Obama a besoin d’un cours de recyclage sur l’Afrique

En visitant pendant deux jours le Ghana, petit pays de l’Afrique de l’Ouest, le président américain effectue sa première visite officielle en Afrique. Lors d’un entretien, le président Obama a déclaré, sans fausse humilité : ‘’ Je connais probablement autant de l’histoire africaine que n’importe lequel de mes prédécesseurs’’. Ceci appelle deux commentaires. Premièrement, dans cette compétition-là, la barre n’a jamais été particulièrement élevée. Deuxièmement, le reste de l’entretien a démontré qu’il ne sait pas autant de choses qu’il le croit. Nombres de choses qu’il croit à propos de l’Afrique ainsi que les solutions à apporter à ses nombreux problèmes, sont simplement fausses.

Dans un entretien accordé à allAfrica.com, le président s’est focalisé sur les causes internes des malheurs de l’Afrique, soulignant la nécessité de bonne gouvernance et de combattre la corruption rampante. Ainsi, par exemple, il argumente en disant : ‘’Vous n’obtiendrez pas d’investissement sans bonne gouvernance’’. Ceci est simplement faux. Pendant des décennies, la majeure partie des investissements étrangers est allée d’abord à l’Afrique du Sud, même sous le régime de l’Apartheid, et ensuite aux Etats pétroliers comme l’Angola et le Nigeria. Dans tous les cas, la bonne gouvernance n’a joué aucun rôle dans les décisions concernant les investissements. Un profit garanti, indépendamment du système de gouvernance, a été le seul critère.

De même, Obama insiste que les hommes d’affaires ne veulent pas investir là ‘’où les responsables gouvernementaux réclament des pots de vin de 10, 15, 25 %’’. Ceci est également faux. Le Nigeria, l’Angola et l’Afrique du Sud, le Kenya, le Cameroun et le Congo, pour ne mentionner que ceux-là, infirment ses déclarations. Dans tous les cas les hommes d’affaires étrangers ont joué la carte de la corruption sans état d’âme. S’ils ne l’avaient pas fait, les gouvernants africains ne pourraient s’en tirer en toute impunité. Ce qui signifie que la corruption dans les hautes sphères africaines ne pourrait exister - et en fait n’existe pas- sans la complicité des Occidentaux.

Obama dit : ’’Il y a une corrélation directe entre gouvernance et prospérité’’. Raison pour laquelle il a choisi le Ghana pour sa première visite officielle, plutôt que le pays de son père, le Kenya. Dieu sait que les partis au pouvoir au Kenya sont effrontément corrompus et, hormis s’enrichir eux et leurs supporters, peu de chose les intéressent. Par ailleurs, le Ghana, après des années de mauvaise gouvernance suite au coup d’Etat orchestré par la CIA pour destituer le premier président, Kwame Nkrumah, peut maintenant être considéré plutôt stable et, sur un plan politique, démocratique. Obama sait beaucoup de choses. Il remarquait que lorsque son père a quitté le Kenya au début des années 1960, pour étudier aux Etats-Unis, le PIB du Kenya était plus élevé que celui de la Corée du Sud ; aujourd’hui, la Corée est une réussite économique cependant que le Kenya stagne.

L’index du développement humain des Nations Unies confirme cet état des choses. En 2008 la Corée du Sud occupait le 25ème rang sur 179 pays, ce qui la situait parmi les riches pays développés cependant que le Kenya est 144ème. Mais le président devrait considérer ses gradations plus attentivement. En dépit de la bonne gouvernance, le Ghana se trouvait au 142ème rang, pratiquement au même niveau que le Kenya, parmi le 20% qui constituent les pays les moins développés du monde. Il doit donc y avoir d’autres facteurs que ceux avancés par Obama qui, à eux seuls, n’expliquent pas tout.

Voici la substance de son diagnostic, que l’entretien a rendu explicite. Cependant que la communauté internationale ‘’ n’a pas toujours été aussi stratégique (à l’égard de l’Afrique) qu’elle aurait dû l’être… je crois fermement que les Africains sont responsables de l’Afrique… Pendant de nombreuses années nous avons trouvé des excuses pour la mauvaise gouvernance et la corruption, que ceci était un résultat du néocolonialisme, ou de l’oppression de l’Occident ou du racisme. Je ne crois pas aux excuses.’’

Ceci est partiellement vrai. Pendant des décennies, les Africains ont été trahis par un défilé de dirigeants monstrueux. Mais la vérité c’est aussi que les Etats-Unis ont activement soutenu les pires tyrans africains et si ce n’était pas les Etats-Unis, c’était la France ; c’est ce qui se nomme le néocolonialisme. Soit dit en passant, le régime de l’Apartheid en Afrique du Sud a été discrètement soutenu par la Grande Bretagne et les USA et a arrêté de déstabiliser le continent il n’y a seulement quinze ans. L’Occident a aussi fourni les armes qui ont été utilisées dans les terribles conflits internes qui ont déchirés le continent pendant si longtemps. A ce jour, les Etats-Unis, la Grande Bretagne et la France restent de proches alliés de dirigeants africains dont les pratiques démocratiques laissent beaucoup à désirer.

Il n’est pas généralement reconnu, que bon an mal an, les richesses et ressources africaines qui se déversent dans le monde riche excèdent l’aide, toutes sources confondues.

Au-delà de ces considérations, même si chaque pays africain était gouverné par un saint, il n’y a rien qu’il pourrait faire pour un environnement sévèrement endommagé par le réchauffement climatique qui afflige tout le continent et pour lequel l’Afrique ne porte aucune responsabilité.

Aucun dirigeant africain n’a la moindre influence sur l’augmentation drastique des prix des denrées alimentaires qui cause tant de souffrance à des millions d’Africains et qui génère même la famine.

Même un continent géré par des Mandela ne peut empêcher les subsides massifs que les gouvernements occidentaux paient à leur agrobusiness. Pendant qu’ils sont au Ghana, les Obama devaient aller faire les courses afin de pouvoir comparer. Ils seraient sans doute très surpris de découvrir qu’un poulet élevé au Ghana coûte davantage qu’un poulet importé d’Europe, grâce aux subsides payés aux Européens détenteurs d’élevages.

Et rien ne va altérer les dommages extensifs que l’Afrique a subis aux mains des néolibéraux et des politiques qu’ils ont imposés à l’Afrique, au cours des 30 dernières années, au travers de la Banque Mondiale et du FMI. Même aujourd’hui, et bien que le discours aie changé, ces institutions - profondément influencées par les USA- persistent à promouvoir des politiques discréditées qui n’ont pas augmenté la croissances mais ont aggravé les inégalités.

Au risque de paraître arrogant, je recommande au président de lire mon petit livre, The Betrayal of Africa (la trahison de l’Afrique), qui documente le double fardeau responsable de la situation en Afrique- ses propres misérables dirigeants de mèche avec des Occidentaux exploiteurs par leurs politique et pratiques. A moins qu’il ne comprenne cette vérité, le président Obama deviendra un parmi le flot interminable qui a causé à l’Afrique plus de torts que de bien. Et j’ai confiance que tel n’est pas son intention.

* Gérard Caplan est l’auteur de The Betrayal of Africa (la trahison de l’Afrique)

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