AFRICOM : Faire la paix ou alimenter la guerre en Afrique ? Les menaces potentielles

Dans la première partie de leur analyse sur la politique américaine concernant l’Afrique, publiée la semaine dernière dans Pambazuka News, Daniel Volman et William Minter ont montré les ambiguïtés de la démarche de Washington à travers son commandement militaire en Afrique, AFRICOM. Ils ont montré comment les préoccupations militaires se cachent mal derrière une coopération profitable au développement et au renforcement de la démocratie sur le continent. Et pour eux, rien ne prouve que cette politique contribue à la sécurité des Etats-Unis ou de l’Afrique. Au contraire, il y a des indications significatives qu’elle est contre productive en aggravant l’insécurité sur le continent et en stimulant les menaces potentielles contre les intérêts américains. Dans cette seconde partie, il passe en revue certains foyers de tensions au regard de la politique américaine.

En Somalie, avec le retrait, au moins temporaire, des troupes éthiopiennes et l’élection du leader musulman modéré, le Sheikh Sharif Ahmed comme président du gouvernement de transition, il y a au moins l’option d’un nouveau commencement pour ce pays. Mais personne ne s’attend à des résultats rapides, toutes les parties étant divisées à l’interne (y compris la milice insurgée connue sous le nom de Al-Shabaab) et les efforts de paix internationaux sont dilués par des agendas multiples. Il y aura une tentation continue de poursuivre un programme étroitement anti-terroriste bien qu’il soit maintenant plus généralement reconnu que celui-ci ne mène nulle part.

Le conflit au Tchad, dans une région couverte par Operation Enduring Freedom Trans Sahara, où la banque Mondiale a renoncé à demander des comptes concernant les revenus pétroliers, est intimement lié au conflit plus large du Darfour à l’est, ainsi qu’à l’héritage de l’intervention libyenne. Bien que les Etats-Unis s’en soit remis à la France en ce qui concerne une implications militaire et politique au Tchad, ils ont aussi soutenu le président Idriss Deby, au pouvoir depuis 1991 et qui a changé la constitution en 2005 afin de pouvoir de rester au pouvoir pour une législature encore. Malgré les attaques des rebelles sur la capitale, en février 2008, Deby est parvenu à contrôler la situation avec l’aide de la France.

Dans le nord du Niger, des mines d’uranium sont susceptibles de contribuer à attiser les flammes du conflit avec les minorités Touareg qui ont repris les hostilités, là et au Mali, depuis 2007.

Le Mali est généralement considéré comme étant la démocratie la plus aboutie de l’Afrique de l’Ouest, mais elle est également menacée par des Touaregs mécontents, ce qui va requérir une solution diplomatique plutôt que militaire.

Le Nigeria est d’une importance stratégique particulière où, pour les Américains, les soucis anti-terroristes et pour la sécurité énergétique convergent. Comme le soulignent les spécialistes du Nigeria, Paul Lubeck, Michael Watts et Ronnie Lipschutz, dans une étude parue en 2007, la menace sur le Nigeria en provenance d’extrémistes islamistes est largement exagérée par les militaires américains. Ils notent, au contraire, que ’’ personne ne met en cause la signification stratégique du Nigeria contemporain pour l’Afrique de l’Ouest, pour le continent africain dans son ensemble et pour l’économie américaine assoiffée de pétrole ‘’ Mais l‘insurrection croissante dans le delta du Niger pétrolifère ne sera pas résolue par l’accroissement des forces navales américaines ou le soutien à des forces contre révolutionnaires nigérianes. La priorité consiste plutôt à résoudre les problèmes de pauvreté, de destruction de l’environnement et à promouvoir une utilisation responsable de la richesse pétrolière du pays, particulièrement en faveur des populations des régions productrices.

Actuellement, les accords militaires américains avec le Nigeria et autres pays producteur de pétrole en Afrique de l’Ouest et du centre n’incluent pas uniquement une assistance militaire bilatérale, mais aussi les opérations navales de l’Africa Partnership Station et d’autres initiatives qui servent à promouvoir la sécurité maritime, particulièrement sur la route des pétroliers. Au cours de ces années passées, l’aide militaire des Etats-Unis au Nigeria a inclus au moins quatre bateaux pour les patrouilles côtières et environ 2 millions de dollars par an à d’autres fins, dont le développement d’une petite flottille dans le delta du Niger.

Selon la justification pour la demande de fond auprès du Département d’Etat, pour l’année fiscale 2007, une assistance militaire à ce pays est nécessaire parce que ‘’ le Nigeria est la cinquième source de pétrole des Etats-Unis et l’interruption de ce ravitaillement porterait un coup sévère à sa stratégie de sécurité pétrolière. En fait, la sécurité maritime est une préoccupation légitime aussi bien pour les nations africaines que pour les importateurs de pétrole en provenance de l’Afrique de l’Ouest. La piraterie, motivée par l’appât du gain, ainsi que l’insurrection dans le delta du Niger sont des menaces grandissantes sur la côte de l’Afrique de l’Ouest. Cependant, renforcer la capacité militaire du Nigeria et d’autres pays producteur de pétrole, sans prendre en compte les questions fondamentales de démocratie et de redistribution des richesses, ne va pas améliorer la sécurité des peuples africains ni servir les intérêts américains, ni favoriser le ravitaillement en pétrole. De même une solution militaire ne peut résoudre le problème de la piraterie dans l’Océan Indien et la Mer Rouge.

Les menaces citées par les responsables américains pour justifier AFRICOM ne sont pas imaginaires. Les réseaux de terrorisme globaux recherchent des alliés et des recrues à travers tout le continent africain, avec un impact potentiel au Moyen Orient, en Europe, ainsi qu’en Amérique du Nord et en Afrique. Dans le delta du Niger, la production a été interrompue de façon répétée par les attaques des militants du ‘’Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger’’ (MEND). Plus généralement, l’insécurité crée un environnement favorable à la piraterie et au trafic de drogues et contribue à motiver les recrues potentielles des mouvements politiques extrémistes violents.

Cependant, il ne s’en suit pas que de telles menaces peuvent être effectivement contrées par un engagement militaire américain accru, même si la participation directe de troupes américaines est minimale. La focalisation sur le renforcement des capacités contre révolutionnaires des gouvernements africains avec l’assistance des Etats Unis détourne l’attention de questions plus fondamentales de résolution des conflits. Elle augmente également le risque de conflit et l’hostilité à l’égard des Etats-Unis.

Continuité ou changement ?

Est-ce que l’administration d’Obama va sérieusement réexaminer la politique africaine qu’elle a héritée de ses prédécesseurs ? Ou est-ce que continuité sera le mot-clé ? Les quelques indications que nous avons jusque là, qui proviennent des déclarations d’Obama au cours de sa campagne électorale, ainsi que de ses choix pour les postes-clé, pointent vers la continuité. Pourtant la mise à l’épreuve aura lieu en pratique lorsque les crises africaines auront forcé l’attention de l’administration quand bien même ses énergies sont principalement engagées avec des défis nationaux et internationaux prépondérants.

Les schémas du passé.

Au cours de sa campagne présidentiel, le sénateur Barak Obama a laissé entendre dans ses déclarations qu’il poursuivrait la politique de l’administration Bush en Afrique, y compris sur des questions de sécurité. En parallèle avec ces remarques importantes et en réponse à un questionnaire de la Fondation Leon Sullivan en septembre 2007, le candidat note qu’’’ il y aura des situations qui nécessiteront que les Etats-Unis travaillent avec leurs partenaires en Afrique afin de combattre le terrorisme avec des moyens létaux’’, laissant ainsi la porte ouverte à des attaques sur la Somalie.

Dans un article écrit pour AllAfrica.com en septembre 2008, Witney Schneidman, vice Secrétaire d’Etat adjoint pour les affaires de l’Afrique dans l’administration Clinton et conseiller d’Obama pour l’Afrique, dit que la nouvelle administration ’’veut créer un programme de partenariat partagé afin de construire les infrastructures capables de fournir une formation anti-terroriste efficace et établir une base solide pour la coordination d’action contre Al Qaeda et ses affiliés en Afrique et ailleurs’’. Il ajoute que le programme ’’ comportera un volet pour le partage de l’information, des opérations, la sécurité frontalière, des programmes anti-corruption, de la technologie et la surveillance du financement du terrorisme’’. Schneidmann ajoute encore que ’’ dans le delta du Niger, nous devrions être plus engagés, non seulement dans la sécurité maritime, mais également travailler avec le gouvernement du Nigeria, de l’Union européenne, l’Union africaine et autres acteurs afin de stabiliser la région’’.

Dans le choix du général James Jones comme conseiller à la sécurité, Obama envoie un signal encore plus significatif. Comme commandant de l’OTAN et de l’EUCOM, de 2003 à 2006, le général Jones était un avocat enthousiaste de l’AFRICOM. Susan Rice, ambassadrice des Etats-Unis aux Nations Unies, qui est bien placée pour défendre les approches multilatérales en faveur de la paix en Afrique a, néanmoins, endossé les attaques aériennes en Somalie décidée par l’administration Bush au moment de l’invasion éthiopienne. Et elle a été une avocate importante des actions bilatérales américaines au Darfour.

Le 9 février 2009, le Secrétaire d’Etat adjoint intérimaire, Phil Carter, s’adressant au centre d’études stratégique pour l’Afrique du Pentagone, a commencé son discours en affirmant qu’ ‘’ un des succès de politique étrangère de la précédente administration est en Afrique’’. Il décrit quatre priorités, commençant avec la ‘’ fourniture de programme d’assistance concernant la sécurité’’ pour des partenaires africains, suivi de la promotion de ‘’ système démocratique et de sa pratique’’,’’ une croissance économique de marché viable ‘’ et santé et développement social’’.

Bien qu’il aie commencé sa liste de priorité avec une référence à un soutien pour mettre un terme au conflit en Afrique et préconisé‘’ des solutions africaines aux problèmes africains’’, il est néanmoins significatif que la description des priorités de sécurité inclue l’augmentation de la capacité militaire et des opérations d’AFRICOM, sans qu’aucune mention soit faite de la diplomatie.

De telles indications ne permettent pas de présumer de changements significatifs de la stratégie de sécurité. Néanmoins, des militaires et des membres des services de renseignement reconnaissent la nécessité de donner plus de place à la diplomatie et au développement. La réaction favorable des Etats-Unis lors de l’élection de l’islamiste modéré Sheikh Sharif Ahmed comme président de la Somalie, signale potentiellement une approche nouvelle à cette crise complexe. Le nouveau directeur du National Intelligence, Dennis Blair a déclaré au Sénat lors de sa première évaluation des menaces que ‘’ la première menace de sécurité concernant les Etats-Unis consiste en la crise économique globale’’. L’évaluation de Blair comprenait les menaces traditionnelles incluant des groupes d’extrémistes s’adonnant au terrorisme, mais a aussi souligné la nécessité pour les Etats-Unis de ne pas seulement traiter avec ‘’ des régions, des régimes et des crises’’ mais aussi de participer au développement de nouveaux systèmes multilatéraux..

Changer les priorités

Pour l’Afrique en particulier, la réalité appelle un ordre différent des priorités, reconnaissant la signification des menaces moins conventionnelles et l’inadéquation des réponses militaires simplistes. Dans un rapport paru en février de cette année, le TransAfrica Forum a demandé un nouveau cadre politique basé sur une intégration de la sécurité humaine Un tel cadre requiert une nouvelle façon de penser, d’insister sur la coopération multilatérale au détriment des initiatives unilatérales, de reconnaître un éventail large de menaces et non seulement celles provenant d’ennemis violents et d’investir dans les droits économiques et sociaux fondamentaux au dépens d’une confiance aveugle dans les lois du marché.

De telles prémisses pour une politique africaine menée par les Etats-Unis changeraient considérablement l’aspect de celle-ci par rapport à celle décrite par le Secrétaire d’Etat Adjoint Carter léguée par l’administration Bush, même si elle contient nombre d’éléments similaires. Dans les domaines économiques et du développement, on devrait suivre l’exemple de la réponse au sida qui est à la fois multilatérale et unilatérale afin de traiter les besoins de santé, d’éducation, alimentaires, d’infrastructures économiques et de l’environnement, avec chaque pays assumant sa part. Les Etats-Unis devraient ouvrir un authentique dialogue à propos du commerce et du développement au lieu d’imposer des politiques de marché rigides qui sont systématiquement biaisées en faveur des pays riches. Et l’administration devrait se référer à la grande communauté des Africains récemment immigrés aux Etats-Unis afin d’entendre leurs vues et obtenir leur contribution, nombre d’entre eux étant impliqués dans des projets familiaux et communautaires qui doivent aider leur pays.

Dans le domaine des questions traditionnelles de sécurité, les Etats-Unis devraient minimiser les engagements militaires bilatéraux en Afrique, lesquels risquant d’aspirer les USA dans des conflits locaux, en faveur d’une diplomatie multilatérale et d’opérations de maintien de la paix sans omettre de payer ce qu’ils restent devoir aux Nations Unies pour ces interventions.
Les Etats Unis devraient être attentifs et ne pas assister des régimes répressifs ni privilégier les relations entre militaires, mais au contraire favoriser le dialogue, non seulement avec le gouvernement en place, mais également avec la société civile. En bref, les Etats-Unis doivent revoir leur investissement dans les politiques anti-insurrectionnelles et la construction de réseaux d’influence de Washington auprès des establishment militaires africains, au profit d’une participation américaine dans un effort multilatéral pour améliorer la sécurité en Afrique.

En théorie, les activités de l’AFRICOM, ainsi que les programmes de maintien de la paix administrés par le Département d’Etat, devraient être intégrés dans une politique globale, incluant les actions diplomatiques liés à des crises africaines en collaboration avec les partenaires de Nations Unies en charge des opérations de maintien de la paix ainsi qu’avec les Africains et les Européens. En pratique, comme l’ont souligné Victoria Holt et Michael McKinnon du centre Henry L. Stimson, les Etats-Unis sont ambivalents en ce qui concerne les actions multilatérales et ce, aussi bien sous l’administration Clinton que celle de Bush..

Tant les Démocrates que les Républicains ont approuvé et soutenu les opérations de maintien de la paix des Nations Unies et de l’Union africaine. Mais les Etats-Unis restent devoir entre 700 millions à $1,5 milliards de dollars aux Nations Unis pour les opérations de maintien de la paix. Ils ont également ignoré les demandes urgentes pour un soutien logistique, comme des hélicoptères pour le Darfour. La coordination diplomatique en faveur de ces opérations au sein du gouvernement américain s’est avérée faible, cependant que les militaires sont opposés à la participation américaine dans des opérations multilatérales dont ils n’assumeraient pas le commandement.

Le programme le plus innovant favorisant le soutien pour les opérations de maintien de la paix multilatérale a été celui de l’Africa Contingency Operations and Assistance (ACOTA), administré par le Département d’Etat et qui fait partie du Global Peace Operations Initiative (GPOI) décidé par les leader du G8 en 2004. Ce programme a formé quelque 45 000 soldats pour les opérations de maintien de la paix depuis 2004, avec un éléments de ‘’ former le formateur’’ et qui est réputé être basé sur les critères des Nations Unies. Cependant il n’y a pas de preuve que ce programme ait été intégré dans une stratégie diplomatique américaine pour l’Afrique plus large ou qu’il contribue à augmenter les capacités des Nations Unies. Toutefois il y a lieu de nourrir quelques doutes quant aux intentions des militaires en relation avec ce programme qui est le fruit d’accords bilatéraux sous la responsabilité exclusive des USA, ceux-ci ayant aussi passé des accords bilatéraux, avec souvent les mêmes gouvernements, afin de former des troupes contre-révolutionnaires.

Les Etats-Unis ont des ressources, en particulier logistiques et financières, qui sont pertinentes pour les opérations de maintien de la paix et ils ont la responsabilité de contribuer équitablement, en tant que membre influent de la communauté internationale. Mais la garantie que ces ressources contribuent effectivement à la paix nécessite un nouveau cadre de référence, privilégiant la diplomatie multilatérale dans le cadre d’opération de maintien de la paix au détriment des programmes bilatéraux.

Les éléments pour un nouveau cadre de référence pour la sécurité

Un nouveau cadre de référence ne se construit pas en trouvant de nouvelles formules qui remplaceraient l’héritage qui mettait l’accent sur le renforcement des capacités de combat contre des insurgés ou des terroristes ou encore contre ce qui menacerait l’accès aux ressources naturelles. Il n’y a pas de formule unique valable pour tous ces pays actuellement en proie à des conflits violents, ou de formule adéquate pour répondre au large éventail de problèmes auxquels sont confrontés plus de 50 pays africains. De surcroît, les sérieux problèmes de l’Afrique ne seront pas résolus ni par les Etats-Unis ni pas la communauté internationale.

Néanmoins, il est important que les Etats-Unis ne créent pas de dommage et fassent une contribution significative afin de diminuer les menaces qui pèsent sur le continent. Lorsqu’il sera reconnu que la sécurité nationale des Etats-Unis dépend de la sécurité humaine des Africains, des éléments essentiels d’un tel cadre deviendront évidents. La mesure dans laquelle ces éléments seront incorporés dans la pratique ne dépendra pas seulement de la nouvelle administration à Washington, mais aussi de la capacité des Africains travaillant pour la paix et la justice sur le continent à tracer de nouveaux chemins et à se faire entendre.

(1) La priorité aux politiques à long terme incluant la sécurité humaine

A un niveau global, l’évaluation des menaces, telle que formulée par le directeur de National Intelligence, M. Blair, fait écho à une reconnaissance globale, selon laquelle ignorer la menace économique, environnementale et autres menaces non militaires, se fait à nos risques et périls. Les implications pour la politique en Afrique devraient être claires. L’hypothèse optimiste que les régions en développement pourraient être tenues à l’écart de la crise économique globale a été rapidement abandonnée. Bien qu’on ne puisse pas établir un lien direct entre les difficultés existentielles résultat de conditions économiques, environnementales ou de santé et la menace de conflits violents, il n’en reste pas moins qu’ignorer ces menaces, c’est courtiser le désastre. Investir dans le développement durable et des démocraties responsables, préserver l’environnement et promouvoir l’accès aux droits fondamentaux comme l’accès à la santé, à l’éducation, au logement n’est pas faire la charité. C’est seulement de la prudence. Les solutions en Afrique et aux Etats-Unis sont interconnectées.

Prenez l’exemple d’un seul secteur : celui de l’énergie et du réchauffement climatique. Le développement d’énergies alternatives aux Etats-Unis peut diminuer les besoins pétroliers et ainsi diminuer la nécessité de soutenir des régimes de pays producteur dont la performance en matière de Droits de l’Homme laisse à désirer. Il est également crucial de ralentir le processus de réchauffement climatique qui a déjà des conséquences graves sur l’environnement africain bien que l’Afrique ne produise que peu de gaz à effet de serres. En même temps, les Etats-Unis devraient soutenir les efforts qui visent à demander des comptes aux compagnie pétrolières et aux gouvernement quant à l’utilisation des revenus pétroliers, les encourageant à les investir pour le bénéfice de leur population et à développer des secteurs économiques moins vulnérables aux aléas de l’économie pétrolière.

Aucune de ces mesures n’est facile à appliquer. Elles ne sont pas davantage la solution aux conflits qui secouent des régions sensibles, productrices de pétrole, tel le delta du Niger. Mais le fait est qu’aucune autre approche n’a de chance d’être viable. Mettre l’accent sur la lutte contre l’insurrection ne représente nullement un raccourci. Dans un tel contexte, fournir une assistance militaire américaine, c’est mettre de l’huile sur le feu.

Plus généralement, la politique américaine envers chaque région du continent- y inclus des pays stratégiques comme l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Algérie, l’Egypte, l’Ethiopie, le Kenya et la République démocratique du Congo- doit privilégier la coopération et le dialogue sur tous les sujets ayant trait à la sécurité humaine au détriment de relations entre militaires. Il est essentiel de stimuler l’émergence de nouvelles opportunités de dialogue pour les sociétés et les gouvernements afin de trouver des solutions communes aux problèmes de la sécurité humaine.(voir ci-dessous)

(2) Prêter attention aux crises mais éviter l’approche de la solution unique

Les gouvernements ne peuvent se payer le luxe de ne prêter attention qu’aux problèmes structurels du long terme. Les crises immédiates réclament des réponses. Les conflits violents ou les Etats en faillite ont des conséquences non seulement en termes de vies perdues et pour les Etats directement impliqués, mais aussi pour la région et pour le continent dans son ensemble. Le coût de la réponse humanitaire pour la communauté internationale augmente proportionnellement aux délais d’intervention. L’explosion du nombre d’actes de piraterie dans l’Océan Indien et le Golfe de Guinée rappelle au monde les conséquences économiques et humanitaires. Dans des zones de conflits, les investissements personnel ou collectif dans des infrastructures de santé ou d’éducation peuvent être balayées en l’espace de quelques mois.

La liste des points les plus chauds en Afrique sont bien connues : le Soudan (y compris mais pas exclusivement le Darfour), la Somalie, la République démocratique du Congo, le Zimbabwe. Ailleurs, loin des projecteurs des médias, le feu couve sous la cendre au Tchad, en Côte d’Ivoire et en Ouganda pour ne mentionner que ceux-là. Dans chaque cas, ce ne sont pas seulement les pays et leurs voisins immédiats qui sont impliqués. D’autres acteurs comme les organisations africaines régionales, l’Union africaine, les Nations Unies et les grandes puissances comme les Etats-Unis sont sollicités. Et les réponses- ou l’absence de réponse- ont de l’importance. Mais aucune solution unique – la même pour tous- ne peut avoir de sens et ce n’est certainement pas le modèle de l’AFRICOM, centré sur la lutte contre l’insurrection, qui va apporter la réponse.

En façonnant un mélange de diplomatie, de pression, d’actions humanitaires et de maintien de la paix qui semblent le plus à même d’aboutir dans un cas particulier, une approche unilatérale des Etats Unis va certainement courir à l’échec. Mais défendre le point de vue ‘’ des solutions africaines pour des problèmes africains’’ est un truc de rhétorique plus qu’une réelle alternative. Les leaders africains doivent faire partie de la solution et, à quelques exceptions près, la diplomatie doit inclure toutes les parties aux conflits, même ceux coupables d’agressions ou de violations des Droits de l’Homme. Mais les Etats les plus proches du conflit et influents dans les organisations régionales ont aussi leurs propres intérêts. Même lorsqu’il y a un consensus, comme dans le cas de la mise sur pied de la mission de l’Union africaine au Darfour, les ressources peuvent faire défaut, mettant d’emblée la solution en échec.

Bien que les capacités institutionnelles de l’Union africaine pour les opérations de maintien de la paix aient augmenté, comme pour les Nations Unies, son efficacité dépends des Etats- membres et des compromis politiques de ses chefs. La nomination de Muammar Qaddafi de Libye comme président de l’Union africaine pour 2009, par exemple, ne va probablement pas favoriser une augmentation de capacité pour des opérations de maintien de la paix.

Le temps de considérer les chefs d’Etat africains comme seuls interlocuteurs ou d’espérer que le remplacement d’un chef d’Etat par un autre apportera la solution, est depuis longtemps révolu. Trouver le meilleur chemin pour résoudre les problèmes structurels de l’Afrique, nécessite de regarder au-delà des chefs. Les ressources africaines pour le changement et pour le leadership se trouvent aussi au cœur de la société civile, parmi les leaders à la retraite et les sages, parmi les professionnels travaillant au gouvernement ou dans des organisations multilatérales, y compris des diplomates et des militaires. Le défi pour les Etats-Unis est de s’engager activement dans la réponse aux crises, en y apportant des ressources, mais sans croire qu’il soit possible ou sage pour les Etats Unis de vouloir dominer.

(3) Renforcer les capacités pour faire et maintenir la paix

Plutôt que de mettre l’accent sur l’établissement de relations bilatérales avec l’Afrique, tel qu’incarné dans l’AFRICOM, la politique de sécurité des Etats Unis à l’intention de l’Afrique devrait concentrer ses efforts sur le renforcement de la capacité institutionnelle des Nations Unies et favoriser la relation avec des institutions africaines régionales qui mènent à bien des programmes des Nations Unies de stimulation des capacités. En même, les Etats Unis devraient s’assurer que leur politique et leurs opérations en faveur de l’Afrique, ainsi que celles des Nations Unies, soient transparentes et accessibles à l’examen des institutions législatives et de la société civile en Afrique, aux Etats-Unis et à d’autres pays concernés.

Cette proposition en faveur d’une nouvelle orientation n’est nullement basée sur l’hypothèse que les Nations Unies ont des réponses toutes prêtes pour les crises africaines. Au contraire. Dans sa déclaration du 23 février, le sous secrétaire général pour les opérations de maintien de la paix, Alain Le Roy, a expliqué au Conseil de Sécurité que les capacités de maintien de la paix de l’organisation sont débordées et que dans plusieurs situations acculées à la faillite.. Alors que le Conseil de Sécurité vient justement de voter en faveur de deux nouveaux mandats, pour le Tchad et la Somalie, il s’avère que les soldats des missions en République démocratique du Congo et au Soudan ont reçu des mandats qui dépassent leur capacité. ‘’Nous sommes débordés au plan opérationnel et, je pense que nous sommes débordés aussi au plan politique ‘’ a-t-il ajouté ‘’ Il y a, maintenant, une tension constante entre les mandats et les ressources, entre les attentes et la capacité de réponse’’

Néanmoins, même un gouvernement, aussi viscéralement opposé au multilatéralisme que l’administration sortante de M. Bush, a estimé que les opérations de maintien de la paix des Nations Unies étaient une ressource essentielle. Les actions des Nations Unies seront toujours dépendantes du bon vouloir des gouvernements et vulnérables à l’indécision et aux retards bureaucratiques. Mais il est grand temps de renforcer ses capacités de faire et maintenir la paix. L’opinion publique dans le monde entier - aux Etats Unis aussi - s’est depuis longtemps prononcée en faveur de plus de responsabilité et de ressources pour les Nations Unies.

A la fin 2006, un sondage d’opinion dans 14 pays a révélé que 64 % de la population en différentes régions se sont prononcé en faveur ‘’ d’une force de maintien de la paix permanente sélectionnée, entraînée et commandée par les Nations Unies’’ Ce même sondage d’opinion montre que 72% de citoyens américains sont du même avis. Cependant que les politiciens cultivent le stéréotype du scepticisme du citoyen américain à l’égard des Nations Unies, les sondages d’opinion révèlent avec constance que l’opinion publique lui est favorable, y compris le paiement des cotisations. (Voir Benjamin Page et Marshall Bouton, The foreign policy disconnect, Université de Chicago Press, 2006)

Renforcer les capacités de maintien de la paix des Nations Unies n’implique pas seulement la mise à disposition de ressources, mais aussi une surveillance interne et externe afin de déceler la corruption et les abus, comme c’est le cas pour les gouvernements en Afrique et aux Etats-Unis. Le cadre pour une sécurité humaine globale, présenté par TransAfrica Forum en février, par exemple, réclame de nouveaux mécanismes qui permettent à la société civile et au pouvoir législatif le droit de regard et d’intervention aussi bien pour les gouvernement des USA que par les agences multilatérales.

Malgré les attentes pour du changement, il est probable que ceux concernant la politique de sécurité pour l’Afrique de l’administration Obama n’émergent que par fragment (si même ils émergent), après la nomination des cadres intermédiaires et après avoir passé en revue les politiques de toutes les agences. La popularité du nouveau président et la somme de problèmes internes et globaux auxquels il a à faire face vont probablement offrir à cette administration de nombreuses opportunités avant que la désillusion ne se fasse jour. Mais les évènements sur le terrain ne permettent pas des délais indéfinis. Il va bientôt devenir apparent, en Somalie, au Soudan en République démocratique du Congo et peut-être dans d’autres crises actuellement imprévisibles, dans quelle mesure l’espoir que les Africains ont placé dans le président Obama sera justifié, dans les changements qu’il apportera et qui feront la différence pour les Africains

* Daniel Volman est le directeur de l’African Research Project et un membre du conseil d’administration de l’Association of concerned Africa Scholars. William Minter est l’éditeur de AfricaFocus Bulletin et co-éditeur, avec gail Hovey and Charles Cobb Jr of ‘’ No easy victory : African liberation and American activist over half a century, 1950-2000 (Africa world press, 2007)

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