du PDCI doivent se souvenir que c’est le nord de la Côte d’Ivoire et le sud du Burkina Faso qui ont élu Houphouët-Boigny à l’Assemblée nationale française en 1946. C’est grâce à l’alliance qu’Houphouët-Boigny avait tissée avec le nord de notre pays qu’il a gouverné la Côte d’Ivoire dans la paix et lui a apporté la prospérité. C’est une nouvelle alliance entre le PDCI et ce nord qu’il a perdu qui permettra à nouveau à la Côte d’Ivoire de retrouver sa prospérité. Que les populations du centre de la Côte d’Ivoire, entre les mains de qui se jouera le sort de cette élection, se souviennent de leurs parents qui pratiquent l’agriculture dans l’ouest de notre pays. Il appartient à ces populations du centre de les laisser être des éternels otages que l’on peut déposséder à tout moment de leurs plantations, que l’on peut tuer impunément, ou des personnes libres de jouir du fruit de leur travail dans leur pays. Ce n’est certainement pas avec Laurent Gbagbo que ces paysans seront en sécurité.
L’un des arguments que Laurent Gbagbo et les siens serviront aux Ivoiriens est qu’Alassane Ouattara est derrière la rébellion. Je ne sais pas si cela est vrai. Mais il est bon de savoir qu’au départ, il s’agissait d’un coup d’Etat visant à chasser Laurent Gbagbo du pouvoir et qui s’est mué en rébellion lorsque notre armée a été incapable de la contenir. Souvenons-nous que Laurent Gbagbo avait approuvé le coup d’Etat qui avait chassé Henri Konan Bédié du pouvoir.
Ivoirien du nord, du sud, de l’ouest, de l’est, du centre, le sort de ton pays est entre tes mains. Il t’appartient de refermer cette parenthèse honteuse de notre histoire et de remettre la Côte d’Ivoire sur les rails du développement en chassant Laurent Gbagbo et sa clique d’incompétents et de cleptomanes du pouvoir.
* Venance Konan site est journaliste et écrivain ivoirien (web : www.venancekonan.com)
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