Sénégal: Le climat pré-électoral violent risque de saper les fondements de la démocratie
Les manifestations pour contester la candidature du président Wade, en vue d’un troisième mandat jugé anticonstitutionnelle par de larges phrases de l’opposition et de la société civile, ont fait quatre morts. Les contestations se multiplient alors que la campagne électorale est ouverte. Dans un contexte de violence, fait de violation des droits humains et de l’Etat de droit, Article 19 interpelle différentes parties impliquées dans cette crise.
Article 19 est préoccupée par l’usage excessif de la force, notamment de balles réelles contre les manifestants qui protestent contre la validation par le Conseil Constitutionnel du troisième mandant du président de la République Abdoulaye Wade.
Article 19 invite le gouvernement du Sénégal à respecter les libertés d’expression et de manifestation pacifique des citoyens, et demande que soit assurée la protection des militants des droits humains, des journalistes et des opposants politiques.
Depuis le vendredi 27 janvier 2012, date de la validation par le Conseil Constitutionnel de la candidature controversée du président sortant pour un troisième mandat, l’opposition et les forces vives réunies au tour du Mouvement du 23 Juin (M23) ont manifesté leur désapprobation. Très vite, les manifestions se sont généralisées à Dakar mais aussi dans des régions telles que Thiès, Matam, Kaolack, Fatick. Elles ont été réprimées par les forces de sécurité qui auraient utilisées des balles réelles.
Le 28 janvier 2012, le président de la Rencontre Africaine des Droits de l’Homme, Alioune Tine, par ailleurs coordonnateur du M23, menacé depuis plusieurs mois par les alliés du pouvoir, a été interpellé et placé en garde à vue pendant deux jours et libéré sans aucune charge.
Le 31 janvier, après les recours infructueux contre la candidature de Wade et le rejet définitif par le Conseil Constitutionnel de certains candidats indépendants dont le célèbre chanteur Youssou Ndour, une manifestation du M23 a encore eu lieu, mais elle a été violemment réprimée par les forces de sécurité.
Alors que L’article 7 de la Constitution du Sénégal consacre que «La personne humaine est sacrée. Elle est inviolable. L’Etat a l’obligation de la respecter et de la protéger», il est regrettable de constater que ces confrontations entre manifestants et force de sécurité entre les 27 et 31 janvier ont occasionné la mort d’au moins quatre personnes et plusieurs blessés.
Par ailleurs, le Sénégal est signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Ce pacte garantit le droit à la vie (article 6) et l’interdiction de toute forme de mauvais traitements (article 7).
Aussi, selon l’article 3 du Code de conduite pour les responsables de l'application des lois adoptées par l’Assemblée Générale des Nations unies le 17 décembre 1979 (Résolution 34/169), le recours à la force ne doit se faire que seulement lorsque cela est strictement nécessaire et dans la mesure exigée par l’accomplissement de leurs fonctions et conformément aux principes de la proportionnalité. Ce principe doit être appliqué sans exception.
Article 19 constate que tel n’a pas été le cas lors des dernières manifestations. «Nous déplorons l’usage disproportionnée de la force lors de ces derniers jours contre les manifestants. Le maintien de l’ordre public ne doit pas justifier l’utilisation de balles réelles au cours des manifestations pacifiques. L’état doit prendre toutes les mesures adéquates pour encadrer les manifestations publiques et assurer le respect des libertés fondamentales», souligne Fatou Jagne Senghor, Représentante Régionale de Article 19 Afrique de l’Ouest.
Article 19 note en sus qu’au cours de la manifestation du 27, des journalistes ont été brutalisés, et des acteurs politiques dénoncent la couverture des événements par les medias. Les stations régionales de la Radio Télévision Sénégalaise à Kaolack et à Fatick ont fait l’objet d’attaques dans la nuit du vendredi du 27 janvier y causant d’importants dégâts matériels.
Dans ce contexte de tension pré-électorale, Article 19 invite les acteurs politiques et les forces vives à respecter la liberté d’expression et la sécurité des journalistes. Les journalistes sur le terrain doivent pouvoir faire leur travail de relais de l’information sans être inquiétés ni être victimes de la furie d’aucune des parties en présence.
Article 19 recommande au gouvernement sénégalais :
- Arrêter l’usage disproportionné de moyens de rétablissement de l’ordre face à des citoyens non armés ;
- Mettre sur place, après consultation, une commission d’enquête indépendante afin d’apporter la lumière sur les pertes en vie humaine et autres dommages engendrés ;
- Assurer la sécurité des journalistes et des militants des droits de l’homme et de mettre fin aux intimidations et agressions dont ils font régulièrement l’objet ;
- Respecter la liberté de manifestation pacifique, d’expression et d’opinions de tous les citoyens ;
- S’engager sans délai dans la résolution de la crise pré-électorale et apaiser le climat social pour sauver la démocratie sénégalaise
Article 19 invite le M23 et les mouvements alliés à :
- User de leur droit de marche et de protestation dans le respect de la constitution sénégalaise et des principes internationaux applicables en la matière.
Article 19 invite le parquet à :
- Mener dans les plus brefs délais des enquêtes exhaustives et impartiales sur les violations des droits humains commis au Sénégal ;
- Lutter contre l’impunité et à apporter des éléments de réponse sur les morts précédemment enregistrés et non encore élucidés.
Article 19 invite les institutions chargées du maintien de l’ordre à:
- Veiller à ce que des mesures disciplinaires et judiciaires appropriées soient prises contre les agents chargés du maintien de l’ordre qui commettent des violations des droits humains.
Pour de plus amples informations, veuillez contacter Article Afrique de l’Ouest [email][email protected] ou +221338690322
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* ARTICLE 19 est une organisation indépendante des droits de l’homme qui travaille à travers le monde pour la protection et la promotion de la liberté d’expression. L’organisation tire son nom de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui garantit la liberté d’expression.
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