Les mercenaires de Kadhafi, issus de toutes les guerres africaines
Pour mater la révolution populaire qui est en passe de l’emporter, faisant plusieurs centaines de morts en une semaine, Khadafi aurait mis en marche son armée de mercenaires. Des groupes de légionnaires qu’il a montés à partir des années 1970, constituant le bras armés de Tripoli dans plusieurs conflits en Afrique sub-saharienne. «Un immense vivier», confie Collette Bareackman.
Les « mercenaires africains », dont certains s’expriment en français et qui sont en première ligne de la répression des manifestants sont le résidu de tous les conflits dans lesquels le président libyen s’est ingéré durant quatre décennies.
Au début des années 70, peu après sa prise de pouvoir, Kadhafi, qui rêve de prendre la tête d’un grand Etat saharien, se présente comme le protecteur naturel de tous les peuples nomades du Sahara et du Sahel. Entrant en concurrence avec la France qui soutient les régimes post-coloniaux, il contribue à la formation militaire de la future rébellion touareg en intégrant de jeunes nomades, frappés par la sécheresse au Mali et au Niger, dans une « Légion islamique » qui s’entraîne dans le sud de la Libye. Cette Légion sera la matrice d’où sortiront les combattants du GSPC puis de l’AQMI (Al Qaida au Maghreb islamique). Kadhafi intervient aussi au Tchad, où il soutient les nomades toubous et leur chef Goukouni Oueddei, puis Hissène Habré et enfin le chef d’Etat actuel Idriss Deby.
Par la suite, Kaddhafi élargit son champ d’action. Via le Tchad, il appuie certains groupes rebelles du Darfour et, en Afrique de l’Ouest, soutient Charles Taylor au Liberia et Lansana Kouyaté en Guinée. Les adversaires de Mobutu sont régulièrement accueillis à Tripoli et, en 1986, une délégation congolaise dont fait partie Laurent-Désiré Kabila échappe de justesse au bombardement américain… C’est que l’Afrique centrale intéresse le Guide de la révolution libyenne : il se présente comme le « roi des rois traditionnels » et voudrait financer un projet pharaonique, réalimenter le lac Tchad puis la nappe phréatique libyenne grâce aux eaux du fleuve Congo !
C’est ainsi qu’en Centrafrique, en 2002, Kadhafi appuie le président Ange Patassé que les Français souhaitent remplacer par François Bozize. Lorsque l’armée centrafricaine fait appel aux troupes de Jean-Pierre Bemba, basées dans la province congolaise de l’Equateur, c’est Kadhafi qui paie la facture du corps expéditionnaire congolais, dont les exactions vaudront à Bemba de se retrouver inculpé par la Cour pénale internationale. Par la suite, ayant occupé en 2009 la présidence de l’Union africaine, Kadhafi assagi traitera avec les chefs d’Etat en place, tout en continuant à entretenir d’innombrables réseaux parallèles, composés de tous les «soldats perdus » de ses guerres africaines.
Pour mater la révolte, il n’a eu qu’à puiser dans cet immense vivier de mercenaires potentiels…
* Collette Bareackman est journaliste belge
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